Une équipe d'astrophysiciens vient de découvrir une éruption extrême du noyau galactique actif (AGN) J2245+3743. Sa luminosité a été multipliée par plus de 40 en 2018, puis la source a progressivement diminué depuis. L'énergie totale émise dans l'ultraviolet et le domaine visible à ce jour est de l'ordre de 1054 erg, soit la conversion complète d'environ 1 masse solaire en rayonnement électromagnétique, du jamais vu. Cette éruption est 30 fois plus puissante que la plus puissante éruption transitoire de noyau galactique actif (AGN) jamais enregistrée. L'étude est parue dans Nature Astronomy.
Ça se passe là haut
Astronomie, Astrophysique, Astroparticules, Cosmologie. L'infini se contemple, indéfiniment. ISSN 2272-5768
08/11/25
Eruption record dans un noyau galactique actif
Une équipe d'astrophysiciens vient de découvrir une éruption extrême du noyau galactique actif (AGN) J2245+3743. Sa luminosité a été multipliée par plus de 40 en 2018, puis la source a progressivement diminué depuis. L'énergie totale émise dans l'ultraviolet et le domaine visible à ce jour est de l'ordre de 1054 erg, soit la conversion complète d'environ 1 masse solaire en rayonnement électromagnétique, du jamais vu. Cette éruption est 30 fois plus puissante que la plus puissante éruption transitoire de noyau galactique actif (AGN) jamais enregistrée. L'étude est parue dans Nature Astronomy.
31/10/25
Deux fusions de deux trous noirs donnent un nouvel éclairage sur leur formation et leur évolution.
Deux fusions de trous noirs, mesurée à un mois d'intervalle fin 2024 par la collaboration LIGO-Virgo-KAGRA, permet aux chercheurs de mieux comprendre la nature et l'évolution des collisions les plus violentes de l'univers. Les données recueillies lors de ces fusions valident également avec une précision sans précédent les lois fondamentales de la physique prédites par Albert Einstein et font progresser la recherche de nouvelles particules élémentaires encore inconnues, susceptibles d'extraire de l'énergie des trous noirs. L'étude est parue dans The Astrophysical Journal Letters.
LIGO-Virgo-KAGRA est un réseau mondial de détecteurs d'ondes gravitationnelles de pointe et mène actuellement sa quatrième campagne d'observation, O4. Cette campagne a débuté fin mai 2023 et devrait se poursuivre jusqu'à mi-novembre de cette année. À ce jour, environ 300 fusions de trous noirs ont été observées grâce aux ondes gravitationnelles depuis 2015, en comptant les candidats identifiés lors de la campagne O4 en cours. Ces dernières années, les chercheurs et les ingénieurs de LIGO ont apporté des améliorations importantes aux détecteurs, ce qui permet aujourd'hui des mesures précises des formes d'onde de fusion qui permettent le type d'observations subtiles qui étaient nécessaires ici. Une meilleure sensibilité permet non seulement à LIGO de détecter beaucoup plus de signaux, mais aussi de mieux comprendre ce qu'on détecte.
Dans cet article, la collaboration internationale rapporte la détection de deux événements d'ondes gravitationnelles datant d'octobre et novembre 2024. Les sources de ces deux signaux sont caractérisées par des rotations rapides du trou noir primaire (le plus massif du couple), mesurées avec précision, ainsi que par un désalignement spin-orbite non négligeable et des rapports de masse inégaux entre leurs trous noirs constitutifs. Ces propriétés sont caractéristiques des binaires dont l'objet le plus massif s'est lui-même formé par la fusion d'un précédent système binaire de trous noirs et suggèrent que les sources de GW241011 et GW241110 pourraient s'être formées dans des environnements stellaires denses où des fusions répétées peuvent avoir lieu. En tant que troisième événement d'ondes gravitationnelles le plus bruyant publié à ce jour, avec un rapport signal/bruit médian du réseau de 36,0, GW241011 fournit en outre des contraintes strictes sur la nature Kerr des trous noirs et la structure multipolaire de la génération d'ondes gravitationnelles.
La première fusion décrite dans cet article, GW241011 (11 octobre 2024), s'est produite à environ 700 millions d'années-lumière et résulte de la collision de deux trous noirs dont les masses sont respectivement d'environ 20 et 6 masses solaires. Et ce qui est remarquable, c'est que le plus massif des deux trous noirs à l'origine de GW241011 figure parmi les trous noirs à rotation la plus rapide jamais observés.
Près d'un mois plus tard, le signal d'ondes gravitationnelles GW241110 (10 novembre 2024) a été détecté à une distance d'environ 2,4 milliards d'années-lumière. Cet événement impliquait la fusion de trous noirs d'environ 17 et 8 masses solaires. Mais alors que la plupart des trous noirs détectés depuis 2015 tournent dans le même sens que leur orbite, ici, pour la première fois, le trou noir principal de GW241110 tournait dans le sens inverse de son orbite (rotation anti-parallèle à son vecteur de moment angulaire orbital). La rotation principale de la source de GW241011 est quant à elle inclinée d'environ 30° par rapport à l'axe de rotation de l'orbite, et le signal d'ondes gravitationnelles présente clairement une précession spin-orbite relativiste. Malgré cette différence de rotation, les sources de GW241011 et GW241110 possèdent des masses similaires entre 15 et 20 M⊙ environ, et les deux supposent des masses inégales pour leurs trous noirs constitutifs, GW241011 en particulier nécessitant un rapport de masse d'environ 3:1.
