jeudi 15 septembre 2022

Le principe d'Equivalence gravitation - accélération testé avec une précision de 0,000000000000001


La mission MICROSCOPE vient de livrer ses derniers résultats et  confirme le principe d’équivalence de la Relativité Générale avec une précision inégalée de 10-15. Les corps tombent bien dans le vide avec la même accélération indépendamment de leur composition ou de leur masse. La Relativité Générale d'Albert Einstein est plus solide que jamais. Les résultats sont publiés dans Physical Review Letters.

Le Principe d’Equivalence est aussi appelé universalité de la chute libre. Selon la théorie d’Einstein,  la gravitation résulte de la courbure de l'espace-temps induite par la matière. Et la plupart des théories candidates pour unifier Relativité Générale et Mécanique Quantique prédisent une violation du principe fondateur de la Relativité Générale : l’équivalence entre gravitation et accélération. Tester le principe d’équivalence revient donc à tester le fondement de toutes les théories de la gravitation et donc des théories alternatives à la Relativité. 

Le principe d'équivalence a été discuté pour la première fois au début du 17e siècle par Kepler et Galilée, avant de réapparaître plus tard dans la théorie de la gravité de Newton. Cette théorie stipule on le rappelle que la force gravitationnelle entre deux corps massifs est proportionnelle au produit de leurs masses gravitationnelles. La masse gravitationnelle est une caractéristique des corps massifs, jouant pour la gravitation le même rôle que la charge électrique pour les objets chargés. Mais ce n'est pas la seule masse dans les théories de Newton : la deuxième loi du mouvement stipule que la masse d'inertie relie l'accélération d'un corps à la force agissant sur ce corps. Par conséquent, les corps massifs ont potentiellement deux masses - la masse gravitationnelle et la masse inertielle, mais Newton a supposé qu'elles étaient identiques. En conséquence, le mouvement d'un corps massif dans le champ gravitationnel de la Terre devrait être indépendant de sa masse. Cette prédiction a été testée pour la première fois par Newton avec une précision de l'ordre de 10-3 en utilisant des pendules et en se servant de leur période d'oscillation. La première amélioration de cette mesure a été obtenue au 19e siècle par Friedrich Bessel qui a confirmé l'équivalence avec une précision de 10-5. Des mesures plus précises ont ensuite été effectuées à la fin du 19e siècle par le physicien Loránd Eötvös, qui utilisait un pendule de torsion pour confirmer le principe d'équivalence avec une précision de 10-9. C'est en l'honneur de cette expérience révolutionnaire que le rapport entre la différence d'accélération de deux corps massifs et leur accélération moyenne est appelé paramètre d'Eötvös, η. Selon le principe d'équivalence, η doit être égal à zéro.

Et Einstein a utilisé le principe d'équivalence vérifié expérimentalement par Eötvös comme base de sa théorie. Dans une célèbre expérience de pensée, il a imaginé de placer une personne tenant une pomme dans un ascenseur au moment où les câbles sont accidentellement coupés. Pendant la chute libre, la personne lâche la pomme, qui reste en suspension au lieu de tomber au sol. C'est comme si la gravité semblait être désactivée en raison du principe d'équivalence. Toute la construction de la Relativité Générale d'Einstein repose sur la validité du principe d'équivalence. Tester le principe d'équivalence revient à vérifier la Relativité Générale.

En 2012, l'expérience américaine Eöt-Wash atteignait un niveau pour η inférieur 10-13 (grâce à une version actualisée de la balance de torsion d'Eötvös). Et un an après son lancement en 2016, MICROSCOPE permettait d'atteindre le niveau η ≤ 10-14. MICROSCOPE (MICROSatellite à trainée Compensée pour l’Observation du Principe d’Équivalence) est une mission franco-allemande : CNES, ONERA,CNRS, OCA, ESA, DLR, ZARM (université de Brème) et PTB (Institut de métrologie allemand). Il s'agit d'un accéléromètre différentiel qui mesure avec une extrême précision, à l’échelle atomique, la position de ses masses d’épreuve qui sont en chute libre autour de la Terre, une en platine et l'autre en titane. Il est resté en orbite à 710 km durant deux ans et demi et a effectué pas moins de 1642 révolutions autour de la Terre. Étant dans l'espace, l'expérience s'est affranchie de nombreuses incertitudes systématiques inhérentes aux mesures terrestres, comme le bruit des vibrations sismiques ou les variations du champ gravitationnel causées par les montagnes voisines. Lors de l'expérience, deux cylindres coaxiaux, en titane et en platine, ont été placés en chute libre dans le champ gravitationnel de la Terre. Ces cylindres étaient maintenus en place par des forces électrostatiques qui corrigeaient les minuscules perturbations du satellite. Les chercheurs ont recherché à mesurer des écarts dans ces forces de correction, qui auraient indiqué que les deux cylindres tombaient à des vitesses légèrement différentes et que l'équivalence était violée. La mission a duré deux ans et demi, cumulant cinq mois de données scientifiques en chute libre, dont les deux tiers avec une paire de masses d'essai de composition différente : alliages de titane et de platine, et le dernier tiers avec une paire de masses d'essai de référence de même composition : platine uniquement.

En comparant les accélérations de chute libre de deux corps de compositions différentes, Pierre Touboul (ONERA) et ses collaborateurs démontrent que leur écart relatif est au plus de 1,5 10-15. Ces résultats de l'équipe MICROSCOPE qui sont publiés seulement aujourd'hui viennent donc confirmer le résultat antérieur, atteignant la sensibilité η de l'ordre de 10-15. Ce résultat important est la première contrainte expérimentale sur le principe d'équivalence qui est obtenue dans l'espace et la meilleure jamais obtenue, évidemment.

Une nouvelle expérience, MICROSCOPE 2, est déjà proposée et pourrait atteindre un niveau de précision de η ≤ 10-17... Les physiciens espèrent bien sûr qu'à terme, ces expériences de précision permettront de découvrir des violations qui pourront conduire à de nouvelles théories physiques, notamment pour expliquer la matière noire ou l'énergie noire qui pourraient éventuellement être expliquées un jour par une modification de la Relativité Générale aux très grandes échelles. une modification qui pourrait être détectable à des échelles plus petites sous la forme d'une violation du principe d'équivalence dans des expériences en laboratoire et par satellite... 

Source

MICROSCOPE Mission: Final Results of the Test of the Equivalence Principle

Pierre Touboul et al.

Phys. Rev. Lett. 129, 121102 (14 September 2022)

https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.129.121102


Illustration

Vue d'artiste de MICROSCOPE (CNES)

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