samedi 6 avril 2013

SN Wilson : Supernova Ia La Plus Distante Jamais Observée

Tous les records sont faits pour être battus, ça semble logique, et surtout en astrophysique, où l'on cherche toujours à aller plus loin, plus tôt... Mais là, tout de même, le record n'aura vraiment pas tenu très longtemps. Au début de janvier dernier, l'équipe du Cosmology Supernova Project menée par prix Nobel 2011 Saul Perlmutter publiait un article dans l'Astrophysical Journal relatant la découverte de la supernova Ia la plus éloignée. Elle était située à un décalage spectral de z=1,71, avec des mesures spectroscopiques très précises ne laissant aucun doute sur sa nature et sa distance. Cette découverte avait été faite en utilisant le télescope spatial Hubble.

Mais il faut désormais en parler au passé car ce petit record vient d'être supplanté par l'équipe concurrente qui traque elle aussi les supernovæ Ia les plus lointaines possibles, à savoir l'équipe de Berkeley dirigée par l'autre prix Nobel 2011, Adam Riess... 

Images Avant l'explosion (à gauche), après l'explosion de la SN (au centre), et différence des deux (à droite) [NASA, ESA, A. Riess, D. Jones and S. Rodney (JHU)]
Il s'agit en fait plus d'une émulation que d'une concurrence, ce qui permet de faire avancer nos connaissance le plus vite possible. On se souvient que Perlmutter et Riess avaient reçu ensemble le Nobel pour la mise en évidence grâce à l'observation de SN Ia lointaines, de l'expansion accélérée de l'Univers, débouchant sur le concept d'énergie noire. Ils sont toujours aujourd'hui à la traque de ces véritables chandelles cosmiques qui permettent d'évaluer des distances cosmiques avec une grande précision.

Cette nouvelle supernova Ia, qui a été dénommée SN Wilson, en l'honneur de l'ancien président des Etats-Unis Woodrow Wilson, s'appelle en fait SN UDS10Wil. Elle est située à un redshift (décalage spectral) de z=1,914, soit une distance de plus de 10 milliards d'années-lumières!
 
Cette découverte est issue d'un grand programme débuté en 2010 avec le Hubble Space Telescope, le projet CANDELS+CLASH (Cosmic Assembly Near-Infrared Deep Extragalactic Legacy Survey (CANDELS) et Cluster Lensing and Supernova Survey with Hubble (CLASH)), concurrent direct du projet Cosmology Supernova, comme je le disais plus haut. Le programme CANDELS+CLASH exploite la caméra Wide Field Camera3 de Hubble, ce qui se fait de mieux aujourd'hui en orbite.

Depuis 2010, plus d'une centaine de SN Ia ont ainsi été découvertes, situées entre 2,4 milliards et 10 milliards d'années-lumière, mais dont seulement 8 plus lointaines que 9 milliards d'années-lumière.

Le télescope Spatial Hubble en orbite (credit ESA)
 
Ce nouveau record bat le précédent de 'seulement' 350 millions d'années-lumières, une gageure.
La technique employée pour découvrir des supernovae est relativement simple, étant donnée que ce sont des étoiles qui se mettent à apparaître subitement du fait de leur explosion libérant des millions de fois plus de luminosité qu'en temps normal : il suffit de faire des images d'une même région du ciel à différents intervalles de temps.

L'équipe a donc fait des images dans le proche infra-rouge, espacées de 50 jours sur une durée totale de 3 ans. Le jeu consiste ensuite à soustraire une image par une autre pour en révéler l'étoile intruse qui est apparue entre temps.

Dès que SN Wilson a été mise en évidence en décembre 2010, elle a ensuite été regardée plus en détails grâce au télescope terrestre VLT de l'ESO situé au Chili, notamment pour en calculer sa distance.

Parmi les deux modèles de supernova Ia en compétition dont nous avons déjà amplement parlé ici, il semble que cette nouvelle venue ultra lointaine indique un cas double dégénéré, c'est à dire impliquant la fusion de deux naines blanches.
L'équipe d'astrophysiciens menée par A. Riess, en évaluant le nombre de SN en fonction de leur distance, montre que le nombre de SN Ia tend à diminuer de plus en plus plus on arrive à des distances très loitaines et donc des temps très anciens (un univers jeune). Ils indiquent ainsi que le bon modèle pour les SN Ia serait plutôt celui impliquant un couple de naines blanches.

La traque des SN Ia les plus lointaines est fondamental pour apporter toujours plus de précisions, confirmer (ou infirmer) l'accélération de l'expansion qui fut mise en évidence il y a 15 ans. 
Ces deux records successifs tendent à confirmer le modèle cosmologique standard en vigueur, mais jusqu'à quand ? Peut-être jusqu'au prochain record de distance...


Références :

- The Discovery of the Most Distant Known Type Ia Supernova at Redshift 1.914
D.Jones et al. (dont Adam Riess)
The Astrophysical Journal  (10 mai 2013)

- Precision Measurement of the Most Distant Spectroscopically Confirmed Supernova Ia with the Hubble Space Telescope
D. Rubin et al. (dont Saul Perlmutter) (The Supernova Cosmology Project)
The Astrophysical Journal Volume 763 Number 1 (3 janvier 2013)

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