Des systèmes binaires de ce type avaient été prédits à partir d'observations antérieures, mais il s'agit de la première preuve directe de leur existence.
Ces deux fusions détectées suggèrent l'existence possible de trous noirs de « seconde génération ». En effet, chacun de ces événements présente un trou noir nettement plus massif que l’autre et en rotation rapide, ce qui constitue un indice de la formation de ces trous noirs issus de fusions antérieures. Ce processus, appelé fusion hiérarchique, suggère que ces systèmes se sont formés dans des environnements denses, dans des régions comme les amas d'étoiles, où les trous noirs sont plus susceptibles d'entrer en collision et de fusionner de manière répétée.
Grâce à sa détection très nette, GW241011 a pu être comparé aux prédictions de la théorie d'Einstein et à la solution du mathématicien Roy Kerr concernant la rotation des trous noirs (facteurs décrivant leur forme, leur rotation et d'autres propriétés). La rotation rapide du trou noir le déforme légèrement, laissant une signature caractéristique dans les ondes gravitationnelles qu'il émet. L'analyse de GW241011 a révélé une excellente concordance avec la solution de Kerr et a confirmé avec une précision sans précédent le rayonnement gravitationnel issu de moments multipolaires d'ordre supérieur.
La fusion de systèmes binaires de trous noirs produit des trous noirs résiduels en rotation rapide, avec des vitesses de rotation de l'ordre de χ ≈ 0,7 (valeur sans unité, la rotation maximale valant 1). L'émission asymétrique d'ondes gravitationnelles peut accélérer considérablement ces trous noirs résiduels, avec des vitesses pouvant atteindre des milliers de kilomètres par seconde. Mais dans des environnements où les vitesses de libération sont suffisamment élevées, les trous noirs résiduels peuvent toutefois rester liés gravitationnellement, capturer de nouveaux partenaires et participer à des fusions binaires ultérieures. C'est le scénario envisagé ici.
Les trous noirs en rotation rapide, tels que ceux observés dans cette étude, trouvent aussi une nouvelle application en physique des particules. Les astrophysiciens peuvent les utiliser pour tester l'existence et la masse de certaines particules élémentaires légères hypothétiques. Ces particules, appelées bosons ultralégers, sont prédites par des théories qui vont au-delà du Modèle Standard de la physique des particules. Si les bosons ultralégers existent, ils peuvent extraire de l'énergie de rotation des trous noirs. Dans ce cas, la quantité d'énergie extraite et le ralentissement de la rotation des trous noirs au fil du temps dépendent de la masse de ces particules, qui reste encore inconnue. Les chercheurs montrent que l'observation selon laquelle le trou noir massif du système binaire qui a émis GW241011 continue de tourner rapidement même des millions ou des milliards d'années après sa formation exclut une large gamme de masses de bosons ultralégers dans la gamme de masse 10-13 à 10-12 eV.
L'enrichissement des catalogues d'ondes gravitationnelles, qui a été rendu possible par le fonctionnement simultané d'observatoires d'ondes gravitationnelles de plus en plus sensibles, continue de révéler des sources individuellement intéressantes qui élargissent notre compréhension du paysage des binaires compactes. Les ondes gravitationnelles détectées lors de la quatrième campagne d'observation des observatoires LIGO, Virgo et KAGRA ont jusqu'à présent permis de tester de manière inédite la relativité et les modèles de formes d'onde gravitationnelles. Elles ont identifié des sources dans des régions nouvelles et inattendues de l'espace des paramètres. Les découvertes se poursuivront jusqu'à la fin de la quatrième campagne d'observation LIGO–Virgo–KAGRA, et au-delà...
Source
GW241011 and GW241110: Exploring Binary Formation and Fundamental Physics with Asymmetric, High-spin Black Hole Coalescences
LVK Collaboration
The Astrophysical Journal Letters, Volume 993, Number 1 (28 october 2025)
https://doi.org/10.3847/2041-8213/ae0d54
Illustration
Vue d'artiste d'une fusion de trous noirs asymétriques (Carl Knox, OzGrav, Swinburne University of Technology)
12/10/25
Cha 1170-7626, la planète errante gloutonne
Une équipe d'astronomes vient d'identifier une planète errante qui est en train de grossir à un taux record de 6 milliards de tonnes par seconde en accrétant de très grandes quantités de gaz. Cette planète sans étoile, nommée Cha 1170-7626, est située à environ 600 années-lumière et fait déjà la bagatelle de 5 à 10 fois la masse de Jupiter. Va-t-elle devenir une étoile ? L'étude est parue dans The Astrophysical Journal Letters.
C'est le record absolu de croissance pour une planète, avec ou sans étoile hôte. Cha 1170-7626 avait été détectée il y a près de 20 ans. Victor Almendros-Abad (Observatoire astronomique de Palerme) et ses collaborateurs ont observé la planète errante et son disque de gaz et de poussière nourricier à la fois dans l'UV, le visible et l'infrarouge avec le du Very Large Telescope (VLT) au Chili. Les observations effectuées en avril et en mai dernier ont révélé une croissance à la vitesse attendue, mais les données de fin juin ont montré que l'accrétion de gaz de la planète errante avait brutalement augmentée le long de son champ magnétique.
