dimanche 20 octobre 2013

La Supernova à Antimatière Encore Introuvable

L'origine des supernovae "ordinaires", celles dites de type II, est à peu près compris depuis quelques dizaines d'années. Ces événements explosifs apparaissent lorsqu'une étoile massive à consumé l'essentiel de l'hydrogène et de l'hélium de son cœur  Les réactions nucléaires ne permettant alors plus de compenser la force de gravitation énorme qui écrase le cœur  il s'ensuit un effondrement très rapide de l'étoile sur elle-même, puis la formation d'une étoile à neutrons et l'éjection de la plus grande partie de l'enveloppe restante, le tout dans une furie de réactions nucléaires, de photons gamma et de neutrinos...
Mais ce scénario n'est valable que pour des étoiles suffisamment massives, mais pas trop non plus, entre 8 et 20 masses solaires. Pour des étoiles extrêmement massives, cependant, d'autre mécanismes pourraient être à l'oeuvre.
Vue d'artiste d'une explosion d'une supernova à instabilité de paires (NASA)
Par exemple, une étoile qui aurait une masse 140 fois plus importante que le soleil pourrait former une supernova très particulière. La température serait si élevée dans son cœur que le bain thermique pourrait produire des paires de particules et antiparticules : électron-positron.
Imaginez un matériau chauffé à très haute température, il devient rouge, puis orangé, jaune, puis finalement bleu, violet, ultraviolet, puis, si on continue à chauffer, la longueur d'onde des photons émis est celle des rayons X et des rayons gamma. Lorsque des photons (gamma) atteignent l'énergie de 1,022 MeV, qui est égale au double de la masse de l'électron, ils peuvent se matérialiser en produisant un couple de particules/antiparticules en disparaissant, en l’occurrence un couple électron/positron.

Et que se passe-t-il lors de la création de ces paires de particules ? Et bien la pression de radiation créée par les photons dans le cœur de l'étoile disparaît brutalement avec eux, la gravitation gagne à nouveau, et très très vite. Un effondrement encore plus monstrueux apparaît, exponentiel, faisant s'échauffer encore d'avantage le cœur, qui produit alors toujours plus de paires électrons-positrons accélérant encore le processus. Tout se passe en une fraction de seconde. La grosse différence ici est que l'étoile possédait encore tout son combustible d'hydrogène au début de l'effondrement... Ce type de supernova doit éjecter toute son enveloppe massive très vite, emplie d'éléments nouvellement formés au cours de l'effondrement et du rebond, hautement radioactifs pour la plupart.

C'est d'ailleurs la présence de ces nombreux éléments radioactifs qui permet d'identifier clairement la nature d'un tel objet explosif. En effet, la courbe de luminosité de ces supernovae à instabilité de paires - c'est leur nom officiel, mais on pourrait les nommer supernovae à antimatière - a la particularité de décroître beaucoup plus lentement que celle des supernovae classiques. Cette décroissance de lumière étant gouvernée par la décroissance radioactive des éléments produits au cours de la phase de combustion totale.

Découverte de SN 2007bi en 2007 (SN Factory)
Il se trouve qu'une supernova extrêmement brillante découverte il y a cinq ans semblait correspondre parfaitement à ce phénomène, je veux parler de SN 2007bi. La décroissance de sa lumière suivait particulièrement bien la courbe de décroissance radioactive du cobalt-56. Mais le problème avec cette supernova, que certains pensent être la première du genre, est qu'elle se trouvait dans une galaxie où il y avait surtout des étoiles de seconde génération, déjà assez pauvres en hydrogène et hélium. De telles étoiles ne peuvent pas produire ce type de supernova à instabilité de paires...

Un test très simple permet de savoir si l'étoile à l'origine d'une supernova était extrêmement massive : son enveloppe importante devrait retarder quelque peu la luminosité. Le pic d'émission devrait apparaître environ au bout d'un an, beaucoup plus longtemps que dans le cas d'une supernova plus "classique". Malheureusement, dans le cas de SN 2007bi, on ne l'a vue qu'au moment où elle arrivait à son pic de luminosité... 
Mais une équipe d'astrophysiciens américains vient de découvrir deux supernovae très semblables à SN 2007bi en termes d'extrême luminosité, et dans leur tout début d'émission. Ils ont pu montrer que, de par leur rapide évolution de luminosité, elles ne pouvaient pas dépasser les 20 masses solaires, et que donc elles ne pouvaient pas (ni SN 2007bi du coup) être des supernovae à instabilité de paires.

création de paire e+/e-
Il faut donc trouver un autre mécanisme capable d'expliquer cette extrême luminosité, et le modèle qu'ils proposent est tout autre : l'émission ne serait pas gouvernée par les éléments radioactifs des débris de l'explosion, mais par l'étoile à neutron résiduelle, qui serait en rotation extrêmement rapide (1000 tours par secondes) et munie d'un champ magnétique surpuissant. Ces types d'étoiles à neutrons sont appelées des magnétars.

Ayant échoué dans leur recherche de supernova à instabilité de paires dans l'univers proche, Nicholl et ses collègues, qui publient leur étude dans Nature, déduisent qu'elles ne représenteraient qu'une fraction de 1 sur 100000 supernovae.

Finalement, la meilleure chance de trouver de telles supernovae à antimatière est de les chercher plus loin dans le temps, à l'époque des premières générations d'étoiles, où elles étaient bien plus massives et dénuées d'éléments lourds. Ce sera le travail des futurs télescopes spatiaux.



Référence :

Slowly fading super-luminous supernovae that are not pair-instability explosions
M. Nicholl et al.
Nature 502, 346–349 (17 October 2013)

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