Longtemps vu comme l’une des
régions les plus calmes de toutes les planètes géantes gazeuses, l’hémisphère Sud
d’Uranus se révèle en fait être le lieu de nombreux phénomènes atmosphériques
jamais vus auparavant, indiquant l’existence de processus inhabituels dans les
couches internes de la planète.
Visualisation d'Uranus avec ses anneaux et ses satellites... et ses nuages au pôle Sud, en fausses couleurs (University of Arizona) |
C’est en réanalysant des images
d’Uranus prises il y a 28 ans par la sonde Voyager 2, que l’astronome américain
Erich Karkoschka, de l’université d’Arizona, a réussi à mettre en évidence des
structures jusque-là invisibles, qui révèlent des structures de rotation
étranges et inattendues. Cette découverte jette un regard nouveau sur les
structures internes des planètes gazeuses géantes, non seulement sur le cas
particulier d’Uranus mais valable aussi pour tout type de planète ou exoplanète
gazeuse.
Lorsque Voyager-2 survola Uranus en janvier 1986, les images qu’elle nous envoya montrèrent un disque bleu pâle, sur lequel aucun détail ne pouvait être distingué, a contrario des images fabuleuses obtenues sur Jupiter ou Saturne et plus tard Neptune. On n’y voyait pas plus de 8 structures très faibles, toutes situées dans l’hémisphère sud. Et parmi ces structures atmosphériques, une seule était localisée dans la moitié la plus australe de l’hémisphère sud. Et ni le télescope Hubble ni d’autres télescopes ne permirent de déceler d’autres détails sur Uranus… La moitié la plus au sud de l’hémisphère sud d’Uranus semblait être la zone la plus calme de tout le système solaire.
Les travaux que Erich Karkoschka
a présentés cette semaine lors de la réunion de l’American Astronomical Association à Tucson au Texas ont été
obtenus grâce à l’analyse très fine, par de nouveaux algorithmes de
reconnaissance de forme, des images de Voyager-2. Il a pu ainsi découvrir des
dizaines de petites structures nuageuses qui avaient un contraste extrêmement
faible. Erich Karkoscka avait connu un succès semblable lorsqu’il avait
réanalysé les images du voisinage d’Uranus 13 ans après le passage de Voyager-2
et avait découvert un nouveau satellite, Perdita. Le planétologue s’amuse en
précisant que la mémoire d’ordinateur nécessaire pour traiter les 1600 images
d’Uranus n’était pas disponible à l’époque la mission et ne pouvait même pas
être imaginée. Aujourd’hui, ces travaux peuvent être menés pour une fraction
infime du coût d’une mission spatiale.
Uranus imagée par Voyager-2 en 1986 (NASA) |
Après ces traitements d’images élaborés
où le contraste a dû être réhaussé d’un facteur 300 par rapport à l’original,
on parvient à voir nettement ce qui ressemble à des nuages convectifs qui
seraient causés par des phénomènes de condensation. Certaines structures
ressemblent à des nuages qui s’étendent sur plusieurs centaines de kilomètres.
Mais c’est la rotation de l’ensemble qui est très étonnante. Les mouvements des
nuages, qui suivent les vents, se développent soit vers l’Est, soit vers
l’Ouest avec une vitesse qui dépend de la latitude. Et connaître la période de
rotation à chaque latitude permet alors de connaître toute la circulation
atmosphérique de la planète.
C’est à Giovanni Cassini que l’on
doit les premières mesures de rotation d’une planète géante, lorsqu’il suivit
le mouvement de la Grande Tache Rouge sur Jupiter en 1665. Depuis lors, les
astronomes ont pu déterminer la totalité des structures rotationnelles de
Jupiter et Saturne, mais seulement 75% pour Uranus et Neptune. Grâce à Karkoschka,
on peut désormais monter le pourcentage d’Uranus à 100%.
Le phénomène étonnant qui est mis
en évidence par Karkoschka, c’est que la rotation d’Uranus paraît asymétrique,
alors que toutes les autres planètes ont une rotation identique dans leurs deux
hémisphères. Ce n’est pas le cas sur Uranus : les latitudes Sud ont une
rotation 15% plus rapide que les latitudes Nord…
Ce résultat défie bien sûr toutes
les théories sur les atmosphères de planètes gazeuses. Erich Karkoschka
précise : « La rotation
inhabituelle des hautes latitudes australes d’Uranus est certainement due à une
structure inhabituelle à l’intérieur d’Uranus. Bien que la nature de cette
structure et son interaction avec l’atmosphère ne sont pas encore connues, l’observation de cette rotation
anormale laisse présager que l’on peut apprendre des choses sur l’intérieur des
planètes gazeuses par ce moyen. »
Credit : Erich Karkoschka/University of Arizona
Sonder l’intérieur des planètes gazeuses est un réel challenge. Peu de données existent aujourd’hui. Les rares techniques qui permettent d’obtenir quelques informations sont des observations d’ondes radio, qui ont mis en évidence la rotation du champ magnétique, qui traduit probablement une rotation de leur cœur interne. D’autres mesures ont essayé d’exploiter les champs gravitationnels, mais sans résultats très probants. Les mesures de rotation atmosphériques telles que celles de Karkoschka pourrait donc permettre d’avancer en améliorant les modèles.
Il faut se rappeler aussi
qu’Uranus n’est pas tout à fait comme les autres planètes du système
solaire : son axe de rotation est renversé presque à 90° par rapport à
l’orthogonale au plan de l’écliptique. Cela signifie que chacun de ces pôles
pointe directement vers le soleil durant plusieurs dizaines d’années, la
période d’Uranus autour du Soleil étant de 85 ans. Le pôle Sud d’Uranus est
ainsi entré en 2007 dans une longue nuit de 43 ans, désormais invisible depuis
la Terre, en attendant la prochaine sonde spatiale…
Source :
University of Arizona
University of Arizona
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