Des données complémentaires du VLT et du télescope spatial Webb, enregistrées en juillet et août, ont permis à l'équipe d'estimer que Cha 1170-7626 accumulait de la matière jusqu'à huit fois plus vite que quelques mois auparavant, atteignant un taux de 10-7 masses de Jupiter par an. Selon les chercheurs, la surface de la planète, ainsi que le gaz et la poussière environnants, sont également devenus plus chauds et plus brillants, et le disque a montré des traces de vapeur d'eau non observées lors des observations précédentes.
De nombreuses caractéristiques de la période d'intense accrétion, notamment sa longue durée, de fin juin à août, ressemblent à celles d'un rare type de poussée de croissance qui était observé jusqu'alors uniquement chez les jeunes étoiles, ce qui fait dire à Almendros-Abad et ses collaborateurs que la planète vagabonde a connu une naissance semblable à celle d'une étoile. Par ailleurs, en plongeant dans des anciennes archives de 2016, les astrophysiciens ont remarqué que Cha 1170-7626 a connu des périodes de forte accrétion de matière régulières. Pendant le sursaut d'accrétion, on observe que la raie Hα développe un profil à double pic avec une absorption décalée vers le rouge, comme ce qui est observé dans les étoiles et les naines brunes subissant une accrétion magnétosphérique. Mais, selon les chercheurs, l'événement observé est incompatible avec la variabilité typique des jeunes étoiles en accrétion. En effet, pour les étoiles jeunes typiques, les variations du taux d'accrétion ne dépassent pas un facteur d'environ 3 sur des échelles de temps allant de quelques jours à quelques mois (DC Nguyen et al. 2009 ). Cha1107-7626 montre clairement une variabilité d'accrétion inhabituellement forte par rapport à ces cas typiques. La durée de l'événement observé le distingue également de la variabilité la plus courante des étoiles T Tauri, dont l'échelle de temps est contrôlée par la rotation stellaire (G. Costigan et al. 2012 , 2014 ). Bien que la période de rotation de Cha1107-7626 ne soit pas connue, on peut s'attendre à ce qu'elle soit de l'ordre de 1 à 4 jours (A. Scholz et al. 2018 ), ce qui signifie que l'événement d'accrétion a duré plus de 15 cycles de rotation.
Pour Almendros-Abad et ses collaborateurs, le sursaut d'accrétion de Cha 1170-7626 correspond plutôt à la durée, à l'amplitude et au spectre de raies d'un sursaut de type EXor. L'objet prototypique des sursauts de type EXor est l'étoile EX Lupi, qui a produit un sursaut en 2022 qui a duré environ 4 mois. À son pic, l'étoile était plus brillante de 2 mag dans l'optique, avec une augmentation de l'accrétion de masse d'un facteur 7 (F. Cruz-Sáenz de Miera et al. 2023 ; K. Singh et al. 2024 ). L'événement observé pour Cha1107-7626 présente des caractéristiques très similaires. Cha1107-7626 est pourrait donc être le premier objet de masse planétaire identifié comme un EXor, étendant cette classe de sursauts au régime des planètes géantes. Cha1107-7626 serait le premier objet sous-stellaire présentant des signes d'un sursaut EXor potentiellement récurrent.Ces types de sursauts d'accrétion sont des événements clés dans l'évolution précoce des étoiles. En particulier, de tels événements peuvent avoir un effet significatif sur l'évolution chimique et physique du disque et potentiellement sur les premiers stades de la formation planétaire. Cha1107-7626 est l'objet de plus faible masse observé jusqu'à présent qui subit un sursaut d'accrétion, et de loin le moins massif dans la catégorie EXor. Des études détaillées de la variabilité de l'accrétion ont permis d'éclairer les interactions entre les jeunes objets stellaires et leurs disques, notamment le rôle des champs magnétiques. De même, les observations de Cha1107-7626 donnent un aperçu de la nature de l'accrétion dans les objets de masse planétaire, même s'il s'agit de très grosses planètes, et qu'elles ne tournent pas autour d'une étoile...
Source
Discovery of an Accretion Burst in a Free-floating Planetary-mass Object
Victor Almendros-Abad, et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 992, Number 1 (2 october 2025)
https://doi.org/10.3847/2041-8213/ae09a8
Illustrations
1. Vue d'artiste de Cha1107-7626 accrétant du gaz (ESO/L. Calçada, M. Kornmesser)
2. Victor Almendros-Abad
03/10/25
Détection de nouvelles molécules organiques provenant de l'océan d'Encelade

Encelade, lune de Saturne, éjecte continuellement d'importantes quantités de particules de glace dans l'espace, provenant de son océan souterrain. Des chercheurs ont analysé chimiquement des particules fraîchement émises provenant directement de l'océan souterrain d'Encelade. grâce à des données de la sonde Cassini. Ils ont pu détecter des intermédiaires de molécules organiques potentiellement pertinentes sur le plan biologique, découvertes pour la première fois dans des particules de glace provenant d'un océan extérieur à la Terre. L'étude est publiée dans Nature Astronomy.
Encelade mesure environ 500 kilomètres de diamètre ; sa surface est recouverte d'une couche de glace d'une épaisseur moyenne d'environ 25 à 30 kilomètres. En 2005, la sonde Cassini de la NASA a découvert un immense geyser de gaz et de particules de glace au-dessus de son pôle sud. Des mesures effectuées ultérieurement par Cassini ont révélé la présence d'un océan d'eau liquide à l'intérieur du satellite. Elles ont également montré que les particules de glace contenaient des molécules organiques. Mais ces particules examinées n'étaient pas "fraîches", elles orbitaient déjà autour de la petite lune depuis un certain temps.
