samedi 19 novembre 2016

Kepler11145123 : L'objet astrophysique le plus sphérique jamais mesuré


Les étoiles ne sont pas des sphères parfaites, leur rotation sur elles-mêmes produit une force centrifuge qui les aplatit très légèrement aux pôles. Or une équipe d'astrophysiciens vient de réussir à mesurer la rotondité d'une grosse étoile, et celle-ci se révèle étonnamment être l'objet astrophysique le plus sphérique jamais mesuré.




L'équipe de Laurent Gizon (Université de Göttingen) a réussi l'exploit de mesurer le rayon d'une étoile en rotation lente dans ses deux axes avec une très grande précision. Ils ont pour cela exploité une méthode d’astérosismologie, qui consiste à étudier les vibrations et oscillations internes d'une étoile via ces infimes variations de luminosité de surface (voir "Les étoiles vacillent pour nous dire leur taille"). L'étoile étudiée grâce au télescope Kepler porte le doux nom de Kepler 11145123 et se situe à 5000 années-lumière.
Alors que le rayon de l'étoile est de 1,5 millions de kilomètres, environ deux fois plus grosse que le Soleil, la différence que mesurent Gizon et ses collaborateurs entre son rayon équatorial et son rayon polaire ne vaut que 3 km ! Cet objet est donc quasi parfaitement rond, avec un ∆R/R = 2. 10-6
Pour comparer, notre Soleil, qui a été la première étoile dont la forme a pu être mesurée avec précision, montre un ∆R 3 fois plus grand (10 km) pour un rayon deux fois plus petit. Rappelons également que la Terre aussi montre une forme aplatie, encore plus prononcée, avec un ∆R de 21 km.

Gizon et son équipe ont sélectionné cette étoile au départ parce qu'elle montrait des oscillations purement sinusoïdales et a été suivie par Kepler durant 4 ans.
Comme différents modes d'oscillations sont sensibles à différentes latitudes au sein d'une étoile, les auteurs de l'étude, publiée dans Science Advances, ont comparés les fréquences des modes d'oscillations typiques des basses latitudes avec d'autres associés aux hautes latitudes. Cette méthode leur a permis d'atteindre les valeurs du rayon dans les deux axes avec une précision inégalée de 1 km seulement.
Bien sûr, Kepler 11145123 est différente du soleil par sa vitesse de rotation. Alors que le Soleil tourne sur lui-même en 27 jours, Kepler 11145123 le fait trois fois plus lentement, ce qui a un impact certain sur son aplatissement. Mais ce qui a surpris les astrophysiciens, c'est qu'avec sa vitesse de rotation même réduite, Kepler 11145123 devrait être plus aplatie que ce qui est observé.
Pour expliquer sa grande sphéricité, les astrophysiciens proposent alors un mécanisme additionnel sous la forme d'un champ magnétique qui serait présent aux basses latitudes et qui aurait un effet antagoniste à la force centrifuge produite par la rotation.

Par cette observation, il semble qu'un nouveau champ soit devenu accessible : celui de l'étude de la déformation des étoiles associée aux phénomènes magnétiques en lien avec leur rotation. Elle nous offre en attendant l'objet astrophysique le plus sphérique jamais mesuré.

Source :

Shape of a slowly rotating star measured by asteroseismology
Laurent Gizon
Science Advances  Vol. 2, no. 11 (16 Nov 2016)


Illustration :

Vue d'artiste de Kepler 11145123 (Mark A. Garlick)

2 commentaires :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
Comment peut-on distinguer une étoile qui ne tourne pratiquement pas d'une étoile qui tourne, mais vue de par sa ligne de pôles?

Dr Eric Simon a dit…

Bonne question. On peut savoir qu'on regarde une étoile par ses deux hémisphères notamment par asterosismologie : les modes d'oscillations varient selon la latitude.