29/05/11

Parmi les chouettes, ép. 4

La lune ayant enfin eu le bon goût de jouer à l'adolescente, c'est à dire se lever taaaaard, et le ciel ayant retrouvé des caractéristiques optimales suite à une semaine caniculaire, turbulence très faible, vent presque nul, transparence merveilleuse (mvlon proche de 6), le temps était revenu de retourner dans notre garrigue préférée hier soir (quelque part entre Mirabeau et Grambois).

Il faisait encore 23° à 22h quand je positionnai mon ami Dobson dans ses supports polystyrènes demi-cylindriques sur la banquette arrière.
Un quart d'heure de route, vitres grandes ouvertes, histoire de mettre en température sans attendre, un quart d'heure d'observation gagné, c'est toujours ça.

Nous commençons notre voyage qui nous mènera du Lion au Scorpion, par une des plus jolies étoiles doubles, celle-ci est situé dans le Lion, vous aurez sans doute reconnu Algieba, qui me montre deux composantes d'un beau jaune l'une comme l'autre. Cette étoile à la particularité d'être le point d'origine (le radiant) d'une pluie de météores, les Léonides... aah, mais c'est pas en ce moment, c'est plutôt en novembre.
Descendons maintenant en traversant le ventre du sphynx. Nous nous allons en direction d'un trio galactique, parfois appelé le "triplet du Lion", comme c'est original. Nous sommes ici en présence de trois belles spirales, qui ne sont séparées que par quelques dixièmes de degrés... M65, M66 (très proches) et NGC 3628 (un peu plus loin et vue par la tranche). Je voulais faire le petit test de savoir si les trois tiendraient dans le champ de mon Nagler 13 (92X). Je confirme donc, la vision de ce trio très agréable à regarder est parfaite, avec les deux Messier en haut et 3628 tout en bas du champ, mais bien dedans. Du coup, ça permet de regarder au centre et d'apprécier ces trois spirales en décalé en même temps. Magnifique.

Nous quittons maintenant le Lion pour se rapprocher de l'horizon Sud et passer du côté de la Vierge. Saturne et en ce moment au plus près de Porrima, et nous allons guetter ce rendez-vous. Au 25 mm c'est déjà beau, au 13 mm c'est encore plus chouette. Cette Porrima un peu bleuté qui semble surveiller ce Saturne doré à quelques encablures à peine... Encore quelques semaines avant une séparation douloureuse (pour nous surtout).



Restons un moment dans la constellation de la Vierge en remontant un peu vers le Nord. L'endroit magique à trouver se situe entre Denebola du Lion et Vindemiatrix de la Vierge. Nous nous y étions déjà perdus lors d'un précédent épisode un peu fameux. Mais cette fois-ci, j'ai un but précis : le monstre M87. M87 est une galaxie elliptique qui est énoooooooorme, et surtout qui renferne en son centre un trou noir encore plus énooooooorme : plus de 6 milliards de masses solaires, imaginez...
Bon, pour arriver à M87, il faut se frayer un chemin entre les galaxies, c'est que c'est touffu par là, dedieu. Ca fourmille de spirales dans tous les sens, d'elliptiques, ça virevolte, ça jongle...

Pour se repérer, il est nécessaire de prendre un point de repère, et notre point de repère, ça sera un petit astérisme de trois étoiles qui se trouve presque exactement à mi-chemin sur le segment Vindemiatrix - Denebola.


Dans le prolongement de ces trois étoiles qui ne sont pas figurées dans le PSA (page 45), on trouve naturellement le couple spiraloïde M84-M86. M87 n'est plus loin, on peut revenir à l’astérisme et suivre l'étoile du centre qui forme le sommet d'un triangle très aplati.

M87 est gros, c'est un monstre, très elliptique, sans aucune structure spiralesque... Je reviens à mon repère triostellaire pour remonter ensuite vers M88 puis je saute vers M91, M90, M89, M58, M59, M60... Au passage, j'attrape au vol plein de petites dont je n'ai pas noté le nom, dans mon champ de vue de Nag13, je vois à un moment donné 6, peut-être 7 galaxies ... Cet amas de la Vierge est vraiment somptueux.

Hop, quittons la Vierge et son amas pour la Chevelure de Bérénice et son oeil noir. L'oeil noir, ce n'est autre que la galaxie du même nom, cataloguée 64 par Messier ou 4826 dans le NGC... Mais avant de monter vers M64, faisons un petit arrêt à côté de alpha Com, l'étoile principale de cette petite constellation. Car tout juste à côté de cette étoile se trouve un amas globulaire du nom de M53. Petit et assez diffus, M53 ne supporte pas la comparaison avec M13 ou M5, comme nous le verrons par la suite. Il faut dire qu'il est bien loin de nous cet amas, dans les 60 000 années lumière, ce qui explique sa taille apparente...