25/09/25
Des trous noirs primordiaux à l'origine des neutrinos ultra-énergétiques ?
Selon une étude venant de paraître dans Physical Review Letters, les derniers soubresauts du rayonnement de Hawking d'un trou noir primordial relativement proche de la Terre pourrait être à l'origine du neutrino le plus énergétique jamais détecté à ce jour...
La collaboration KM3Net a récemment identifié les signes d'un neutrino ayant l'énergie la plus élevée jamais enregistrée, aux environs de 220 PeV (péta-électronvolts), un événement nommé KM3-230213A (voir épisode 1699 du 13 février dernier) , mais la source d'une particule aussi énergétique reste encore à expliquer.
Or, selon la théorie de Stephen Hawking concernant la thermodynamique des trous noirs, ces derniers doivent rayonner, d’autant plus et d’autant plus énergétiquement que leur masse est petite. Ainsi les trous noirs de masse stellaire ou les trous noirs supermassifs ne rayonnent pratiquement pas, et en tous cas des particules de très très faible énergie (des photons). Mais des trous noirs qui auraient une masse très faible, très inférieure à la masse de la Terre par exemple, commenceraient à rayonner non plus seulement des photons de plus en plus énergétiques, mais aussi toutes sortes de particules, et notamment des particules électriquement neutres comme les neutrinos, qui pourraient atteindre des énergies très élevées à la toute fin de l’évaporation de tels trous noirs. L’évaporation des trous noirs selon Hawking est un processus « explosif » (pour reprendre le terme de son article de 1974. En effet, plus le trou noir rayonne, plus il perd de la masse et rétrécit, plus il s’échauffe et donc plus il rayonne… L’effet est exponentiel.
Ce qu’on appelle les trous noirs primordiaux (PBH) sont des trous noirs hypothétiques qui sont des versions microscopiques des trous noirs astrophysiques (stellaires ou supermassifs). Selon la théorie, les PBH se seraient formés dans les premiers instants qui ont suivi le Big Bang, juste après l’inflation. Par ailleurs, certains physiciens pensent que les trous noirs primordiaux pourraient constituer la majeure partie, voire la totalité, de la matière noire présente aujourd'hui dans l'univers. Ce serait le cas si leur masse typique 𝑀, au sommet de la distribution de masse, se situait dans la fourchette entre 1017 g et 1023 g. Cette fourchette est appelée la « gamme de masse des astéroïdes », elle correspond à une fourchette de taille comprise entre la taille d’un noyau atomique et 0,1 µm.
On peut calculer la masse d’un PBH au moment de sa formation qui correspond à une durée de vie égale à l'âge actuel de l'Univers. Cela donne une masse limite 𝑀*≃5 1014 g. En d'autres termes, un PBH qui s'est formé avec M = 5 1014 g (500 millions de tonnes) serait en train de subir son processus d'évaporation final et exploserait aujourd'hui.
Alexandra Klipfel et David Kaiser (MIT) ont calculé que si les PBH constituaient la majeure partie de la matière noire de l'univers, alors une petite sous-population d'entre eux subirait aujourd'hui leur explosion finale dans toute notre galaxie.
Et il devrait y avoir une probabilité statistiquement significative qu'une telle explosion ait pu se produire relativement près de notre système solaire. L'explosion aurait libéré un flux de particules à haute énergie, notamment des neutrinos, dont l'un aurait pu avoir de bonnes chances d'atteindre un détecteur sur Terre, par exemple celui mesuré par KM3Net il y a quelques mois…
Si un tel scénario s'était effectivement produit, la détection du neutrino le plus énergétique de KM3Net représenterait la première observation du rayonnement de Hawking, qui a longtemps été supposé, mais qui n'a jamais été directement observé à partir d'un trou noir. De plus, cet événement indiquerait que les trous noirs primordiaux existent bel et bien et qu'ils constituent la majeure partie de la matière noire.
C’est en février 2025 que les chercheurs de la collaboration du Cubic Kilometer Neutrino Telescope, (KM3NeT), ont annoncé avoir détecté le neutrino le plus énergétique jamais enregistré à ce jour avec une énergie supérieure à 100 pétaélectronvolts et depuis, il n'y a pas vraiment eu de consensus sur l'origine de cette particules à ultra-haute énergie.
Des neutrinos d'énergie similaire, bien que moins élevée que celle observée par KM3NeT, ont également été détectés par l'observatoire IceCube, au pôle Sud. IceCube a détecté environ une demi-douzaine de neutrinos de ce type, dont l'énergie inhabituellement élevée reste également inexpliquée. Quelle que soit leur source, les observations d'IceCube permettent aux physiciens des astroparticules de calculer un taux plausible auquel les neutrinos à ces énergies frappent généralement la Terre. Si ce taux était est correct, il apparaît extrêmement improbable d'avoir observé le neutrino à très haute énergie détecté par KM3NeT. Les découvertes des deux détecteurs semblaient donc être « en tension ».
