Dans quelques semaines, le 20
novembre, l’ESA va lancer un petit bijou de technologie, le satellite Gaia.
Gaia est un télescope dédié à
l’astrométrie, cette science vieille comme l’astronomie, qui consiste à
cartographier le ciel en enregistrant les positions exactes des étoiles. Son
objectif durant sa mission, initialement prévue pour durer 5 ans, est d’atteindre
le nombre de 1 milliards d’étoiles, toutes dans notre voie lactée, bien sûr.
Mais Gaia va cartographier non
seulement les positions en deux dimensions sur la voute céleste, mais aussi
dans la troisième dimension, la distance, pour environ 10 millions d’étoiles
qui le permettront, et avec une précision inférieure à 1%...
Gaia devrait ainsi faire faire un
pas de géant dans les données astronomiques. Il faut savoir qu’aujourd’hui,
nous ne connaissons avec précision la distance que de quelques centaines d’étoiles
proches seulement !...
Vue d'artiste de Gaia (ESA). |
Ce qui permettra ces très grandes précisions
de mesure est l’imageur embarqué dans Gaia : il s’agit d’un ensemble de
106 capteurs CCD, fournissant une image résolue de 900 megapixels. On peut
comparer par exemple avec l’équipement du télescope spatial Hubble muni de 2
CCD pour un total de 16 megapixels seulement…
Gaia sera en fait instrumenté par
deux télescopes pointant chacun dans une direction différente du ciel, séparées
de 106.5° exactement, et permettant un champ de vue très vaste. Le satellite
fera une rotation complète sur lui-même en 6 heures pour imager tout le ciel,
et chaque étoile sera mesurée plusieurs fois au cours du temps, environ 70
fois. En l’espace de 5 ans, Gaia aura
produit plus d’images que Hubble en 21 ans.
La précision attendue sur la position des
étoiles est de l’ordre de quelques microarcsecondes, une résolution
des centaines de fois meilleures que les meilleures données actuelles, et des
millions de fois plus précises que les données collectées par l’astronome grec
Hipparque il y a 2000 ans.
La mesure de la distance sera
effectuée par la méthode infaillible de la parallaxe, qui est d’autant plus
aisée à mettre en œuvre que l’étoile est proche. Le phénomène de parallaxe est
rappelons le mouvement apparent d’un objet lointain vu de deux endroits
différents. Dans notre cas, ces deux endroits d’observation se situent de part
et d’autre du soleil à 6 mois d’intervalle grâce à la rotation de la Terre
autour du soleil.
Alors que la turbulence
atmosphérique empêche les télescopes au sol de distinguer des tout petits
mouvements apparents des étoiles, et donc limite les mesures de parallaxe à des
étoiles relativement proches (quelques centaines d’années-lumière au mieux), ce
ne sera plus le cas avec Gaia. La résolution obtenue en orbite permettra de
mesurer des distances jusqu’à environ 30000 années-lumière.
Principe de la mesure de distance par la parallaxe (wikipedia). |
Gaia permettra également de
mesurer précisément des mouvements propres d’étoiles (variation de leur
position au cours du temps), ainsi que des vitesses d’éloignement ou
rapprochement (via l’analyse spectrale de leur lumière et le décalage Doppler).
Nous aurons ainsi une superbe
carte en quatre dimensions (3 positions et vitesse) des millions d’étoiles les
plus proches qui nous entourent dans la galaxie.
Gaia a eu un prédécesseur au
début des années 1990, le satellite Hipparcos, qui avait réussi à cataloguer
près de 120000 étoiles dont seulement 400 d’entre elles avec une précision de
l’ordre de 1%.
Portait d'Hipparque. |
Gaia, à l’inverse de Hipparcos,
pourra aussi détecter d’autres objets que des étoiles, par exemple des naines
brunes (des étoiles « ratées ») ou encore des exoplanètes massives,
suffisamment massives pour modifier le
mouvement apparent de leur étoile. Et plus près de nous, Gaia pourra également observer
et collecter des données sur les dizaines de milliers d’astéroïdes qui
gravitent dans notre système solaire et qui pourront passer dans son champ de
vue.
La connaissance des positions et
vitesses d’une grande zone de notre galaxie permettra de beaucoup mieux
comprendre la formation de la galaxie, ainsi que par exemple la distribution de
matière noire. Il n’est pas exclu non plus (et heureusement) que ces données de
très grande précision montrent des phénomènes incompris, à l’origine de
découvertes majeures…
Quoi que trouve Gaia, une chose
est certaine : son catalogue astrométrique, qui sera publié vers 2021,
restera une référence pour les plusieurs décennies à venir.
2 commentaires :
Petite coquille : "et avec une précision inférieure à 1%".
Merci de votre lecture attentive! Je ne suis pas à l'abri de quelques coquilles...
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