10/07/14

Les Grains de Poussière des Supernovae

Les grains de poussière jouent un rôle fondamental dans l’évolution des galaxies. Ils contribuent à la formation des étoiles et fournissent le matériau essentiel pour la formation des planètes telluriques et de tout ce qui se trouve dessus. 


Mais l’origine des poussières reste un sujet délicat. Il n’est toujours pas très clair si elles proviennent bien d’explosions d’étoiles massives (supernovae). Certains modèles indiquent que les grains de poussières préexistants à l’explosion doivent être littéralement soufflés ou détruits lors de l’expulsion violente de gaz accompagnant la supernova. Mais des observations indirectes, d’autre part, ont montré l’existence de grandes quantités de poussières dans des galaxies éloignées comme proches, suggérant que, ou bien les supernovae produisent vraiment beaucoup beaucoup de poussières, ou bien la destruction de ces poussières est très inefficace.

SN 200jl dans sa galaxie (NASA/Chandra)
Une équipe d’astrophysiciens majoritairement danois s’est penchée sur cette question et publie son étude dans Nature cette semaine. Les chercheurs se sont intéressés à la poussière entourant une supernova découverte en 2010, dénommée SN2010jl. Leurs observations tendent à indiquer que les deux phénomènes seraient vrais : les supernovae produisent énormément de poussière et ne parviennent pas à la détruire…
Christa Gall et ses collègues ont vérifié l’absorption de la lumière émise par la poussière par des débris de la supernova en mouvement vers nous, ainsi qu'observé l’émission infra-rouge de cette poussière.
Avec le Very Large Telescope situé au Chili, l'équipe a pu observé la supernova au cours du temps sur dix époques, à partir du 26ème jour après l'explosion. Ils trouvent une belle évidence que des grains de poussière se sont formés dans la coquille dense qui se situe juste derrière l'onde de choc en expansion de la supernova. Et ce qu'ils ont trouvé de surprenant, c'est qu'au jour 868 après l'explosion, la quantité de poussière a augmenté considérablement. La masse totale de poussière est de l'ordre de 830 fois la masse de la Terre.
Mais il y a mieux : les astrophysiciens menés par Christa Gall ont exploité la courbe d'extinction de la lumière par ces grains de poussière pour en déduire leur composition et surtout leur taille, et c'est là qu'arrive la surprise! Leur composition n'est pas surprenante, il s'agit surtout de grains composés de carbone, mais leur taille est une vraie surprise. Ces grains de poussière sont énormes par rapport à ce qu'on connait dans notre galaxie. Dans notre galaxie, afin de reproduire les courbes d'extinction de la poussière, on doit déduire que les grains de poussière font environ 0,25 microns de rayon; dans SN2010jl, les grains de poussière doivent faire entre 1 µm et 4,2 µm ! 
Certes, ce n'est pas la première fois que des astronomes rencontrent des grains de poussière aussi gros, on peut citer la sonde Ulysses qui avait détecté des grains de plus de 2 microns dans notre système solaire et des grains de 6 µm sont déjà parvenus dans la haute atmosphère de la Terre.
Il faut avoir en tête qu'il y a plusieurs dizaines de milliards d'atomes dans un grain de 1 µm.
Ces gros grains de poussière autour d'une supernova lointaine nous prouvent non seulement que cette poussière est produite au cours de l'explosion, mais aussi que cette poussière est difficilement détruite par le phénomène explosif et l'environnement dur associé. C'est en fait leur grande taille qui rend ces grains résistants. En effet, un grain de quelques microns est bien moins vulnérable à des collisions de particules plus petites à très haute vitesse que ne l'est un grain d'une fraction de micromètre.

Il existe une autre supernova, beaucoup plus proche de nous, dans le grand nuage de Magellan, petite galaxie satellite de la nôtre, qui pourrait être un superbe laboratoire pour étudier les interactions de la supernova avec la poussière. SN1987A pourrait donner aux astronomes une belle opportunité d'observer ce qui se passe quand des débris de l'explosion en mouvement rapide viennent percuter un anneau de poussière produit auparavant par l'étoile progénitrice de la supernova. Les débris de SN1987A se meuvent à 2000 km/s dans notre direction et devraient bientôt atteindre le nuage situé à environ 150000 années-lumière de nous.
Les chercheurs vont pouvoir observer ce qui se passe en direct grâce au réseau ALMA. La formation et la destruction de poussière vont pouvoir être observées de très près et si il se confirme que de telles ondes de choc sont moins destructrices pour la poussière, on commencera enfin à comprendre pourquoi il existe de telles masses de poussières dans les galaxies.


Référence :
Rapid formation of large dust grains in the luminous supernova 2010jl
Christa Gall et al.
Nature (2014) Published online 09 July 2014

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