Depuis quelques semaines, la sonde JUNO nous envoie des images plus bluffantes les unes que les autres de ses passages autour des pôles de Jupiter. Mais la mission de Juno est bien plus vaste que la prise d'images, fussent-elles magnifiques. Elle produit également des études détaillées de l'atmosphère jovienne et de la structure interne de la planète géante. Les premiers résultats scientifiques issus des toutes premières orbites de Juno viennent d'être publiés dans la prestigieuse revue Science.
Le premier des deux articles parus cette semaine relate les observations de la magnétosphère et des aurores polaires de Jupiter. Grâce à son orbite polaire, Juno peut évoluer à travers la structure complexe des champs magnétiques et des courants de particules chargées, lui permettant une étude détaillée de l'environnement électromagnétique de Jupiter. Les détecteurs de particules et de plasma de Juno ont ainsi mesuré des électrons énergétiques plongeant dans les régions polaires en formant des aurores intenses, qui ont été imagées simultanément par les spectrographes infra-rouge et UV. Lors de son passage le plus rapproché de la géante gazeuse, Juno n'était qu'à 4000 km au dessus des nuages. La sonde a également subi des impacts de petites particules de très grande vitesse lorsqu'elle traversait l'équateur jovien.
Jack Connerney (NASA Goddard Space Flight Center) et ses collaborateurs montrent que bien que les aurores observées au niveau des deux pôles possèdent des analogues terrestres, différents processus semblent à l'oeuvre sur Jupiter, notamment dans l'interaction entre l'ionosphère et la magnétosphère. Du plasma a par exemple été identifié en train de s'élever de l'ionosphère pour venir peupler la magnétosphère de Jupiter. Mais là où une grande nouveauté apparaît, c'est dans l'observation des faibles courants électriques alignés avec les champs magnétiques qui ont été mesurés en association avec l'aurore principale. Elle suggère un modèle radicalement différent pour décrire l'interaction de Jupiter avec son environnement proche. Une autre petite découverte intéressante que décrivent les chercheurs américains concerne les particules énergétiques qui sont associés aux aurores, et qui montrent une distribution en énergie très large, très différente de celle au contraire très piquée qui est observée sur Terre dans nos plus intenses aurores boréales. Il est à noter également que le champ magnétique global a été mesuré précisément et vaut 7,766 Gauss, il est environ deux fois plus fort que ce qu'attendaient les planétologues, avec là encore des données permettant de mieux appréhender la nature et la taille du noyau de Jupiter.
Le second article dont l'auteur principale est Scott Bolton (Southwest Research Institute, San Antonio), s'intéresse aux couches internes de Jupiter étudiées de près lors du passage à moins de 5000 km des nuages joviens le 27 août 2016. Le radiomètre de Juno a été utilisé à cette occasion pour sonder les couches gazeuses en micro-ondes (par des mesures en réflexion des ondes). Les planétologues ont ainsi identifié des structures climatiques jusqu'à une profondeur correspondant à une pression de 100 bars, dominées par des panaches riches en ammoniac ressemblant à ce que les spécialistes appellent des cellules de Hadley, mais beaucoup plus larges et profondes que celles qui peuvent être rencontrées sur Terre.
Une cartographie en infra-rouge a aussi été effectuée et révèle pour la première fois le taux d'humidité qui existe dans les régions de plus forte densité. Ce passage rapproché a aussi été exploité pour mesurer avec une grande précision le champ de gravité de Jupiter. La précision a été multipliée par un facteur 10 par rapport aux meilleures mesures antérieures. Ces premières mesures gravitationnelles vont permettre d'ores et déjà de nourrir les modèles physiques décrivant le noyau de Jupiter.
Ces deux publications ne sont que les premières d'une très longue liste, qui devraient arriver de plus en plus vite au fur et à mesure des analyses des nombreuses données envoyées par la sonde. Plusieurs années de recherche et de découvertes sur Jupiter nous attendent.
Pour en savoir plus sur la mission scientifique de Juno, je vous renvoie vers cette petite vidéo que j'avais faite 3 jours avant l'arrivée de la sonde en orbite de Jupiter:
Références
Jupiter’s interior and deep atmosphere: The initial pole-to-pole passes with the Juno spacecraft
S. Bolton et al.,
Science 356, 821–825 (2017) 26 May 2017
Jupiter’s magnetosphere and aurorae observed by the Juno spacecraft during its first polar orbits
J. Connerney et al.,
Science 356, 826–832 (2017) 26 May 2017
Illustrations
1) Jupiter montrant à Juno son arrière-train bleuté (NASA/SWRI)
2) Des aurores des pôles nord et sud analysées par leur émission en UV (Jack Connerney et al., Science)
4 commentaires :
Salut,
Une petite coquille, je pense, à la fin du 3ème paragraphe, vous avez écrit "noyaux" au pluriel.
Sinon une petite question : quand vous dites "Les planétologues ont ainsi identifié des structures climatiques jusqu'à une profondeur correspondant à une pression de 100 bars" ça correspond à combien de kilomètres de profondeur?
Merci d'avance.
Merci pour votre lecture attentive, je vais corriger cette coquille. En e qui concerne la profondeur correspondant à 100 bars, ça fait entre 150 et 200 km par rapport à la définition de la "surface" de Jupiter qui est prise là où la pression vaut 1 bar (au niveau des nuages). Il se trouve que les spécialistes ne parlent jamais de la profondeur de Jupiter en distance mais en pression. Cet article par exemple ne parle jamais de profondeurs en km. Pour mémoire, la sonde Galieo avait plongé dans Jupiter et avait fonctionné jusqu'à 22 bars (environ 80 kms)
Mince, ça fait pas beaucoup par rapport aux 70000km de rayon de Jupiter... Est-ce qu'on arrivera à explorer plus en profondeur cette planète? ou il y a une limite technique/physique?
Là il s'agit de mesures de la réflexion de micro-ondes. Les mesures de champs magnétique et de champ gravitationnel vont permettre d'"explorer" jusqu'au noyau de Jupiter!
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