vendredi 2 octobre 2020

Découverte d'un embryon d'amas de galaxies autour d'un trou noir supermassif dans l'Univers jeune


Un proto-amas de galaxies vient d'être découvert dans l'Univers âgé de moins de 1 milliard d'années. Plus exactement, c'est un trou noir supermassif de 1 milliard de masses solaires entouré de 6 proto-galaxies (des galaxies en formation) qui vient de se dévoiler, de quoi nous aider à comprendre comment les trous noirs supermassifs peuvent grossir aussi vite aussi précocement. Une étude parue dans Astronomy&Astrophysics.


Le trou noir supermassif n'est pas seul au centre de son petit groupe, il est lui même entouré de ce qui commence à ressembler à une galaxie et d'une énorme quantité de gaz. L'activité qui règne autour de lui produit un quasar que les astrophysiciens ont nommé SDSS J1030+0524. Il se trouve à un redshift de 6,31, ce qui signifie que l'Univers y a une taille 7,31 fois plus petite qu'aujourd'hui et y est âgé de seulement 900 millions d'années. Cela en fait l'un des quasars les plus lointains que nous connaissons.  Le nombre de quasars situés à un redshift supérieur à 5,7 n'est que de l'ordre de 600.
Marco Mignoli (INAF, Bologne) et ses collaborateurs ont exploité durant plusieurs années des télescopes parmi les plus performants du moment : le télescope spatial Hubble, le Very Large Telescope au Chili et son instrument MUSE, de télescope Keck II à Hawaï et le Large Binocular Telescope en Arizona.

La structure qu'ont observée les astrophysiciens autour du trou noir supermassif donne des indications précieuses sur la structure en filaments de la matière cosmique, et notamment, elle vient confirmer ce que les spécialistes pressentaient : les trous noirs supermassifs doivent apparaître un peu plus tôt et grossir un peu plus vite là où existent des croisements de filaments, c'est à dire là où la quantité de gaz disponible est maximale, et là aussi où se trouvent les plus fortes concentrations de matière noire.
Mignoli et ses collaborateurs américains et espagnols recherchaient des signes de surdensité autour de quasars très distants. C'est ainsi qu'ils ont identifié 6 galaxies arborant le même redshift que le quasar, donc toutes situées autour du jeune monstre à une distance maximale de 5 Mpc (environ 16 millions d'années-lumière). Les astrophysiciens peuvent estimer la quantité de matière totale qui se trouve autour du quasar et de ces 6 proto-galaxies, c'est à dire dans un rayon de 20 Mpc (60 millions d'années-lumière environ) : 1000 milliards de masses solaires, soit autant qu'il en faut pour faire un amas de galaxies géant de l'Univers actuel. Mais le nombre de proto-galaxies décelées n'est qu'un minimum, il peut y en avoir beaucoup d'autres non détectées, selon les chercheurs.
Il s'agit de la première identification formelle par spectroscopie d'une surdensité galactique autour d'un trou noir supermassif dans le premier milliard d'années de l'Univers. Et le fait qu'on n'en ait pas observé avant, selon Mignoli et ses collaborateurs, vient simplement des limitations instrumentales de nos télescopes.
Il faut dire que les proto-galaxies détectées autour de SDSS J1030+0524 sont parmi les plus faiblement brillantes que nos télescopes peuvent observer. L'équipe d'astrophysiciens a dû pointer des télescopes de la classe des 8-10 m sur une durée allant jusqu'à 8 heures d'affilée pour identifier les 6 galaxies... 
Et Marco Mignoli et son équipe pensent que ces galaxies sont juste le sommet d'un iceberg, elles pourraient être simplement les plus brillantes d'un groupe beaucoup plus important.
Une approche complémentaire qui permettrait de détecter d'avantage de petites galaxies très faibles autour de quasars lointains comme SDSS J1030+0524 serait d'utiliser ALMA selon les chercheurs, notamment en allant chercher les raies du carbone ionisé une fois, à 158 𝜇m (la raie CII) ou la raie de l'oxygène ionisé deux fois, ) 88 𝜇m (la raie OIII). Non seulement cela pourrait permettre de déterminer le redshift très précisément pour des galaxies qui ne montrent pas la raie Lyα de l'hydrogène mais de telles observations en ondes submillimétriques permettraient aussi de découvrir des galaxies compagnes très poussiéreuses, invisibles dans d'autres longueurs d'onde.
Pour Mignoli et ses collègues, il ne fait pas de doutes que ALMA est un outil extrêmement prometteur pour dénicher de nombreuses petites proto-galaxies au voisinage très proche de quasars très lointains à plus de z=6 (Univers de moins de 1 milliard d'années).
Bien que les simulations cosmologiques suggèrent que les trous noirs supermassifs se forment dans les halos de matière noire les plus massifs (entre 1000 et 10000 milliards de masses solaires), une grande variabilité dans le nombre de galaxies les entourant doit exister. Selon les astrophysiciens, il pourrait même exister des trous noirs supermassifs sans grande population galactique les accompagnant. Cette variabilité apparaît d'ailleurs exacerbée lorsque l'on prend en compte les effets de rétroaction qui peuvent exister, qu'ils soient induits par le quasar lui-même ou bien par les puissants vents stellaires des galaxies compagnes. Ces effets de rétroaction peuvent en effet réduire drastiquement la formation d'étoiles et donc faire décroitre la masse stellaire et la luminosité des galaxies du groupe jusqu'à des distances de plusieurs Mpc, rendant leur détection toujours plus problématique à de telles distances spatio-temporelles...


Source

Web of the giant: Spectroscopic confirmation of a large-scale structure around the z = 6.31 quasar SDSS J1030+0524
Marco Mignoli et al.
Astronomy&Astrophysics 642, L1 (01 october 2020)
Illustration

Vue d'artiste du quasar SDSS J1030+0524 entouré de 6 proto-galaxies (ESO/L. Calçada)

1 commentaire :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
On trouve des trous noirs dans l'univers de plus en plus jeune.
Ok, ils auraient pu se former au croisement de filaments...
Mais pour se former, ils passent par l'étape d'un disque d'accrétion très actif. Et très visible.
Or, voit-on de tels disques dans un univers encore plus jeune?