Un des meilleurs moyens pour étudier la formation des galaxies et leur évolution est d'utiliser le taux de formation d'étoiles massives par unité de volume d'Univers. Malheureusement, la lumière des étoiles dans les galaxies, notamment celle située dans le visible et l'UV, peut être fortement absorbée par de la poussière présente dans les galaxies. Cette absorption produit une mesure du taux de formation d'étoiles qui devient très imprécise.
Alors comment faire ?
Une méthode pour résoudre ce problème consiste à regarder ces galaxies dans le domaine infra-rouge, où les grains de poussière (des grains de silicium et de carbone pouvant faire quelques centaines de microns de diamètre) réémettent l'énergie de la lumière visible ou UV qu'ils ont absorbée.
Le signal mesuré en visible et en UV combiné à celui obtenu en IR permet alors de pouvoir estimer assez précisément le taux de formation d'étoiles. Hélas, les données IR ne sont pas très nombreuses pour les galaxies distantes...
Il faut alors trouver une autre méthode, et c'est une telle méthode que Véronique Buat et al. étudient dans le numéro 545 de Astronomy and Astrophysics : ils cherchent à appliquer une sorte de "correction de poussières" aux données optiques, et ce sur une très vaste population de galaxies. Mais savoir quelle est la dépendance de cette correction en fonction de la longueur d'onde n'est pas des plus simples.
Variation de l'amplitude de la bosse de la courbe d'extinction en fonction de plusieurs paramètres (Buat et al.) |
Même pour les galaxies les plus proches, on a du mal à savoir si il existe une bosse dans la courbe d'extinction à 217 nanomètres, qui pourrait être lié à la taille des grains ou à leur composition.... Ce qui est sûr, c'est qu'au sein de notre galaxie, la Voie Lactée, il existe bel et bien cette bosse dans la courbe d'extinction. Mais elle est déjà beaucoup plus faible dans les nuages de Magellan, nos galaxies voisines.
Heureusement, les observations de plus en plus nombreuses de l'Univers lointain, que ce soit dans l'infra-rouge lointain avec le satellite Herschel, dans l'infra-rouge moyen avec le télescope Spitzer, et dans l'IR proche avec des télescopes terrestres, permettent aujourd'hui d'étudier l'extinction due à la poussière aux grands redshifts (grandes distances).
Buat et al. ont produit des statistiques sur l'absorption des poussières en fonction de plusieurs caractéristiques des galaxies comme leur luminosité, la masse stellaire ou encore la forme de leur spectre UV, et ce jusqu'à des redshifts de l'ordre de 2,2 (à ces redshifts, l'UV émis se retrouve dans le visible dans nos yeux et nos CCD...). Ils ont étudié 751 galaxies pour cette étude.
Et ce que l'équipe de Véronique Buat, du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille et ses collègues trouvent grâce à l'utilisation d'un logiciel de calcul nommé Cigale (ça ne s'invente pas!), c'est qu'il existe une très grande variété de comportement, il n'y a pas une courbe d'extinction qui pourrait être généralisée à un grand nombre de galaxies, mais la variabilité règne... Ils montrent également que sans les données IR, ils ne pourraient rien dire ou presque. Ces données s'avèrent essentielles.
V. Buat et al. montrent finalement que, alors qu'ils espéraient pouvoir trouver des paramètres communs à de grandes populations de galaxies, c'est en fait devant une très grande variabilité qu'on se retrouve concernant la présence de poussières, et cela pose de nouvelles questions qu'il est maintenant interdit de glisser sous le tapis...
Références :
GOODS-Herschel: dust attenuation properties of UV selected high redshift
galaxies
V. Buat et al.
Astron. Astrophys. 545 A141 (2012)
Clearing up the dust
A. Barger
Nature, 492, 192 (13 december 2012)
1 commentaire :
Je lis toujours ça et là que les espaces interplanétaires, interstellaires et intergalactiques ne sont pas vides mais remplis de poussière, et je me suis toujours demandé, car ce n'est jamais explicité, de quoi était faite cette fichue poussière. Merci d'avoir, enfin, répondu à mon interrogation.
C'est agréable de lire chez vous autre chose que ce qui est repris partout ailleurs sur les blogs scientifiques francophones, d'autant que vous semblez avoir repris un bon rythme de publication.
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