mardi 11 décembre 2012

Pas de WIMPs pour Fermi-LAT

La collaboration FERMI-LAT vient enfin de publier ses analyses des données de l’émission gamma diffuse du halo galactique. Cette analyse, la version « officielle », était attendue depuis un moment, depuis que certaines équipes « non –officielles » pourrait-on dire, avaient cru repérer des signes de raies gamma dans les données, pouvant être un signe de matière noire

Les physiciens des astroparticules qui animent cette large collaboration internationale exploitant le Large Array Telescope (LAT) installé sur l’observatoire spatial Fermi recherchent des photons gamma qui  seraient le résidu soit d’annihilation de WIMPs, soit de leurs désintégrations. Ils regardent également des photons gamma qui seraient produits par effet Compton inverse des électrons et positrons énergétiques pouvant être produits également dans les annihilations et les désintégrations de WIMPs.
Vue d'artiste de Fermi-LAT (NASA/DOE)

Avant de vous dire quel résultat ils ont trouvé, parlons un peu de la façon de procéder pour cette recherche très minutieuse. Comme on l’a dit, des rayons gamma peuvent être produits directement ou indirectement par des WIMPs. La caractéristique très intéressante des rayons gamma est qu’ils voyagent sans être affectés par le champ magnétique galactique, a contrario des rayons cosmiques chargés, ni par le milieu interstellaire, étant suffisamment énergétiques pour le traverser allègrement. Du coup, les données gamma retiennent une information sur  la morphologie de la région d’émission. 

Le Large Array Telescope à bord de Fermi fournit des données de flux gamma d’une très grande précision. Environ 90% des photons gamma détectés par Fermi-LAT sont d’origine diffuse. Ils ont une composante galactique, qui contient de l’information sur l’origine et la propagation de rayons cosmiques, ainsi que la distribution de leurs sources. Ces photons diffus possèdent aussi une composante extragalactique qui elle, fournit une signature des phénomènes énergétiques à l’échelle cosmologique.

Les deux composantes doivent l'une et l'autre comporter une partie liée à la matière noire, si elle existe : le signal galactique par les interactions dans le halo et les sous structures galactiques (annihilations et désintégrations), et le signal extragalactique à travers les processus d’annihilation intégrés sur tous les redshifts. L’équipe de Fermi-LAT s’est focalisée sur la première famille : la recherche de processus d’annihilation et de désintégration dans le halo de la Voie Lactée.
Mais à cause de la présence de sources gamma intenses vers le centre galactique et la forte émission diffuse aux alentours du plan de la Galaxie, la région de recherche de prédilection des physiciens et astrophysiciens de Fermi-LAT est une région située entre 10° et 20° au dessus et en dessous du plan galactique, là où le rapport Signal/bruit doit être le meilleur…

Ciel en rayons gamma (10 GeV) vu par Fermi-LAT.
De plus, cette région du ciel a un autre avantage qui est que le signal potentiel de matière noire y est moins sensible au profil (inconnu) du halo sombre.  Et cette zone est encore plus propice pour les modèles de matière noire qui impliquent des annihilations qui se terminent en paires de leptons, qui ont le bon goût de produire des gammas par diffusion Compton inverse. Que du bonheur.
Dans cette vaste région d’intérêt, les photons gamma ont patiemment été comptés, leur distribution à la fois spatiale (leur direction) et spectrale (leur énergie) enregistrées et comparées avec ce qui serait attendu avec et sans matière noire. 

Bien sûr, c’est un peu plus compliqué que ce que je résume ici, il faut prendre en compte des tas de paramètres, modéliser le plus précisément possible le signal diffus réel, issu de sources astrophysiques connues, etc…
Vous voulez connaître le résultat ? Le voici : Ils ne trouvent pas de traces d’annihilation ou de désintégration de WIMPs !... 

Ne trouvant pas de signal avec les données qui sont celles utilisées permet de fournir des contraintes et des limites supplémentaires aux modèles. Cela ne veut pas dire que les WIMPs n’existent pas, simplement qu’ils sont sans doute moins nombreux que ce qu’on pouvait penser avant, ou qu’ils s’annihilent plus difficilement, ou qu’ils se désintègrent différemment…

L’autre nouvelle importante, c’est qu’il n’existe pas de raie gamma à 130 GeV dans les données de Fermi-LAT, comme le bruit avait pu courir depuis le début 2012 et qui aurait pu être un signe évident de WIMPs… Cette fois-ci, provenant de l’équipe officielle, l'information de cette absence ferme définitivement une petite polémique qui aura agité la communauté durant quelques mois…

Référence : 

CONSTRAINTS ON THE GALACTIC HALO DARK MATTER FROM FERMI-LAT DIFFUSE MEASUREMENTS
Ackermann et al.
The Astrophysical Journal, 761:91, 2012 December 20 


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