L’excès de rayons gamma de haute énergie en provenance du centre galactique provient probablement de pulsars millisecondes et non de l’annihilation de matière noire comme on pouvait le croire. C’est la conclusion de deux nouvelles analyses par deux équipes indépendantes publiées aujourd’hui dans le même numéro de la revue Physical Review Letters.
Carte du ciel gamma produite par Fermi-LAT et résultats des deux analyses statistiques sur les sources du centre galactique. (Université d'Amsterdam) |
C’est en 2009 que fut observé par le satellite Fermi-LAT un excès de photons gamma d’environ 2 GeV dans la direction du centre de la Galaxie. Ce signal inattendu a depuis été la source de nombreuses spéculations et hypothèses, les deux restantes en lice étant des rayons gammas, produits directs ou indirects de l’annihilation de particules massives de matière noire, ou bien des rayons gamma produits par des étoiles à neutrons en rotation rapide (des pulsars millisecondes). D’autres hypothèses faisaient jouer un rôle au trou noir supermassif Sgr A* ou bien à une zone de formation d’étoiles dans les nuages moléculaires du centre galactique.
Mais ce que montrent ces deux nouvelles analyses, la première dirigée par Christoph Weniger (Université d’Amsterdam) et la seconde par Samuel Lee (Princeton) c'est que l'émission gamma observée proviendrait de sources ponctuelles, non résolues, certes, mais bien ponctuelles. Or, si les rayons gamma étaient issus d'annihilations de particules de matière noire, ils devraient provenir d'une vaste région et apparaître sous une forme diffuse, représentative de la distribution de la matière noire.
Localisation des sources gamma ponctuelles dans l'étude de Bartels et al. (Phys Rev Lett. 116, (2016)) |
Ces très forts indices de sources ponctuelles laissent penser que les meilleurs candidats pour les expliquer sont des objets astrophysique, et notamment des pulsars millisecondes. Samuel Lee estime leur nombre à au moins 400.
Les pulsars millisecondes sont des résidus d'étoiles ayant explosé il y plusieurs milliards d'années, il s'agit d'étoiles à neutron qui tournent sur elles-mêmes de l'ordre de 1000 fois par seconde, ayant une masse d'environ 1,5 masses solaires pour un rayon de quelques kilomètres seulement. Les pulsars millisecondes sont parmi les objets les plus extrêmes de la Galaxie. Ils émettent essentiellement des ondes radio de manière périodique liée à la période de leur rotation, Mais de nombreux pulsars produisent également des rayons gamma dans leur environnement proche via les interactions de particules chargées qui'ils induisent par leur champs magnétiques extrêmes.
Il se pourrait ainsi que quelques milliers de pulsars millisecondes se cachent au cœur de la Voie Lactée, jusqu'alors non détectés par nos instruments non suffisamment sensibles pour les résoudre.
Dans leurs analyses respectives, les deux équipes ont utilisé des techniques statistiques différentes et parviennent à la même conclusion, ce qui rend le résultat d'autant plus robuste.
Des futurs radiotélescopes performants comme le Square Kilometer Array seront à même de détecter dans la décennie qui vient si des milliers de pulsars sont bien présents au centre de la Galaxie. Si c'est le cas, cela nous fournira un éclairage important sur l'histoire de la Voie Lactée et contraindra très fortement les modèles de matière noire. Dans le cas contraire, il faudra imaginer l'existence d'autres sources astrophysiques produisant des rayons gamma... à moins que la matière noire soit quand-même bien là mais se comporte bizarrement pour s'annihiler, en s'agglutinant dans des objets compacts... On ne peut encore rien exclure complètement.
Sources :
Richard Bartels et al.
Strong support for the millisecond pulsar origin of the Galactic center GeV excess
Phys. Rev. Lett. 116, 051102 (February 4, 2016)
Samuel K. Lee et al.
Evidence for Unresolved Gamma-Ray Point Sources in the Inner Galaxy’
Phys. Rev. Lett. 116, 051103 (February 4, 2016)
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