Sur cette image à première vue un peu étrange que vient de rendre publique la collaboration américaine exploitant le télescope spatial Chandra, les nombreux points rouges, blancs ou bleus que vous voyez ne sont rien d'autre que des trous noirs. Et 70% d'entre eux sont des trous noirs supermassifs. Cette image est l'image en rayons X la plus profonde jamais obtenue avec Chandra, résultant de l'accumulation de 7 millions de secondes d'exposition, soit plus de 11 semaines.
Cette image est extraite du Deep Field South de Chandra, dont la région centrale contient la plus forte densité de trous noirs supermassifs tapis dans des noyaux actifs de galaxies jamais vue : presque 24000 par degré carré! Pour donner un ordre de grandeur plus parlant : cela correspond à 5000 trous noirs supermassifs dans la surface d'une pleine Lune.
Chandra a le pouvoir de "voir" ces trous noirs grâce aux intenses rayons X qui sont émis par la matière échauffée qui est en train de tomber en spiralant vers les trous noirs. L'image de ciel profond offerte par Chandra permet de remonter très loin dans le temps, jusqu'aux premiers trous noirs, et d'observer des évolutions au cours du temps cosmique.
Et cette étude permet également aux spécialistes de raffiner leurs idées sur les processus de formation des premiers trous noirs supermassifs qui ont grossi durant les deux premiers milliards d'années après le BigBang. L'équipe de l'astronome chinois Bin Luo et ses collaborateurs internationaux montre que ces premiers trous noirs ont dû apparaître brutalement plutôt que par lente accumulation de matière.
Les chercheurs, dont l'étude a été présentée cette semaine lors de 229ème réunion de l'American Astronomical Society à Grapevine (Texas) et publiée dans The Astrophysical Journal Supplement Series, parviennent à déterminer que les premières graines de trous noirs étaient déjà très massives : entre 10000 et 100000 masses solaires, ce qui donne de bonnes indications pour répondre à la question chaude actuellement de la vitesse de grossissement des plus gros trous noirs supermassifs dans l'Univers très jeune.
Le nombre relatif d'objets brillants et faibles, ce qu'on appelle la forme de la fonction de luminosité, dépend fortement des paramètres physiques qui sont impliqués dans le processus de grossissement des trous noirs, comme par exemple la masse des graines de trou noir et leur taux d'accrétion de matière. C'est en observant une fonction de luminosité plate, c'est à dire impliquant une forte population de sources brillantes, que les chercheurs arrivent à leur conclusion.
Mais les astrophysiciens ne détectent pas seulement des trous noirs supermassifs très lointains. Parmi toutes les sources de rayons X détectées par Chandra, de nombreuses correspondent à de grandes populations de trous noirs stellaires de 10 à 100 masses solaires appartenant à des galaxies massives jusqu'à des distances de 12,9 milliards d'années-lumière.
Pour parvenir à ces beaux résultats, l'équipe américano-sino-européenne a étudié les émissions X de 2076 galaxies identifiées dans le champ profond du télescope Hubble, ses relevés CANDELS (Cosmic Assembly Near-Infrared Deep Extragalactic Legacy Survey) et GOODS (Great Observatories Origins Deep Survey), donc toutes situées entre 11,9 et 12,9 milliards d'années-lumière de nous.
Mais ils comptent bien approfondir encore leurs observations toujours plus loin et plus tôt avec le futur télescope Webb, dont la puissance devrait permettre d'associer toujours plus de galaxies très lointaines avec les sources X les plus difficiles à détecter, pour espérer transformer les indices actuels sur la formation des premiers trous noirs en paradigme.
Sources :
The Chandra Deep Field-South Survey: 7 Ms Source Catalogs
B. Luo et al.
The Astrophysical Journal Supplement Series, Volume 228, Number 1
Illustration :
Le champ profond sud de Chandra (CDFs), la couleur reflète l'énergie des rayons X (NASA/CXC/Penn State/B.Luo et al.)
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