Nous venons d'apprendre avec tristesse la disparition de John L. Dobson, à l'âge de 98 ans. Son nom restera longtemps dans le vocabulaire des astronomes amateurs.
En hommage, je réédite ce billet que j'avais écrit le 1er novembre 2011 :
Pour vraiment saisir ce qu'est la sidewalk astronomy, regardez cette petite vidéo dans laquelle J. Dobson et quelques accolytes arranguent les passants de San Fransisco (A sidewalk astronomer, Bullfrog Films) :
En hommage, je réédite ce billet que j'avais écrit le 1er novembre 2011 :
« Mon Dobson ». « Dobby ». Combien de fois ai-je prononcé ces mots pour parler de ce cher télescope qui me plaît tant. Dobson. On devrait dire Newton puisque ce n’est pas pas un Cassegrain ou un Ritchey-Chrétien. Mais non. On dit « Dobson ». Du nom de l’inventeur de cette monture si particulière, si peu onéreuse, qui permet de si grand diamètres…
Il est tout de même remarquable de nommer un instrument non par sa formule optique mais par son type de système mécanique, ou plutôt par celui qui l’a inventé… Nous viendrait-il à l’idée d’appeler un 114/900 un « équatorial » ? Et bien nous, heureux possesseurs de Dobsons 10’’, 12’’ voire 18’’ ou plus - la diamètrite est une maladie dobsonienne incurable - , l’appelons ainsi, et non pas « alt azimutal »…
Mais que sait-on de cet homme dont nombre d’astronomes amateurs passionnés que nous sommes citent le nom sans forcément le connaître ? Cet homme qui vient de fêter son 96ème anniversaire en septembre dernier ?
Né en Chine, John Dobson est arrivé à San Francisco à l’âge de 12 ans en 1927. Il obtint un diplôme de Chimie en 1943.
Il se tourne vers la philosophie Hindoue en 1944 et rejoint un monastère de l’ordre Ramakrishna pour y être moine durant 23 ans. Rien que ces quelques éléments biographiques font de cet homme quelqu'un d’intéressant, hors norme pourrait-on dire... Dobson construisit sa première lunette en 1956, à partir d’éléments de récupération, et d'une lentille de 2’’ (51 mm), désireux de découvrir par lui-même l’Univers… et put alors observer Saturne, à la manière d’un certain Galilée...
Fasciné par ce qu’il arrivait à voir dans son oculaire de fortune, il entreprit alors de voir plus grand et de tailler et polir un miroir, son premier miroir, à partir d’un hublot de 12’’ récupéré sur un bateau réformé de la Navy. En observant la lune avec ce télescope, les premiers mots qu’il prononça furent : « tout le monde doit voir ça ! », et c’est ce qui le mut dorénavant.
Très vite sa passion pour l’astronomie et la construction de télescopes fut contrariée par son activité monastique, si bien que son activité télescopique devint clandestine. Il fabriquait des miroirs sous le manteau, se faisant livrer par des amis dans son monastère de Sacramento toujours plus de hublots cachés dans des caisses d’engrais, ainsi que le matériel de polissage nécessaire. Il est amusant de savoir que dans ses correspondances épistolaires, notre John ne pouvait pas utiliser le mot « télescope » ou « miroir », qu’il remplaça donc par tout un arsenal de codes, un « télescope » devint donc un « géranium ». Un « géranium en pot » la variante pour un télescope muni de son rocker et un « géranium en fleurs » un télescope dont le miroir a été aluminisé... Il en arriva même à devoir s’échapper du monastère la nuit pour aider des amis au polissage de miroirs.
L’astronomie sortit finalement vainqueur de ce combat inégal et John Dobson fut viré de son monastère en 1967. Il avait alors 52 ans, et une nouvelle vie commençait pour lui.
Il fit alors de sa passion pour les télescopes son métier en devenant enseignant. C’est avec deux élèves qu’il fonda dès 1968 l’organisation des San Fransisco Sidewalk Astronomers qui se mit à installer des gros télescopes au carrefour de Jackson Street et Broderick Street dans la ville du Golden Gate Bridge. Leur premier instrument de trottoir était un 10.5’’ fait de planches de contreplaqué et d’un hublot poli, qui fut décoré de couleurs chatoyantes jaune et rose et fut surnommé la Girafe Psychédélique, tout un programme (San Fransisco 6 mois après le Summer of Love était encore en ébullition…).
