jeudi 12 décembre 2013

Nouveau Calcul de la Zone Habitable du Système Solaire

Selon une étude récente(1) fondée sur les résultats fournis par le chasseur d’exoplanètes Kepler, environ 22% des étoiles similaires au soleil doivent abriter au moins une planète rocheuse dans leur zone habitable (là où de l’eau liquide peut exister à la surface d’une planète). 


Lorsque l’on rapporte ce pourcentage au nombre d’étoiles de ce type contenu dans notre galaxie, on trouve le chiffre intéressant de 22 milliards de planètes pouvant ressembler à la Terre, et ça rien que dans notre galaxie.
Les planètes telluriques du système solaire et la zone habitable calculée.
Vous me direz que c’est un chiffre colossal, extraordinaire. Oui. Mais ce chiffre dépend crucialement de la définition de ce qu’est la zone habitable. Or, dans cette étude, cette zone avait été redéfinie comme la zone s’étendant à une distance située entre 0,5 et 2 unités astronomiques. L’unité astronomique est la distance Soleil-Terre.  Ce choix peut sembler étonnant, ne serait-ce que lorsque l’on regarde notre propre système solaire, où Vénus, qui orbite à une distance de 0,72 UA est totalement desséchée et tout à fait inhabitable.
Vénus

Des géophysiciens et climatologues français ont récemment réévalué les distances de la zone habitable autour d’une étoile du type du soleil. Ils publient leurs résultats  cette semaine dans la prestigieuse revue Nature. Jeremy Leconte et ses collègues trouvent que la limite de distance inférieure pour la zone habitable autour du soleil se situerait plutôt à 0,95 UA, là où le flux solaire n’est que 10% plus fort que celui que nous connaissons sur Terre.
Ce qui voudrait dire en d’autres mots, que nous avons eu chaud.  Il s’en est fallu de peu pour que la Terre ne puisse jamais devenir le havre de vie qu’elle est devenue.

Mais cela a également une autre implication, puisque le chiffre astronomique que je mentionnais pour commencer devrait alors être revu à la baisse, puisque le nombre d’exoplanètes concernées doit être mathématiquement réduit si la zone intéressante est réduite :  il ne devrait n’y avoir que 10 milliards de planètes habitables au lieu de 22 milliards… (rien que dans notre seule galaxie).

Cette limite de 0,95 UA correspond à une planète où de l’eau existe toujours, mais serait entièrement devenue sous forme de vapeur dans l’atmosphère, une atmosphère irrespirable... Les océans se sont alors complètement évaporés. La vapeur d’eau serait dominante jusque dans la stratosphère et pourrait également s’échapper dans l’espace sous l’effet de la chaleur.
Maison
Leconte et ses collègues ont utilisé des modèles climatologiques 3D prenant tout en compte, nuages, variations d’humidité,etc… Ils retrouvent le même type de valeur de distance soleil-planète que deux anciennes études qui utilisaient des modèles beaucoup plus simples. La valeur obtenue pour le seuil d’insolation à partir de laquelle l’effet de serre de ‘disparition’  (disparition de l'eau liquide) apparaît, vaut 375 W/m². 

Jeremy Leconte et ses collègues ont d’autre part découvert des effets surprenant au sujet des nuages : les nuages ont un effet déstabilisateur sur le climat global. Les cirrus de haute altitude, qui produisent un réchauffement de la surface, augmentent en nombre et en taille plus vite quand la température de surface est élevée, ce que ne font pas les stratus de basse altitude qui eux refroidissent la surface. On parle d’effet de rétroaction positive, un effet d’emballement…

Les chercheurs français montrent également des effets sur la stratosphère. Du fait de la dépendance des effets radiatifs à la longueur d’onde, la stratosphère reste suffisamment froide et « sèche » pendant  un moment pour limiter la fuite de l’eau atmosphérique, même pour des flux d’énergie importants. Cet effet peut laisser penser par exemple que de l’eau liquide a pu exister tôt dans l’histoire de Vénus, il y a plusieurs milliards d’années.

Evidemment, ces études ne tiennent pas compte de la présence humaine qui est capable d’influer sur le niveau de température de l’atmosphère par ses émissions de CO2. Et de fixer nous-même notre habitabilité, ou non-habitabilité…


Références :

1). E. Petigura et al.  Proc. Natl Acad. Sci. USA 110, 19273–19278 (2013)

2). Increased insolation threshold for runaway greenhouse processes on Earth-like planets
J. Leconte et al.
Nature 504,268–271 (12 December 2013)


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