Après une bonne pause café- petits gâteaux pour se réchauffer (oui, ce n'est parce qu'il fait 32° dans la journée que les nuits sont forcément chaudes ici), nous retournons donc une dernière fois dans le monde galactique et le fameux oeil noir. Je dois avouer que j'ai un peu de mal à voir l'oeil en question.Cette galaxie montre des irrégularités, certes, mais de là à affirmer voir un œil, je n'irai pas jusque là.

Allez, on va finir la soirée dans le monde globulaire. C'est écrit sur ma feuille de route. Pour ça, on file en traversant de part en part le gros Bouvier, sans s'y arrêter, direction Hercule, pour y voir le maître globulaire par excellence, bien sûr M13. C'est évident, on ne compare pas M13 avec M53, ce serait indescent pour le cinquante troisième. Mon petit plaisir avec M13, c'est de troquer le Nag13 pour son petit frère Nag3.5. Grossi plus de 300 fois, on plonge littéralement dans une nuée d'étoiles emplissant l'oculaire, on pourrait s'y noyer de bonheur.

Mais il faut refaire surface, nous avons d'autres globulaires au programme, cependant. Nous nous dirigeons vers la constellation de la tête du Serpent, un peu plus bas vers l'horizon. Les oiseaux piaillent au loin, ça dort pas les oiseaux diurnes ?

C'est M5 qui est notre cible dans la tête du serpent. Facile à trouver grâce à mon ami Telrad. Belle composition pour cet amas, qui pourrait bien tenir la comparaison avec M13, vraiment.

On tourne légèrement maintenant en direction d'Ophiuchus, le voyage n'est pas fini, nous avons trois amas globulaires à visiter dans ce serpentaire. Des voisins de catalogue : d'abord M12, puis M10 et enfin M14.  M12 et M10 sont plus modestes que M13 et M5, ils sont très semblables et très proches aussi, je me demandais d'ailleurs si je n'étais pas revenu sur M12 en voyant M10. La fatigue. Ils sont juste très ressemblant. Granuleux comme il faut, de taille réduite mais sympathique.
En revanche, M14... qu'est ce que c'est que cette boule diffuse sans granularité ? Je demande remboursement. Pas beau, M14.

Bien évidemment, il est hors de question de rester sur une impression globulaire médiocre, et ça tombe bien puisque nous avons un dernier amas globulaire au programme, dans une dernière constellation, la septième de la soirée, c'est dans le Scorpion que nous allons, et la recherche de M4 est on ne peut plus facile, à réserver pour les fins de sortie en quelques sortes. Il suffit de pointer la rouge-verte-rouge Antarès et on arrive à notre destination finale. M4 est à quelques encablures de là. Il est assez peu contrasté mais vaut son prix. On découvre de nombreuses étoiles dans un beau piqué, malgré la hauteur assez basse sur l'horizon, qui ne facilite pas les choses.

Arrivé au terme de notre périple, je dois évoquer un phénomène inquiétant. J'ai le plus souvent utilisé mon Nagler 13 mm ce soir, soit un champ de vue de 82° grossi 92 fois, c'est à dire un champ réel de 0.89° sur le ciel.
D'après vous, quelle est la probabilité pour voir passer un satellite artificiel dans ce champ qui représente 0.62 degrés carrés sur un ciel qui fait 25400 degrés carrés (à la louche). Le rapport des surfaces angulaires est égal à 1/41000 environ.... Et bien en une seule soirée de 4 heures, ça m'est arrivé 4 fois ! J'ai été pollué visuellement 4 fois par des objets artificiels dans mon champ!
 Je crois que je commence à mesurer l'ampleur de cette pollution. C'est tout à fait inquiétant. Plus inquiétant est de se rendre compte du nombre de trucs en tous genres qui nous tournent autour à quelques centaines de kilomètres à peine et qui peuvent retomber à peu près n'importe comment et n'importe où, et surtout venir nous polluer nos observations.
En même temps, je ne suis pas le plus à plaindre, je ne fais pas de photo, mais je me mets à la place du photographe qui fait une longue pose et qui retrouve un cliché complètement barré....

Il était 2h15 quand j'ai remballé Dobby, à la fois heureux et inquiet, un bon goût de café en bouche et les yeux un peu globuleux, il faut bien l'avouer...

Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

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