17/05/25

PDS 456 : le trou noir supermassif qui produit un vent par paquets


Au cours des 25 dernières années, les astrophysiciens ont identifié des corrélations entre les propriétés des trous noirs supermassifs et celles de leurs galaxies hôtes, indiquant que leur évolution est étroitement liée.  Dans un article paru dans Nature cette semaine, la collaboration XRISM (X-Ray Imaging and Spectroscopy Mission) rapporte des observations de PDS 456 et montrent que lorsque le trou noir supermassif au centre de la galaxie accrète de la matière, il propulse également des amas de gaz par paquets vers l'extérieur à une vitesse pouvant atteindre 30 % de la vitesse de la lumière, et non de manière uniforme comme on le pensait jusque là... 

Le gaz propulsé par l'activité du trou noir avait été identifié par de précédentes mesures de spectroscopie X du télescope à rayons X  XRISM, lancé en septembre 2023 par la NASA et la JAXA (et qui est d'ailleurs un élément clé de mon roman Impact que j'ai publié l'année dernière). Aujourd'hui, la résolution sans précédent qui est offerte par le télescope japonais (encore intact) a permis à la collaboration de détecter la structure et la dynamique du gaz avec plus de détails que jamais auparavant. Il s'agit d'une avancée majeure dans la compréhension de la façon dont les trous noirs façonnent l'évolution galactique.

La poussière et le gaz attirés vers l'horizon des événements du trou noir peuvent s'échauffer et émettre un rayonnement électromagnétique. Lorsque ce rayonnement interagit avec la matière, il peut générer de puissants vents de gaz ionisé. Ces vents entrent en collision avec du gaz plus loin dans la galaxie, et les chocs qui en résultent peuvent redistribuer la matière et l'énergie à grande échelle.

Les centres galactiques qui accrètent rapidement de la matière sont appelés des noyaux galactiques actifs (AGN). Les chercheurs de la collaboration XRISM se sont intéressés plus particulièrement à un AGN nommé PDS 456 qui est un quasar brillant. Il est environ 1014 fois plus lumineux que le Soleil, ce qui en fait l'une des sources astronomiques les plus brillantes connues de l'Univers. Ce quasar est alimenté par un trou noir supermassif dont la masse est estimée à 500 millions de masses solaires .

PDS 456 se trouve à moins de trois milliards d'années-lumière de nous, ce qui en fait un voisin relativement proche. Il est étudié comme un analogue de la population lointaine de trous noirs qui peuplaient l'Univers primordial.

De précédentes observations par spectroscopie X ont montré que le vent de PDS 456 se déplace à environ un tiers de la vitesse de la lumière et transporte une quantité d'énergie extrêmement importante, mais la résolution spectrale limitée empêchait les chercheurs de mesurer avec précision sa structure de densité et son étendue spatiale. Chose étrange, malgré l'énergie et la vitesse extrêmes du vent, les observations suggéraient qu'il avait peu d'effet sur le gaz plus loin dans la galaxie, ce qui est en contradiction avec le comportement attendu.

C'est pour creuser cette bizarrerie que les astrophysiciens ont choisi d'exploiter le spectromètre à haute résolution de XRISM qui est appelé Resolve. Cet instrument est capable de distinguer les rayons X dont les longueurs d'onde diffèrent très légèrement, ce qui permet d'explorer la structure et la dynamique des vents générés par les trous noirs avec une précision sans précédent, le mouvement décalant les raies d'émission et d'absorption dans le spectre. Ils ont donc pointé XRISM vers PDS 456 durant 6 jours, du 11 au 17 mars 2024 pour une exposition totale de 250 ks.

Les résultats montrent que le vent émanant de PDS 456 n'est pas du tout uniforme, mais comprend jusqu'à un million de paquets ​​de gaz distincts. Ces paquets sont propulsés vers l'extérieur à une vitesse pouvant atteindre 30 % de celle de la lumière, et la matière est expulsée du disque d'accrétion du trou noir à un rythme compris entre 60 et 300 masses solaires par an.

A partir des caractéristiques observées dans les spectres X, les chercheurs évaluent la taille des paquets de gaz et leur distance du disque d'accrétion du trou noir. Ils ont une taille comprise entre 2 et 16 rayons gravitationnels, ce qui fait entre 10 et 80 unités astronomiques ici, et sont situés à une distance du trou noir entre 200 et 600 fois le rayon du trou noir. 

La découverte de cette structure de vents en paquets remet en question les théories dominantes de l'évolution galactique. En effet, les modèles conventionnels considéraient ces vents comme ayant une densité uniforme. Dans ce scénario, le vent entre en collision avec le gaz et la poussière de la galaxie, expulsant et chauffant la matière et réduisant potentiellement le carburant disponible pour la formation d'étoiles. En revanche, des paquets de gaz individuels seraient capables d'éviter les zones denses de gaz dans la galaxie, s'échappant directement dans l'espace intergalactique sans transférer beaucoup d'énergie ou de quantité de mouvement au gaz du milieu galactique. Cela pourrait donc expliquer pourquoi certaines galaxies dotées de trous noirs actifs et de vents puissants ont quand même un taux élevé de formation d'étoiles, comme c'est le cas pour PDS 456. Cela pourrait également indiquer que les vents des trous noirs ne sont pas générés en continu, mais par des événements discrets et aléatoires qui ne se produisent que pendant une petite fraction du temps où le trou noir accrète de la matière.

Des travaux supplémentaires seront nécessaires pour déterminer si les vents observés dans PDS 456 sont communs à d'autres trous noirs. Sachant que des vents extrêmement puissants comme ceux de PDS 456 sont plus fréquents dans la population de trous noirs la plus éloignée, qui s'est formée au cours du premier milliard d'années après le Big Bang. La spectroscopie X à haute résolution de ces vents de trous noirs lointains n'est pas encore possible, mais des observatoires actuels et futurs, tels que le télescope spatial Webb, ALMA et l'Extremely Large Telescope pourraient être en mesure de détecter l'effet ou le non effet des vents des trous noirs sur la matière plus éloignée dans la galaxie hôte.

Grâce à ces efforts combinés, on approfondira nos connaissances sur la manière dont les trous noirs ont façonné l'évolution des galaxies tout au long de l'histoire cosmique.


Source

Structured ionized winds shooting out from a quasar at relativistic speeds

Collaboration XRISM

Nature (14 mai 2025)

https://doi.org/10.1038/s41586-025-08968-2


Illustration

Vue d'artiste du vent de trou noir par paquets (Nature) 

1 commentaire :

NicoD a dit…

Très intéressant, comme toujours. Merci pour ce topo.