mercredi 5 avril 2023

Observation potentielle d'une interaction magnétique entre une étoile et une de ses planètes


Une équipe d'astrophysiciens vient de rapporter l'observation de signaux radio fortement polarisés issus d'une interaction magnétique étoile-planète provenant de l'étoile naine YZ Ceti et de sa planète rocheuse YZ Ceti b, révélant potentiellement un champ magnétique planétaire. Ils publient leur étude dans Nature Astronomy. 

Le processsus de l'interaction magnétique étoile-planète (processus SPI) est prometteur pour déterminer les champs magnétiques des exoplanètes. Les modèles de SPI de type 'sub-alfvéniques' prédisent que les planètes rocheuses en orbite rapprochée autour d'étoiles naines de type M peuvent en effet induire une émission radio détectable par bouffées de rayonnement cohérent et fortement polarisé. Dans une interaction magnétique étoile-planète, l'énergie dissipée alimente une émission maser de type cyclotron électronique (ECM), qui se produit à la fréquence cyclotron de la région source : de l'ordre du mégahertz via le champ magnétique de la planète elle-même (des champs inférieurs à la dizaine de gauss), ou du mégahertz au gigahertz via le champ de la couronne stellaire (jusqu'à des champs du kilogauss) lorsque la perturbation planétaire est communiquée vers l'étoile via les ondes d'Alfvén. Ce mécanisme est tout à fait analogue à l'interaction qui existe Jupiter et Io, qui repose sur le fait que le système étoile-planète se trouve dans un régime sous-alfvénique, dans lequel la vitesse d'Alfvén dépasse la vitesse du vent stellaire dans le référentiel de la planète. Ces bouffées de rayonnement polarisé sont reconnaissables car elles doivent se répéter et apparaître à des positions orbitales spécifiques de la planète au cours de son orbite.
Sebastian Pineda (université du Colorado) et Jackie Villadsen (université Bucknell) ont détecté à l'aide du Very Large Array des sursauts radio cohérents à 2 et à 4 GHz en provenance de l'étoile naine à rotation lente YZ Ceti, qui héberge un système compact de planètes rocheuses, dont la plus interne orbite avec une période de seulement deux jours. Les deux sursauts se sont produit à des phases orbitales similaires de YZ Ceti b. Le mécanisme d'émission cohérente était indiqué par une température de luminosité non thermique et un degré élevé de polarisation circulaire. La fréquence de 3 GHz est cohérente avec l'émission cyclotron produite dans des champs magnétiques de l'ordre du kilogauss qui sont typiquement attendus dans la basse couronne stellaire. Et les sursauts radio cohérents à deux époques se sont presque reproduits en phase avec la période orbitale de YZ Cet b, après 90,9 jours. 
Les deux chercheurs ont alors modélisé l'environnement magnétosphérique du système dans le contexte de l'existence de SPI sub-Alfvénic et trouvent que YZ Ceti b peut alimenter de manière plausible les densités de flux radio qui sont observés. Mais, ils ne peuvent pas exclure une activité magnétique stellaire sans connaître avec précision le taux de sursauts radio cohérents sur les rotateurs lents comme YZ Ceti. Le système de YZ Ceti est donc ce qu'on appelle un candidat pour le processus de l'interaction magnétique étoile-planète qui en fait une cible pour une surveillance à long terme. Si le processus SPI dans ce système est confirmé, les chercheurs précisent que la luminosité radio permettra d'estimer l'intensité du champ magnétique de YZ Cet b, en particulier lorsqu'elle est combinée avec des mesures raffinées du champ magnétique stellaire et le développement théorique de prédictions précises de densité de flux. 
Et la récurrence avec une phase dépendante de l'orbite fournirait une confirmation directe de l'émission radio induite par la planète. En son absence, la possibilité de modulation orbitale demeure : par exemple, dans le cas de Jupiter et Io, la phase orbitale préférée pour les sursauts induits par Io depuis Jupiter change entre deux valeurs au cours de la période de rotation de Jupiter, en raison de l'inclinaison du champ magnétique de Jupiter. Donc, pour Pineda et Villadsen, si le champ dipolaire de l'étoile est incliné, alors il a tourné sensiblement entre les époques d'observation 2 et 5, car leur séparation d'environ 90 jours est égale de 1,3 fois la période de rotation d'environ 68 jours de l'étoile. D'autres observations pourront tester la modulation orbitale via une surveillance radio à plus long terme et des observations spectropolarimétriques pour déterminer l'orientation du champ magnétique à grande échelle de l'étoile. La période de rotation lente de YZ Ceti la place parmi les étoiles à faible activité magnétique. Les rotateurs lents ne peuvent pas alimenter leurs sursauts radio lumineux par rupture de corotation dans le plasma circumstellaire, mais les étoiles naines M à rotation lente peuvent toujours libérer de l'énergie par reconnexion magnétique qui produisent des éruptions lumineuses à d'autres longueurs d'onde telles que l'ultraviolet. Proxima Centauri qui est aussi une étoile en rotation lente est également connue pour produire des sursauts radio cohérents près des fréquences gigahertz notamment un événement qui a été associé à une éruption détectée dans le visible , suggérant que les naines de type M à rotation lente sont bien capables de sursauts cohérents dus juste à l'activité stellaire. Cela fait dire à Pineda et Villadsen que nous avons vraiment besoin d'une compréhension plus approfondie des sursauts radio stellaires polarisés (taux, morphologie, origine physique) pour des fréquences allant du mégahertz au gigahertz afin de mieux déterminer la séparation de ces émissions stellaires propres des signaux potentiels du processus SPI d'interaction avec une planète.

Les deux chercheurs proposent un critère général pour évaluer et confirmer le SPI magnétique aux radiofréquences. Deux conditions doivent être remplies :
(1) la récurrence des sursauts radio à une période dépendante de l'orbite d'une planète confirmée,
(2) une probabilité maximale équivalent à un niveau de confiance à 3σ d'observer au hasard ces événements dans une phase ou une fenêtre temporelle étroite, où cette probabilité est basée sur un taux de sursauts moyen déterminé en observant une large gamme de phases orbitales. 
Dans le cas de YZ Cet, pour dépasser ce niveau de confiance statistique, il faudrait observer 4 sursauts phasés dans une fenêtre de phase de 4 h (pour le moment ils n'en ont observé que deux); et à 5σ confiance, il faudrait 10 sursauts.
C'est aussi la connaissance préalable de la période orbitale de la planète avec une grande précision qui peut permettre une grande confiance dans l'interprétation du processus SPI, étant donné la faible probabilité d'événements stochastiques récurrents. Et les non-détections radio, couvrant une large plage de phases, sont aussi importantes pour une mesure précise des taux de sursauts radio stochastiques, afin de distinguer les SPI des processus stellaires normaux.
Ces critères reposent donc sur une surveillance radio assidue. Avec sa période orbitale de seulement 2 jours, la candidate YZ Cet b révélée ici par Sebastian Pineda et Jackie Villadsen est vraiment prometteuse pour une telle surveillance à long terme, et qui sait, le processus SPI est peut-être déjà validé depuis la rédaction  de cet article... 

Source

Coherent radio bursts from known M-dwarf planet-host YZ Ceti
J. Sebastian Pineda & Jackie Villadsen 
Nature Astronomy (3 april 2023)

Illustration

Vue d'artiste d'une interaction magnétique entre une étoile et une de ses planètes (Alice Kitterman/National Science Foundation)

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