L’organisation grossit très vite, son but était simple et attachant : donner à voir le ciel au plus grand nombre et encourager la curiosité. En 1970, ils possédaient déjà un 24’’ tout à fait transportable…
Cette association à but non lucratif et d’utilité publique, toujours existante et active dans plusieurs pays, a toujours aujourd’hui pour objectif de populariser et démocratiser la découverte du ciel.
La méthode était simple et déjà usitée dans les années 30 aux Etats-Unis : installer un ou plusieurs télescopes en pleine ville à la tombée de la nuit sur les lieux les plus fréquentés et offrir ainsi aux passants sur le trottoir l’opportunité de découvrir la Lune, des planètes ou des étoiles brillantes (on est en ville rappelons-le).
Et savez-vous comment Monsieur Dobson appela ses télescopes de rue ? Pas des Dobson, - ou des Dobsonians comme outre-atlantique - , non ! simplement des Sidewalk Telescopes ! Des télescopes de trottoir, et oui…. nos Dobsons ne sont que des télescopes de trottoir !
La philopsophie sous-jacente au mouvement des SF Sidewalk Astronomers est réellement attachante, car ses objectifs sont si simples : permettre au plus grand nombre de découvrir l’Univers, que ce soit en accédant à des observations organisées, ou bien et surtout en pouvant construire le plus facilement possible son propre instrument et observer par soi-même les beautés du ciel.
Ces astronomes bricoleurs n’organisent effectivement pas que des observations un peu sauvages aux carrefours des grandes villes, mais aussi des star parties plus éloignées de la pollution lumineuse , dans des parcs naturels comme Yellowstone, auxquelles est invité - gratuitement bien sûr - le grand public.
Mais la plus grande action de John Dobson et de son association est bien évidemment la promotion de la construction de télescopes de trottoir réellement faciles à fabriquer, et pour le coût le plus faible possible. Depuis 1968, il n’a eu de cesse de parcourir d’abord les Etats-Unis, puis le monde entier, de colloques en rencontres de clubs et associations d’astronomes pour expliquer inlassablement comment fabriquer ses télescopes de grand diamètre dédiés à l’observation visuelle.
Dobson a toujours refusé de breveter son concept (difficilement brevetable de toute façon) ou encore de déposer son nom en marque commerciale (facilement faisable en revanche, mais je ne parle pas du mot « trottoir » là !).
Ce que l’on sait peut-être moins sur John Dobson, c’est qu’il profitait et profite encore de sa notoriété grandissante dans le monde des astronomes en culotte courte pour proposer sa vision de la cosmologie, très marginale vis-à-vis du paradigme actuel, influencée par la philosophie hindoue, défendant vigoureusement une vision anti-Big-Bang, comme par exemple un univers sans début ni fin, et fustigeant parfois la communauté des astrophysiciens professionnels pour leur manque d’imagination dans leur volonté de toujours conserver un modèle dit « standard » d’un Univers en expansion créé à partir de rien en étant contraints de lui appliquer une multitude de rustines théoriques pour sauver ce modèle-passoire troué de toute part par de la matière noire par ci, de l’énergie noire par là, et autres inflations inflationnaires…
Dobson propose une vision d’un Univers à la fois en expansion mais dans un état stationnaire, en perpétuel renouvellement dans lequel la matière se recycle, tout en suivant rigoureusement les lois de la relativité générale et les principes de la mécanique quantique.
L’iconoclaste John Dobson est sans conteste un homme qui aura marqué durablement les 50 dernières années dans la communauté des astronomes amateurs et également au delà pour la popularisation de l’astronomie en général, en démontrant qu’elle pouvait être accessible à tous.
Qu’attendons-nous pour renouer chez nous avec la belle idée initiale de John Dobson ? Pourquoi ne pas installer de temps en temps nos rockers et nos tubes sur les trottoirs de nos villes à la nuit tombante ? Et pourquoi ne pas militer pour que toutes nos écoles, collèges ou lycées (où l’enseignement de l’astronomie est cruellement absent!), à former des ateliers de construction de télescopes à la méthode Dobson ?
Imaginez ne serait-ce qu'un seul 10’’ dans chaque école du pays, certainement le rêve d’un certain John Dobson…
Pour vraiment saisir ce qu'est la sidewalk astronomy, regardez cette petite vidéo dans laquelle J. Dobson et quelques accolytes arranguent les passants de San Fransisco (A sidewalk astronomer, Bullfrog Films) :
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire