Un trou noir de masse intermédiaire, d'au moins 50000 masses solaires, vient d'être déniché dans la périphérie d'une galaxie grâce aux rayons X émis lorsqu'il a détruit une étoile qui est passée trop près de lui. Une nouvelle méthode pour les détecter, et donc une première.
Dacheng Lin (University of New Hampshire) et ses collaborateurs ont publié leur découverte hier dans Nature Astronomy. Ils ont exploité les données de trois télescopes spatiaux : Swift, Chandra et XMM-Newton. La destruction de l'étoile remonte à octobre 2003, mais son résidu gazeux en orbite autour du trou noir a continué à produire un rayonnement dans différentes longueurs d'ondes pendant plus de 10 ans, en s'atténuant. Lin et son équipe ont d'abord exploré des données archivées de XMM-Newton datant de 2006 et 2009, puis des observations de cette même galaxie distante de 740 millions d'années-lumière par Chandra en 2006 et 2016 et enfin ils les ont complétées avec des observations de Swift de 2014.
La décroissance du signal observé coïncide exactement avec ce qu'on attend dans le cas d'une destruction d'étoile par effet de marée gravitationnelle auprès d'un trou noir massif.
Or, le spectre émis par le gaz fortement échauffé dans sa spirale vers le trou noir doit dépendre de la masse du trou noir. Et comme les données spectrales obtenues par Lin et son équipe sont de très bonne qualité, montrant une forte intensité du rayonnement surtout à des énergies inférieures à 3 keV, ils peuvent déterminer assez précisément la masse du trou noir qui est à l'origine de cette destruction d'étoiles. Il aurait ainsi une belle masse comprise entre 50000 et 100000 masses solaires, l'incertitude provenant de sa vitesse de rotation inconnue, et il se situe à 12,5 kpc du centre de la galaxie J2150–0551, très probablement au sein d'un amas d'étoiles.
D'après la théorie de la formation des galaxies, on devrait s'attendre à l'existence d'un grand nombre de trous noirs de masse intermédiaire comme celui-là dans les amas d'étoiles. Comme ils sont très rares à être détectés de la sorte, les spécialistes estiment qu'une grande partie d'entre eux doit exister dans un état "dormant" à la périphérie des galaxies. C'est la première fois qu'un trou noir de plusieurs dizaines de milliers de masses solaires est si clairement mis en évidence.
Seuls une poignée de trou noirs de masse intermédiaire (entre trous noirs stellaires de quelques masses solaires et trous noirs supermassifs de plusieurs millions de masses solaires) avaient jusqu'à aujourd'hui été détectés de manière plus ou moins robuste. Des événements de destruction stellaire par effet gravitationnel avaient déjà été observés, mais seulement au centre de galaxies, dans le voisinage très proche de trous noirs supermassifs. C'est donc aussi la première fois qu'un tel événement destructif est observé à la périphérie d'une galaxie.
La mise en évidence de la présence si longtemps recherchée de trous noirs intermédiaires est importante car elle va permettre de confirmer les modèles d'évolution des trous noirs, depuis les plus petits jusqu'aux plus gros.
Source
A luminous X-ray outburst from an intermediate-mass black hole in an off-centre star cluster
Dacheng Lin, et al.
Nature Astronomy (18 june 2018)
https://doi.org/10.1038/s41550-018-0493-1
Illustration
Image composite de la galaxie lenticulaire J2150–0551, la source X imagée ici par Chandra est colorée en mauve (en bas à gauche) (rayons X : NASA/CXC/UNH/D.Lin et al, visible : NASA/ESA/STScI)
1 commentaire :
Bonjour Eric,
Toutes ces observations incroyables nous donnent envie de savoir un petit peu plus comment fonctionnent les instruments extraordinaires qui les permettent.
Pouvez-vous dire où peut-on trouver des informations sur ces techniques?
Merci!
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