Ce que vous voyez sur cette image, vous ne pourriez pas le voir avec vos yeux. Non pas que ce serait trop faible, mais il s'agit de rayons X. Cette image composite a été reconstruite à partir d'une image optique (les étoiles, en blanc) et d'images en rayons X obtenues avec le télescope Chandra (la structure au centre).
Cette "structure" visible en rayons X est le résidu d'une supernova qui se trouve dans notre galaxie, à seulement 28000 années-lumière.
G1.9+0.3 (X-ray: NASA/CXC/NCSU; Optique: DSS) |
Il faut savoir que les supernovae qui ont lieu dans notre propre galaxie sont très rares. Leur nombre est en moyenne de seulement deux par siècle. Celle-ci a explosé il y a environ 100 ans et c'est la plus récente connue dans notre galaxie. Elle aurait pu être visible par les astronomes de l'époque, si seulement elle n'avait pas été enfouie dans des nuages de gaz et de poussière...
Aujourd'hui, 100 ans plus tard, nous pouvons observer ses résidus, de la matière en expansion rapide formant une sorte de cocon, qui émet des quantités considérables de rayons X de différentes énergies.
Le télescope Chandra X-Ray Observatory, lancé en juillet 1999, est dédié exclusivement à l'observation du ciel en rayons X. C'est avec cet outil incomparable que l'équipe d'astrophysiciens américains à l'origine de cette image, a observé durant une très longue pose ( plus de 11 jours au total) ces débris, qui sont appelés G1.9+0.3.
Et ce qu'ils découvrent est non seulement beau visuellement, mais aussi étonnant de point de vue astrophysique. En effet, ils montrent que la plus grande partie de l'émission X est ce qu'on appelle du rayonnement synchrotron, rayonnement produit par des électrons qui sont accélérés à de très grandes vitesses par l'onde de choc de l'explosion.
Cette donnée fournit de précieux renseignement sur la nature des rayons cosmiques produits lors des supernovae.
Mais, en plus, les auteurs de cette étude montrent qu'une partie importante des rayons X du résidu est produite par les éléments produits dans la supernova elle-même, ce qui permet d'en savoir beaucoup plus sur la nature de l'explosion.
Vue d'artiste du télescope CHANDRA (NASA) |
Normalement, la plupart des supernovae de type Ia comme celle-ci explosent de manière symétrique (avec des débris répartis uniformément sur une sphère). Mais ici, rien de tel. G1.9+0.3 montre une forme au contraire extrêmement asymétrique, avec la plus forte émission X venant des éléments comme le silicium, le soufre et le fer, très localisée dans la partie Nord du résidu.
Les astronomes observent en outre une autre étrangeté : alors qu'on s'attend classiquement à trouver du fer en provenance du centre et se déplaçant relativement lentement, on le trouve ici (grâce à l'analyse des rayons X que vous voyez sur cette image) très loin du centre et avec une vitesse très élevée (6 millions de km/h, excusez du peu...).
Ces caractéristiques bizarres font dire aux astrophysiciens que c'est cette explosion qui devait être très particulière... Elle aurait été elle-même très "non-uniforme" et très énergétique. C'est ensuite en faisant des simulations que les chercheurs parviennent à trouver des indices concordants sur les mécanismes qui ont du être à l'oeuvre. Ils estiment que le plus probable est que l'explosion s'est déroulée en deux phases : tout d'abord des réactions de fusion nucléaire ont lieu au fur et à mesure de l'avancée de l'onde de choc dans l'étoile formant les éléments jusqu'au fer. L'énergie de ces réactions fait se dilater l'étoile, sa densité devient plus faible, ce qui permet alors une nouvelle détonation beaucoup plus rapide que la précédente et la production de nouvelles réactions de fusion nucléaire.
La prochaine étape va consister à vérifier l'asymétrie de l'explosion en essayant de mesurer le taux d'expansion des débris dans des zones différentes, ce que devrait pouvoir fournir Chandra associé à des radiotélescopes comme le Karl Jansky Very Large Array.
L'analyse fine des rayons X observés par Chandra permet ainsi de comprendre comment s'est déroulé une explosion d'étoile que personne n'a vu et qui s'est passé il y a près de cent ans.
Source :
K. Borkowski et al.
The Astrophysical Journal Letters. July 1, 2013
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