Les supernovae sont des phénomènes extrêmement lumineux. Lorsqu'une étoile termine sa vie ainsi, en explosant, elle émet brusquement une bouffée d'énergie, de neutrinos et de lumière qui peut supplanter toute la galaxie qui l'abrite. Et certaines supernovæ sont un peu trop lumineuses au gout des astrophysiciens qui les étudient avec attention.
PS1-10afx est une supernova de ce type. Découverte en 2010 au télescope PanSTARRS de Hawaï (le télescope qui a donné son nom à la comète qui nous a passionné le mois dernier). Elle est située à 9 milliards d'années-lumière, une distance considérable, et sa luminosité apparente a montré qu'elle était aussi brillante que 100 milliards d'étoiles du type soleil! Une étoile qui se met soudainement à briller comme 100 milliards d'étoiles...
Ryan Chornock, du Harvard–Smithsonian Center for
Astrophysics et ses collègues publient cette semaine la découverte de cette supernova dans The Astrophysical Journal. Ils en détaillent ses caractéristiques comme une couleur plus rouge que la normale, ainsi que sa courbe de luminosité (variation de la luminosité dans le temps) très inhabituelle, avec une montée en seulement 12 jours et une décroissance également très rapide.
Pour eux, PS1-10afx fait tout de même partie de la famille des supernovæ dites "superlumineuses", qui d'habitude peuvent montrer des luminosités 10 à 100 fois supérieures à la normale. Elle serait un cas extrême de cette classe.
Mais en fait, non seulement par sa luminosité, mais aussi par ses diverses caractéristiques observables, PS1-10afx apparaît être une supernova extravagante : lumière à dominante rouge au lieu d'UV classiquement observé pour le type SLSN (SuperLuminous SuperNovae), vitesse d'éjection photosphérique de 11000 km/s, rayon d'émission très grand (50 milliards de kilomètres) malgré le temps de montée de la luminosité très court...
D'autre part, les précédentes SLSN observées étaient toutes situées dans des jeunes galaxies naines, ce qui n'est absolument pas le cas de la galaxie hôte de PS1-10afx : il s'agit d'une galaxie assez massive de 20 milliards de masses solaires, avec une population stellaire âgée de 100 millions d'années, et qui produit des étoiles à un taux de 15 masses solaires par an...
Ses caractéristiques excluent pour cette supernova des sources d'énergie typiques des supernovæ ultra-brillantes : explosion dans un milieu circumstellaire dense qui permet de convertir de l'énergie cinétique de l'explosion en rayonnement supplémentaire ou bien création d'un pulsar ultra rapide à fort champ magnétique produit lors du collapse (ce qu'on appelle un magnétar). Rien de tout ça pour PS1-10afx...
PS1-10afx est-elle réellement une supernova superlumineuse ? Une supernova, ça ne fait aucun doute. Mais une équipe d'astrophysiciens du Kavli Institute for the Physics and
Mathematics of the Universe à l'Université de Tokyo, s'est interrogée, après la lecture du preprint de Ryan Chornock, sur la réalité de cette luminosité hors norme.
Robert Quimby et son équipe ont donc réutilisé les données de l'équipe de Chornock en analysant le spectre de la supernova et en le comparant avec tous les types de spectres des différents types de supernovae connus. Et ce qu'ils trouvent et qu'ils publient dans les prochains jours dans Astrophysical Journal Letters, c'est que cette supernova PS1-10afx possède un spectre très similaire à celui d'une supernova de type Ia (les fameuses supernovae utilisées comme chandelles cosmiques pour mesurer les distances, nous en avons déjà parlé souvent), mais comme si l'amplitude de sa luminosité était amplifiée...
Mais ils vont plus loin, car il existe un phénomène bien connu produisant des amplification de luminosité : les effets de lentilles gravitationnelles.
Illustratrion du phénomène de lentille gravitationnelle (NASA, ESA et L. Calcada) |
En effet, les fortes masses (grosses galaxies, amas de galaxies, ...) peuvent incurver les trajectoires des photons, mais à la manière des lentilles optiques que nous connaissons, elles produisent également une intensification du signal résultant.
Quimby et al. proposent ainsi que PS1-10afx est une supernova relativement classique mais située en arrière plan d'une forte masse qui se trouve placée exactement au bon endroit (par un heureux hasard) pour amplifier considérablement sa lumière... Leur explication préférée serait la présence d'une galaxie principalement constituée d'un halo de matière noire (donc invisible) entre la supernova et nous, ils imaginent également la possibilité d'un trou noir supermassif errant...
Mais Chornock ne croit pas à cette explication, arguant du fait que le phénomène de lentille gravitationnelle requiert la présence d'une masse très importante, d'un amas de galaxies par exemple, or on ne voit rien de tel, et de plus selon lui un tel alignement serait hautement improbable.
Quimby rétorque qu'il s'apprête à tester son explication, simplement en observant très attentivement la galaxie hôte de PS1-10afx à la recherche de distorsions gravitationnelles dans l'image de la galaxie. Pour tester son modèle, il a donc demandé du temps d'observation sur le télescope spatial Hubble. Il fallait au moins ça pour mettre au clair la réalité ou non d'une telle furie.
Si l'explication "lentille gravitationnelle" se confirmait, les implications pourraient être nombreuses tant en cosmologie, que dans les domaines des bouffées gamma ou des halos de matière sombre...
Références :
PS1-10afx At z=1.388: Pan STARRS1 Discovery Of a New Type of Superluminous Supernova
R. Chornock et al.
ApJ 767 162 (2013)
Extraordinary Magnification Of The Ordinary Type Ia Supernova PS1-10afx
R. Quimby et al.
ApJ 768 L20 (2013)
Lire aussi : Et la Naine Blanche devint Supernova
1 commentaire :
Bonjour Eric,
Quand il y a lentille gravitationnelle, n'observe-on pas à tous les coups un décalage temporel dus aux chemins de différentes longueurs?
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