Klipfel et Kaiser qui travaillaient à l’origine sur un projet distinct concernant les trous noirs primordiaux, se sont demandés si un PBH aurait pu produire à la fois le neutrino de KM3NeT et la poignée de neutrinos de IceCube, dans des conditions où les PBH constituent la majeure partie de la matière noire de la galaxie.
Klipfel et Kaiser ont tout d’abord calculé le nombre et les énergies des particules qui seraient émises par un trou noir primordial en phase d’explosion, compte tenu de sa température et de sa masse en diminution. Ils estiment qu'au cours de sa dernière nanoseconde, une fois qu'un trou noir est plus petit qu'un atome, il devrait émettre une dernière bouffée de particules, comprenant environ 1020 neutrinos, avec des énergies d'environ 100 pétaélectronvolts (tiens, tiens… environ l'énergie du neutrino observé par KM3NeT ! ). Par exemple, pour produire une particule de 1 PeV, le trou noir doit avoir une masse de 4,8 107 g (48 tonnes) (il ne lui reste alors plus que 0,457 µs à vivre) et pour produire une particule de 60 PeV, sa masse doit être de 800 kg et il ne lui reste alors plus que 0,2 ns avant la fin définitive. La théorie stipule que la toute dernière particule émise par le trou noir avant de disparaître doit atteindre l’énergie de Planck, soit 1/√8πG ce qui fait 2,43 1012 PeV.
Klipfel et Kaiser ont ensuite utilisé ce résultat pour calculer le nombre d'explosions de PBH qui devraient se produire dans une galaxie afin d'expliquer les résultats rapportés par IceCube. Ils trouvent que, dans notre région de la Voie lactée, environ 1 410 trous noirs primordiaux devraient exploser par parsec cube et par an.
La suite a consisté à calculer la distance à laquelle une telle explosion aurait pu se produire dans notre galaxie, pour qu'une poignée de neutrinos à haute énergie auraient pu atteindre la Terre et produire l'événement KM3NeT. Ils ont trouvé qu'un PBH aurait dû exploser relativement près de notre système solaire, à une distance environ 2 000 Unités Astronomiques de la Terre !
Les particules émises par une explosion aussi proche partent dans toutes les directions. Mais Klipfel et Kaiser montrent qu'il existe une probabilité de 8 % qu'une explosion se produise suffisamment près du système solaire, une fois tous les 14 ans, pour que suffisamment de neutrinos à très haute énergie atteignent la Terre et expliquent les observations de IceCube et KM3Net.
8 % n'est pas très élevé, mais n’est pas très faible non plus…
Non seulement l'hypothèse selon laquelle ces événements de neutrinos à haute énergie proviennent chacun d'explosions de PBH réduit la tension entre les flux rapportés par IceCube et KM3NeT, mais elle permet également d'estimer ab initio le nombre attendu de tels événements. Si les PBH se sont formés par effondrement critique très tôt dans l'histoire cosmique, la population qui en résulte suivrait nécessairement une distribution de masse non triviale, comprenant une queue de loi de puissance pour les masses inférieures au pic de la distribution. Compte tenu des larges barres d'erreur sur le taux d'explosion isotrope des PBH déduit des données IceCube, les chercheurs trouvent des régions de l'espace des paramètres dans lesquelles une population de PBH inclurait une petite fraction de PBH qui subissent leur évaporation finale de Hawking et explosent aujourd'hui à un taux compatible avec le taux nécessaire pour expliquer tous les événements neutrinos signalés à ce jour avec 𝐸 > 1 PeV.
Cette estimation théorique est heureusement testable. Au moins trois données différentes pourraient tester ou contraindre le scénario. Premièrement, des événements supplémentaires de neutrinos à haute énergie provenant d'IceCube et/ou de KM3NeT réduiront les incertitudes sur les flux signalés et testeront davantage la compatibilité entre les taux d'explosion attendus des PBH et les flux de neutrinos observés. Deuxièmement, les détecteurs de rayons gamma à haute énergie à venir, tels que le Large High Altitude Air Shower Observatory (LHAASO), pourrait être sensibles à des taux d'explosion locaux de PBH aussi faibles que 1200 pc−3 an−1, comparables au taux déduit des données actuelles d'IceCube. Et troisièmement, d'autres sondes astrophysiques des PBH de la gamme de masse des astéroïdes, notamment les perturbations gravitationnelles et les rayons cosmiques, pourraient restreindre davantage l'espace des paramètres, modifiant ainsi les taux d'explosion de PBH attendus.
Et puis, avec davantage d'événements de détection de neutrinos avec une énergie 𝐸𝜈 ≥1 PeV, nous pourrons clarifier davantage si des taux d'événements plus élevés proviennent de la direction du centre galactique, là où la densité de matière noire est sensée être la plus élevée...
Source
Ultrahigh-Energy Neutrinos from Primordial Black Holes
Alexandra P. Klipfel and David I. Kaiser
Phys. Rev. Lett. 135, 121003 (18 September 2025)
https://doi.org/10.1103/vnm4-
Illustrations
1. Vue d'artistee d'un rayonnement de Hawking proche de la Terre (Toby Gleason-Kaiser)
2. Alexandra Klipfel
20/09/25
Une croix d'Einstein exceptionnelle révèle un halo massif de matière noire
Une équipe internationale d'astrophysiciens vient de publier la découverte d'une galaxie lointaine qui subit une lentille gravitationnelle par un groupe de galaxies en avant-plan. Cinq images de la galaxie lointaine HerS-3 sont observées sous la forme d'une croix d'Einstein quasi parfaite, avec la cinquième image au centre. C'est la première fois qu'une telle croix d'Einstein galactique est observée en ondes radio. La reconstruction de la lentille gravitationnelle met en évidence la présence d'un halo massif de matière noire dans le groupe de galaxies d'avant plan, sans lequel la lentille ne peut pas être reproduite. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal.
