jeudi 25 février 2016

La distance d'une bouffée rapide d'ondes radio déterminée pour la première fois

Pour la première fois depuis leur découverte en 2007, la distance d’une bouffée rapide d’ondes radio (ou FRB, Fast Radio Burst), a enfin pu être déterminée, ouvrant de riches perspectives.



Les FRB sont des très brèves bouffées de rayonnement dans le domaine des ondes radio. Elles ne durent généralement que quelques millisecondes. Les 17 FRB qui ont été découvertes depuis une dizaine d’année se répartissent uniformément dans le ciel. Leur origine est aujourd’hui totalement inconnue et on peut dire que le nombre d’idées émises pour expliquer ce phénomène dépasse le nombre de FRB connues...
Les astrophysiciens dirigés par Evan Keane (Jodrell Bank Observatoy, université de Manchester) qui publient leur observation dans la revue Nature cette semaine ont étudié le signal radio d’une FRB apparue le 18 avril 2015 (et donc appelée FRB 150418), grâce à l’utilisation du radiotélescope australien Parkes dans le programme SUPERB (SUrvey for Pulsars and Extragalactic Radio Bursts).
A gauche : détails de la galaxie elliptique en zooms successifs, où a été trouvée la bouffée rapide radio FRB 150418,
à droite : pic radio détecté par le télescope Parkes (David Kaplan/Etan Keane) 
La bouffée en elle-même n’a duré que 0,8 millisecondes, mais elle a été suivie étrangement par une émission radio évanescente durant quelques jours, qui d’après les chercheurs est liée à la FRB avec une probabilité de 99,8%. Cette émission successive a alors pu être suivie par l’un des nombreux radiotélescopes qui avaient été prévenus de l’apparition de la FRB, le ATCA (Australia Telescope Compact Array)Une fois la source radio localisée et son décalage spectral mesuré, d’autres télescopes observant dans le domaine visible ont été pointés dans cette direction un peu plus tard, notamment le télescope Subaru au Mauna Kea à Hawaï. Ils ont trouvé à cet endroit une galaxie elliptique dont la distance a été à nouveau mesurée par le décalage spectral de sa lumière. Les chercheurs trouvent une distance de 1,9 milliards de parsecs, soit 6,2 milliards d’années-lumière.
C’est la première FRB parmi les 17 connues à ce jour dont nous connaissons la distance. Le fait de connaître sa distance va permettre d’un peu mieux comprendre l’origine de ces mystérieuses bouffées rapides d’ondes radio. Tant qu’on ne connait pas la distance d’une telle source de rayonnement, on ne peut par exemple pas savoir quelle quantité d’énergie a été émise. Parmi les hypothèses imaginées pour expliquer ces FRB, les astrophysiciens ont proposé des événements de fusion d’étoiles à neutrons ou encore d’évaporation de micro trous noirs…

Le radiotélescope australien Parkes (CSIRO) 
Dès la découverte de la première FRB rapportée en 2007 mais qui datait de 2001 (FRB 010724), une dispersion avait était observée dans le signal : le temps d’arrivée dépendait de la fréquence de l’onde électromagnétique : les hautes fréquences arrivaient très légèrement plus tôt au sein de la bouffée que les basses fréquences. Cet effet de dispersion vient de l’absorption de l’onde électromagnétique par la matière intergalactique rencontrée au cours du trajet depuis la source jusqu’à nos radiotélescopes. L’étude de la dispersion spectrale permet alors aux chercheurs d’estimer la quantité de matière rencontrée sur la distance parcourue par la bouffée de rayonnement. On voit que la connaissance précise de la distance nous séparant de la source revêt un caractère crucial ici pour évaluer une densité de matière.

Avec l’étude de la dispersion de FRB 150418 et connaissant sa distance, les chercheurs ont pu établir précisément la densité d’électrons rencontrés par les photons au cours de ce voyage de plus de 6 milliards d’années. Cette bouffée rapide d’ondes radio devient ainsi une sonde cosmologique qui permet de mesurer la quantité de matière baryonique présente dans l’Univers à grande échelle (la matière ordinaire, hors matière sombre). Or un des problèmes actuels rencontrés en astrophysique est le problème dit des « baryons manquants » : une proportion importante de la matière baryonique (plusieurs dizaines de pourcents) qui doit être présente n’est toujours pas bien identifiée, semant le doute sur le modèle cosmologique. Les astrophysiciens estiment qu’elle réside sous la forme de gaz chaud au sein des amas de galaxie et dans de larges filaments reliant les amas de galaxies. Or la valeur déduite grâce au signal de FRB 150418 indique que la matière baryonique sous forme ionisée est bien là dans les bonnes proportions (celles du modèle standard de la cosmologie), pour le volume d’Univers considéré.
Les radiotélescopes ATCA (CSIRO)

La connaissance de la distance permet aussi à Keane et ses collaborateurs d’estimer l’énergie et la puissance émises au cours de cette bouffée rapide d’ondes radios. L’énergie émise vaut 8.1031 Joules, une énergie équivalente à ce que produit le Soleil durant 2 jours, mais ici en moins d’une milliseconde ! La puissance (l’énergie par unité de temps) correspondante vaut 1035 Watts (environ un milliard de fois celle du Soleil).

Cette propriété énergétique de FRB 150418, associée à l’existence de la source radio rémanente ainsi que son origine dans une galaxie elliptique, un type de galaxies peuplées de vieilles étoiles plutôt que de jeunes, amènent  Keane et ses collègues à penser que son origine serait bien la coalescence de deux objets compacts, notamment un couple d’étoiles à neutron.

De telles fusions d’étoiles à neutrons sont théoriquement détectables par leurs ondes gravitationnelles avec LIGO ou VIRGO mais FRB 150418 aurait été inaccessible pour LIGO car étant trop lointaine. D’autres FRB plus proches et  détectées précocement en radio pourraient permettre de valider (ou invalider) l’hypothèse de la coalescence d’étoiles à neutrons, grâce à l’association de la détection d’ondes gravitationnelles en coïncidence. La détection des FRB devrait en effet bientôt faire un bond en avant avec l’arrivée attendue en Chine du radiotélescope Five-hundred-meter Aperture Spherical Telescope de 500 m de diamètre.


Sources :

The host galaxy of a fast radio burst
E. F. Keane et al.
Nature 530, 453–456 (25 February 2016)


Cosmology: Home of a fast radio burst
Duncan Lorimer
Nature 530, 427–428 (25 February 2016)

1 commentaire :

Pascal a dit…

Petit clin d'oeil d'Einstein, qui le jour du 60è anniversaire de sa mort nous envoie un indice de plus de la validité du modèle standard de la cosmologie fondé sur sa théorie de la relativité générale !