Michael Janssen (Institut Max Planck de radioastronomie et Université Radboud) et ses collaborateurs montrent pour la première fois à quoi ressemble la base d'un jet de trou noir supermassif en ondes radio, sur une échelle plus petite que 1 jour-lumière. Centaurus A est une galaxie bien connue, surtout des astronomes de l'hémisphère sud, avec sa forme si particulière : une forme elliptique avec une grosse bande de poussière qui la traverse, une galaxie située à 12,4 millions d'années lumière environ.
En 1949, Cen A devint la première source connue d'ondes radio en dehors de la Voie lactée. Cette galaxie possède en effet un noyau galactique actif, qui produit de puissants jets qui émettent de la lumière dans les longueurs d'onde des rayons X et des ondes radio, sur des distances bien supérieures à la taille de la galaxie elle-même. Depuis, Centaurus A a fait l'objet de nombreuses études dans les domaines radio, visible, des rayons X et des rayons gamma. Et on sait aujourd'hui que l'activité de la galaxie est dirigée par un trou noir de 55 millions de masses solaires.
Les nouvelles images de Centaurus A ont été obtenues par l'EHT en suivant la galaxie durant 6 heures le 10 avril 2017, à la longueur d'onde de 1,3 mm (228 GHz) alors que la plus basse longueur d'onde utilisée pour observer Cen A était limitée jusqu'a présent de 1 cm. Et ces images sont ultra-résolues : la résolution angulaire (25 microsecondes d'arc) est augmentée d'un facteur 16 par rapport aux précédentes meilleurs images! Elles permettent de voir ce qui se passe à seulement 200 fois le rayon de l'horizon des événements du trou noir (0,6 jour-lumière, ce qui fait seulement 15,4 milliards de kilomètres, à peine 100 fois la distance Terre-Soleil...). Les images reconstruites montrent que le jet induit par le trou noir est très similaire à celui de M87 jusqu'à 500 rayons de Schwarzschild, mais à une échelle plus petite. Mais cette image impose aussi de nouvelles contraintes qui vont permettre aux chercheurs d'avancer dans les modèles pouvant expliquer la naissance des jets de trous noirs accrétant. Selon les dernières données de l'EHT, les émissions radio forment en effet des lobes massifs émanant de Centaurus A. Mais seuls les bords extérieurs des jets émettent des ondes radio, peut-être en raison de leur collision avec le gaz galactique, ce qui aurait pour effet de réchauffer le bord. Les modèles qui ne permettent pas de reproduire cette caractéristique peuvent d'ores et déjà être rejetés, selon Janssen et ses collaborateurs.
Le fait que le jet de Cen A soit semblable au jet de M87* mais à une échelle plus petite est simplement dû, pour les chercheurs, à la différence de masse entre les deux trous noirs. Il existe un facteur 118 entre les deux. Cela renforce l'idée selon laquelle tous les trous noirs se comportent de la même façon quelle que soit leur taille, et leur activité induite ne dépend que de leur masse et de leur rotation. Une nouvelle preuve de l'existence d'une invariance d'échelle universelle pour les trous noirs.
L'image exceptionnelle du jet émanant du trou noir de Centaurus A permet de plus de localiser le trou noir très précisément dans le coeur de la galaxie. Grâce à cette localisation, les chercheurs pensent pouvoir tenter une imagerie de l'ombre de son horizon en utilisant une longueur d'onde submillimétrique (inférieure à 0,3 mm). Mais la taille angulaire calculée de l'ombre est de seulement 1,4 µs d'arc, environ 25 fois plus petite que celle de M87* et de Sgr A*, ce qui nécessitera non seulement une longueur d'onde un peu plus petite mais aussi un interféromètre avec une base de 8000 km au minimum d'après les simulations, donc probablement une future version de l'EHT placé en orbite...
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