13/09/25
Test concluant du théorème de l'aire des trous noirs de Hawking et de leur nature de Kerr
Cette belle avancée coïncide avec le dixième anniversaire de la première détection d'une fusion de trous noirs par la collaboration LIGO. Par ailleurs, un deuxième article, soumis (mais non encore accepté), pose des limites théoriques à la troisième tonalité prédite, plus aiguë, qui pourrait se cacher dans le signal d'ondes gravitationnelles de l'événement.
La collaboration LIGO/Virgo/KAGRA (LVK) détecte les ondes gravitationnelles par interférométrie laser , utilisant des lasers de haute puissance pour mesurer les infimes variations de distance entre deux objets distants de plusieurs kilomètres. LIGO dispose de détecteurs à Hanford, dans l'État de Washington, et à Livingston, en Louisiane. Un troisième détecteur, Advanced Virgo, est entré en service en Italie en 2016. Au Japon, KAGRA est le premier détecteur d'ondes gravitationnelles d'Asie et le premier à être construit sous terre. La construction de LIGO-India a débuté en 2021, et les physiciens prévoient sa mise en service dans les années à venir.
Chaque instrument est si sensible qu'il capte également de faibles vibrations ambiantes, comme le grondement d'un train de marchandises ou les vibrations thermiques naturelles des détecteurs eux-mêmes. La collaboration LIGO met donc tout en œuvre pour protéger ses instruments et minimiser le bruit dans ses données. Le 14 septembre 2015, les deux détecteurs avaient capté des signaux à quelques millisecondes d'intervalle pour la toute première fois. La détection de ces signaux a été une prouesse remarquable, et personne n'a été surpris lorsque la première observation directe d'ondes gravitationnelles a remporté le prix Nobel de physique en 2017 .
Depuis, LVK a détecté quelques fusions d'étoiles à neutrons, dont GW170817 qui a inauguré l'ère de l'astronomie à multimessagers (ondes gravitationnelles + ondes électromagnétiques). La collaboration a également détecté des fusions asymétriques, où un trou noir est beaucoup plus massif que son partenaire, ainsi que des découvertes remettant en question le soi-disant « écart de masse » entre les trous noirs et les étoiles à neutrons. Cet été, la collaboration LIGO/Virgo/KAGRA a annoncé lors d'une conférence scientifique, la détection de la fusion la plus massive jamais observée entre deux trous noirs (baptisée GW231123), donnant naissance à un nouveau trou noir de 225 masses solaires. L'article n'est pas encore publié mais devrait l'être bientôt.
Il faut dire que LIGO a été amélioré à plusieurs reprises depuis 2015, et est désormais près de quatre fois plus sensible que lors de l'enregistrement de cette première fusion de trous noirs. Cette sensibilité a permis à la collaboration d'enregistrer le signal d'onde gravitationnelle le plus propre à ce jour, en termes de rapport signal/bruit, baptisé GW250114. Cet événement était remarquablement similaire au premier de 2015, impliquant deux trous noirs d'environ 30 masses solaires dont la fusion a produit un signal tout aussi puissant et a donné naissance à un nouveau trou noir d'environ 63 masses solaires. Mais la différence de qualité des deux signaux a permis aux chercheurs de mieux isoler certaines fréquences ou tonalités du « ringdown », les vibrations du trou noir résultant juste après la fusion. Et ces données cruciales permettent de calculer les propriétés du nouveau trou noir et les comparer aux prédictions théoriques.
D’un point de vue théorique, on s’attend à ce que les trous noirs soient des objets remarquablement simples. Selon la théorie de la relativité générale d'Einstein et sous certaines hypothèses de régularité, les trous noirs stationnaires isolés peuvent être entièrement caractérisés par seulement trois paramètres : la masse, le spin et la charge électrique. Pour les trous noirs neutres, cela implique que la masse et le spin déterminent le système par la métrique de Kerr, la solution axisymétrique et neutre unique aux équations d'Einstein. Cette singularité est étroitement liée à des conjectures clés de la gravitation classique, notamment la faible censure cosmique et la stabilité des trous noirs en rotation, qui restent toutes deux non prouvées.
L'unicité et l'absence de caractéristiques implicites des trous noirs donnent lieu à des paradoxes dans le contexte de la mécanique quantique et de la thermodynamique. Les lois de la mécanique des trous noirs, que l'on soupçonnait à l'origine de ne rappeler que par coïncidence la mécanique statistique, établit les trous noirs comme de véritables systèmes thermodynamiques : le rôle de l'entropie est attribué à la zone de l'horizon des événements, tandis que les trous noirs rayonnent en raison d'effets quantiques comme un corps noir avec une température liée à leur gravité de surface. La thermodynamique des trous noirs joue un rôle clé dans la quête visant à réconcilier la gravité avec le reste de la physique, à travers des concepts tels que la perte d'information, la gravité holographique, ou l'interprétation microscopique de l'entropie du trous noirs.
