jeudi 19 janvier 2017

Le mystère de la diversité des pulsars résolu par la géométrie


Depuis la découverte du premier dans le milieu des années 1970, des milliers de pulsars ont été découverts. Ils apparaissent très divers, certains émettent par pulsations des ondes radio et des rayons gamma, d'autres seulement des ondes radios et les derniers seulement des rayons gamma. De nouvelles observations, en rayons X cette fois-ci, pourraient expliquer l'origine de cette étonnante diversité.




C'est à nouveau grâce au télescope spatial X Chandra que cette double observation sur des pulsars permet une belle avancée théorique. Cette campagne d'observations a été lancée par l'astrophysicien Roger Romani de l'Université Stanford pour étudier 6 pulsars particuliers seulement émetteurs de rayons gamma, dans le but de tester les modèles théoriques d'émission des pulsars.
Deux articles distincts décrivent dans ce cadre l'observation de nébuleuses de vent de pulsar entourant d'un côté le pulsar Geminga (l'étude de Bettina Posselt et al., acceptée pour publication dans The Astrophysical Journalet de l'autre B0355-54 (par Noel Klingler et al., déja publié dans le même journal). Les nébuleuses de vent de pulsar sont de vastes nuages de particules de haute énergie qui sont produits par les étoiles à neutron en rotation rapide.

Chandra a permis d'imager la forme de ces nébuleuses de vent de pulsar ainsi que leur orientation. La forme de cette émission suggère une explication géométrique à la diversité des pulsars.
Sur Geminga, les observations de Chandra ont totalisé 8 jours entiers répartis sur plusieurs années, elles montrent des grandes traînées arquées s'étendant sur une demi-année-lumière associées à une structure étroite située tout juste derrière le pulsar. Quant à B0355+54, son émission X indique la présence d'une coquille associée à une double traînée qui s'étend sur près de 5 années-lumière. 
Les deux pulsars en question sont assez semblables, ils sont tous les deux âgés d'environ 500 000 ans et ont une période de rotation de 200 ms. Mais Geminga montre une pulsation de rayons gamma sans émission radio alors que B0355+54 est l'un des pulsars les plus intenses en ondes radio sans rayons gamma visibles.
L'interprétation des chercheurs sur les images de Chandra est que la longue traînée étroite vue sur le côté de Geminga et la double traînée de B0355+54 représentent la même chose : des jets de particules étroits émanent des pôles du pulsar. Et les deux pulsars contiennent également une zone d'émission torique entourant l'étoile au niveau de son équateur. Le mouvement propre des deux pulsars dans la Galaxie provoquerait la déformation et le rebroussement à la fois des jets et du tore.
Quand les astrophysiciens analysent les images, ils s'aperçoivent qu'en les faisant pivoter en trois dimensions, on retrouve le même phénomène : Geminga est observé avec son tore vu presque par la tranche avec des jets vers les deux côtés, et B0355+54, lui, est observé avec son tore vu de face, avec les jets pointant dans notre direction et à l'opposé, mais dont l'inflexion due au mouvement les fait apparaître presque superposés l'un sur l'autre en une double traînée.
L'émission radio des pulsars est produite au niveau des pôles magnétiques, qui sont souvent proches des pôles géométriques. Les faisceaux d'ondes radio doivent ainsi être quasi alignés avec les jets observés en rayons X. A contrario, l'émission gamma est produite le long de l'équateur et doit donc être alignée avec le tore déformé observé par Chandra.
Comme Geminga est vu avec son tore X par la tranche, il apparaît donc logique que nous détectons des pulsations gamma, les pulsations radio étant émises orthogonalement et donc non vues. Inversement avec B0355+54, c'est le faisceau d'ondes radio et le jet X qui se trouve dans notre ligne de visée et l'émission gamma nous échappe car émise dans la direction perpendiculaire.

L'émission en rayons X induite par les pulsars permet donc de comprendre comment fonctionne leurs émissions radio et en rayons gamma, une belle complémentarité de rayonnements pour dévoiler un peu plus ces résidus de supernovas.


Références : 

GEMINGA'S PUZZLING PULSAR WIND NEBULA
B. Posselt et al.
The Astrophysical Journal, Volume 835, Number 1 (18 janvier 2017)

DEEP CHANDRA OBSERVATIONS OF THE PULSAR WIND NEBULA CREATED BY PSR B0355+54
Noel Klingler et al.
The Astrophysical Journal, Volume 833, Number 2 (20 décembre 2016)

Illustration :

En haut : les deux pulsars Geminga (à gauche) et B0355+54 (à droite) imagés en X par Chandra, images composites avec de l'infra-rouge (étoiles de fond); en bas : images d'artistes de l'interprétation sous forme de nébuleuses de vent de pulsar. (rayons X: NASA/CXC/PSU/B.Posselt et al; Infrarouge: NASA/JPL-Caltech; Illustration: Nahks TrEhnl)

3 commentaires :

L6 Atmo a dit…

Bonjour,

"Le mouvement propre des deux pulsars dans la Galaxie provoquerait la déformation et le rebroussement à la fois des jets et du tore."

Je n'ai pas compris comment le mouvement des pulsars pouvait déformer leurs jets et leurs tores. Est-ce le même principe que pour la déformation du champ magnétique terrestre? Mais dans ce cas, qu'est-ce qui joue le rôle du vent solaire au niveau galactique pour les pulsars?

Meilleurs voeux pour 2017.

Dr Eric Simon a dit…

Cette déformation de la nébuleuse de vent de pulsar est produite par le phénomène de pression dynamique (ram pressure en anglais), qui est due au milieu interstellaire, le gaz environnant. Il ne faut en effet pas oublier que le "vide" est tout sauf vide, il y a du gaz aux alentours. Et les pulsars ont souvent un mouvement propre qui est dû au "kick" reçu lors de la supernova (car l'explosion est rarement symétrique, le pulsar acquiert alors une quantité de mouvement parfois loin d'être négligeable.)

L6 Atmo a dit…

Merci pour votre réponse, je ne pensais pas que le gaz interstellaire, avec sa très faible densité, pouvait avoir un tel impact.