dimanche 6 décembre 2020

Le carbone plus facilement produit dans les supernovas à effondrement de coeur


L'une des réactions nucléaires les plus importantes pour nous et pour la vie en général, si ce n'est la plus importante, est celle qui produit des noyaux de carbone lors des supernovas à effondrement de coeur. Une réaction qu'on appelle le processus triple-alpha car elle voit fusionner trois particules alpha (des noyaux d'hélium) en un noyau de carbone. Aujourd'hui, une équipe d'astrophysiciens trouve que cette réaction doit être boostée par un facteur 10 lors de l'explosion d'une supernova, ce qui remet en question l'origine de certains éléments lourds dans le système solaire. L'étude est publiée dans Nature


Shilun Jin (Université du Michigan) et ses collaborateurs ont créé un code de simulation qui modélise l'environnement existant à l'intérieur d'une supernova. Ils reproduisent les millisecondes qui se passent lors du rebond de l'étoile en train de mourir et qui produit une éjection brutale de neutrinos, de protons, de neutrons et de particules alpha, sans compter des photons de toutes les énergies. 
Les calculs détaillés de Jin et son équipe montrent que si l'explosion de la supernova est riche en protons, ceux-ci peuvent être utilisés dans la réaction triple-alpha, augmentant mécaniquement la production de carbone par ce processus. Dans le même temps, les réactions qui ont besoin de beaucoup de protons se retrouvent amoindries
Dans le processus triple-alpha classique, la fusion des trois noyaux d'hélium produit un noyau de carbone qui se trouve dans un état excité et instable, qui est appelé l'état de Hoyle : le noyau de carbone possède un surplus d'énergie de 7,65 MeV et peut soit revenir à l'état fondamental (l'état de plus basse énergie, qui est stable) en émettant deux photons gamma (3,21 MeV et 4,44 MeV) ou bien fissionner pour redonner les trois noyaux d'hélium de départ... Mais quand un proton vient interagir avec le noyau de carbone dans l'état de Hoyle en faisant une diffusion inélastique dessus, il emporte avec lui le surplus d'énergie et fait descendre instantanément le noyau de carbone dans son état fondamental. Ce dernier ne peut alors plus se désintégrer en trois noyaux d'hélium. 

La présence de nombreux protons a donc pour effet d'augmenter fortement la production de carbone 12 stable selon les chercheurs. Mais pendant que les protons sont "occupés" à interagir avec les noyaux de carbone excités, ils ne sont pas utilisés pour autre chose. Or, dans les supernovas, les grandes quantités de protons et de neutrons qui sont disponibles en un très court instant doivent fabriquer de nombreux noyaux d'atomes riches en protons et en neutrons, notamment les noyaux compris entre le Gallium (Z=31) et le Cadmium (Z=48). D'après les calculs de Jin et ses collaborateurs, la production de carbone stable est multipliée par un facteur 10 grâce au flux de protons présent dans les zones les plus denses de la supernova, mais la production de noyaux lourds riches en protons doit s'en trouver très amoindrie dans les mêmes proportions. C'est alors l'ensemble de la nucléosynthèse des supernovas à effondrement de coeur qui s'en trouve modifié. Jin et ses collaborateurs annoncent que cet effet doit absolument être pris en compte dans les modèles de nucléosynthèse des supernovas et ne pas être négligé.

Cette sous-production d'éléments lourds riches en protons à cause de la surproduction de carbone-12 stable par les protons pose un problème pour notre compréhension de l'abondance de certains éléments dans notre système solaire. En effet, nous avons une abondance anormalement élevée de Molybdène-92 et 94 (42 protons) ainsi que de Ruthenium-96 et 98 (44 protons). Ces quatre isotopes sont sensés être produits par le processus νp impliquant neutrinos et protons dans les supernovas à effondrement de coeur. Mais d'après les nouveaux résultats de Jin et ses collaborateurs, ces isotopes ne pourraient pas avoir été produits dans ces quantités par le processus νp dans une supernova à effondrement de coeur. Une autre origine devrait donc être recherchée pour expliquer les quantités observées de ces isotopes riches en protons (ou pauvres en neutrons), dont le molybdène et le ruthénium ne sont pas les seuls représentants... A suivre.


Source

Enhanced triple-α reaction reduces proton-rich nucleosynthesis in supernovae
Shilun Jin, Luke F. Roberts, Sam M. Austin & Hendrik Schatz 
Nature volume 588, (2 december 2020)


Illustrations

1) Le résidu de supernova Cassiopeia A (NASA/CXC/SAO

2) Schéma des réactions associées au processus triple-alpha (FRIB)

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