Les trous noirs jouent un rôle central dans la phénoménologie et l'évolution de l'Univers, affichant des comportements riches et complexes, de l'échelle stellaire à l'échelle galactique. On s'attend à ce que les trous noirs ne soient pas significativement chargés, se conformant ainsi à la métrique de Kerr. Cependant, la mesure dans laquelle ils le font reste une question ouverte. Et heureusement, les ondes gravitationnelles peuvent éclairer cette hypothèse en sondant par l'observation la nature Kerr des trous noirs.
Bien que les coalescences de trous noirs présentent des champs gravitationnels parmi les plus puissants et les plus dynamiques, leurs états initial et final sont simples. Une coalescence débute par une longue spirale, au cours de laquelle deux trous noirs orbitent et se rapprochent l'un de l'autre, le système perdant de l'énergie et du moment cinétique sous l'effet du rayonnement gravitationnel. Après la fusion, le trou noir résiduel « sonne » alors qu'il s'installe dans un état Kerr quiescent. Dans ce contexte, supposer un trou noir de Kerr implique un spectre de résonance spécifique (fréquences et taux d'amortissement), qui est une fonction connue de la masse et du spin du trou noir. Parallèlement, la deuxième loi de la mécanique des trous noirs, également connue sous le nom de loi de l'aire de Hawking, exige une augmentation nette de l'aire totale de l'horizon des événements tout au long de la coalescence.
Le signal d'onde gravitationnelle GW250114 a été observé par les deux détecteurs LIGO avec un rapport signal/bruit de 80. L'analyse montre que les masses des deux trous noirs étaient presque égales : 𝑚1=33.6 (+1.2 −0.8) 𝑀⊙ et 𝑚2=32.2 (+0.8−1.3) 𝑀⊙, et avec de petits spins : 𝜒 ≤ 0.26, ainsi qu'une excentricité négligeable 𝑒 ≤0.03.
Les chercheurs de LVK montrent que les données post-fusion excluant la région de pic sont cohérentes avec le mode quadripolaire dominant(ℓ=|𝑚|=2) d'un trou noir de Kerr et sa première harmonique. Les chercheurs fournissent ainsi un test robuste de la nature de Kerr du trou noir résultant.
Une série d'analyses confirme ensuite que la surface du trou noir résiduel est supérieure à la somme des surfaces initiales, Les données de GW250114 révèlent que les deux trous noirs initiaux avaient une aire totale d'environ 240 000 kilomètres carrés. Après la fusion, le nouveau trou noir mesurait environ 400 000 kilomètres carrés.
Même si cette affirmation est très simple – "les aires ne peuvent qu'augmenter" – elle a d'immenses implications. Stephen Hawking et Jacob Bekenstein ont notamment montré en 1974 que l'aire d'un trou noir est en fait proportionnelle à son entropie, qui doit également augmenter selon la deuxième loi de la thermodynamique. C'est un élément clé des tentatives actuelles de développement d'une théorie quantique de la gravité.
Le signal d'ondes gravitationnelles GW250114 marque une étape importante dans l'histoire de la science des ondes gravitationnelles. Grâce à son rapport signal sur bruit élevé, GW250114 offre une vision extrêmement claire du processus hautement dynamique par lequel deux trous noirs fusionnent pour donner naissance à un trou noir résiduel. Les données de LIGO Hanford et LIGO Livingston sont donc compatibles avec les multiples modes quasinormaux d'un trou noir de Kerr et avec la loi des aires de Hawking.
Ces résultats suggèrent que les trous noirs astrophysiques sont effectivement des objets extrêmement simples, conformes à la relativité générale et à la description de Kerr. Le résidu de la fusion fortement perturbé se stabilise dans un état de repos à entropie plus élevée en quelques échelles de temps dynamiques. La prochaine décennie de l'astrophysique des ondes gravitationnelles promet d'enrichir encore notre compréhension des trous noirs.
Source
GW250114: Testing Hawking’s Area Law and the Kerr Nature of Black Holes
A. G. Abac et al.
Phys. Rev. Lett. 135 (10 September, 2025)
https://doi.org/10.1103/kw5g-d732
Illustrations
1. Le signal GW250114 enregistré par les deux détecteurs interférométriques de LIGO (Abac et al.)
2. Formule de l'aire d'un trou noir de Kerr (m est la masse et χ le spin.
04/09/25
Observation d'une étoile complètement dépouillée avant son explosion en supernova
La supernova 2021yfj a été repérée peu après l'explosion et a révélé quelque chose que les astrophysiciens n'avaient jamais vu auparavant : une couche riche en silicium et en soufre qui, selon les théories, entourerait le cœur des étoiles massives. L'étude de cette supernova fournit des informations sans précédent sur la formation des éléments lourds dans les étoiles et remet en question notre compréhension de la façon dont les étoiles perdent leurs couches externes dans leurs derniers instants. Elle est parue dans Nature.
Dans les régions centrales des étoiles, les pressions et les températures élevées fusionnent les éléments légers en éléments plus lourds. Ce processus commence par la fusion de l'hydrogène en hélium, suivie progressivement par la formation d'éléments plus lourds tels que l'oxygène, le carbone, le soufre, le silicium et le fer au cours des étapes suivantes de la vie de l'étoile. La fusion libère de l'énergie qui contrebalance les effets de la gravité, empêchant ainsi l'étoile de s'effondrer sur elle-même. La fusion d'éléments plus lourds que le carbone ne se produit quant à elle que dans les étoiles dont la masse est de plus de huit masses solaires. Ce processus crée une structure en couches, dans laquelle les éléments les plus légers se trouvent à l'extérieur et les éléments plus lourds vers le centre.
La création d'éléments plus lourds que le fer par fusion nucléaire nécessite plus d'énergie que celle libérée, ce qui signifie que le fer, qui est le produit de la fusion du silicium et du soufre, est l'élément le plus lourd qui se forme dans les étoiles (avant qu’elles n’explosent).
La théorie de l’effondrement gravitationnel est bien établie depuis des décennies, mais l'observation des couches prévues s'est avérée très difficile. Les étoiles sont opaques, ce qui empêche les astrophysiciens d'observer leur structure interne par spectroscopie et ainsi de déterminer la composition chimique. Et lorsqu'elle explose, la violence de la supernova mélange généralement les couches. Cela signifie que la plupart des observations spectroscopiques des supernovas sont dominées par l'hydrogène et l'hélium.
Avant d'exploser en supernova, certaines étoiles massives forment un type d'étoile appelé Wolf-Rayet, qui a perdu son hydrogène externe, exposant une couche d'hélium ou, plus rarement, une couche de carbone et d'oxygène. Les couches les plus internes, dans lesquelles sont forgés les éléments plus lourds essentiels à la formation des planètes rocheuses, sont toutefois restées cachées.
Steve Schulze (université de Stockholm) et ses collaborateurs ont découvert que la supernova 2021yfj est une exception. Le spectre lumineux de la supernova, observé avec le télescope Keck à Hawaï, est dominé par le silicium et le soufre qui se sont formés dans les profondeurs de l'étoile. La vitesse de ces éléments, qui peut être calculée à partir de leurs spectres, indique qu'ils ne faisaient pas partie de la supernova. Au contraire, cette couche située à l'extérieur du noyau de fer a été expulsée de l'étoile peu avant son explosion. Lorsque l'étoile a explosé en supernova, la matière de la supernova est entrée en collision avec la couche de silicium et de soufre expulsée. Et cette collision a chauffé la couche expulsée, la faisant briller. La composition de la couche incandescente a été révélée par une observation effectuée seulement 24 heures après la découverte de 2021yfj. Les modèles du spectre de la supernova indiquent également que la concentration en silicium et en soufre dans l'étoile était environ 100 fois plus élevée que dans le Soleil.
Schulze et ses collaborateurs ont en fait effectué la toute la première observation d'une étoile massive qui a été dépouillée de sa matière externe, exposant ainsi une couche qui était jusqu'alors invisible.
Cette découverte est étonnante pour plusieurs raisons. Premièrement, elle confirme que les étoiles ont la structure en couches théoriquement prévue jusqu'à leurs couches riches en silicium et en soufre. Deuxièmement, elle révèle directement où ces éléments sont fabriqués dans les étoiles massives. Troisièmement, et c'est une vraie découverte, elle montre que certains processus peuvent dépouiller une étoile massive de presque toutes ses couches externes juste avant qu'elle n'explose.
Ce dernier point pose un défi particulier à la théorie actuelle. Les étoiles perdent de la masse tout au long de leur vie par le biais des vents stellaires, qui sont des flux de particules s'échappant de leur surface. Mais les modèles conventionnels ne permettent pas d'expliquer facilement comment une étoile peut perdre autant de matière, et si rapidement, pour que sa couche riche en silicium se retrouve ainsi exposée. Les auteurs estiment qu'une masse environ trois fois supérieure à celle du Soleil aurait dû être expulsée pour créer la coquille observée. Cela suggère donc que certaines étoiles subissent des épisodes de perte de masse extrême au cours de leurs dernières années ou décennies, par le biais de mécanismes qu’on ne comprend pas encore.Il existe plusieurs explications possibles. Les étoiles peuvent subir de violentes pulsations vers la fin de leur vie, ce qui aurait pu éjecter les couches externes de 2021ysj. Alternativement, si l'étoile avait fait partie d'un système binaire, les interactions gravitationnelles auraient pu arracher la matière externe.
Cette découverte offre une fenêtre sans précédent sur les noyaux stellaires. Bien que la couche expulsée soit principalement composée de silicium et de soufre, les chercheurs ont également trouvé des traces de petites quantités d'hélium. Et ça c’est encore plus déroutant, car les modèles théoriques ne prédisent pas que ces éléments devraient coexister dans la même couche stellaire. Cela pourrait indiquer qu'un certain mélange s'est produit.
Une chose est sûre, c'est que de tels événements sont rares. Les auteurs estiment qu'au maximum, une supernova qui ressemble à SN 2021yfj sur le plan spectroscopique doit se produire une fois pour mille supernovas dont les couches externes sont dépourvues d'hydrogène ou d'hydrogène et d'hélium. Il devrait donc être difficile d'observer de tels événements à l'avenir.
La découverte de la supernova 2021yfj avec des observations au bon moment ont permis de confirmer des prédictions vieilles de plusieurs décennies, mais ont simultanément relevé un processus mystérieux entourant la fin de vie des étoiles massives.
Source
Extremely stripped supernova reveals a silicon and sulfur formation site
Steve Schulze et al.
Nature volume 644, pages634–639 (20 August 2025)
https://doi.org/10.1038/





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