jeudi 28 mai 2015

L'écume de l'espace-temps un peu mieux cernée

La nature profonde de l'espace-temps, aux plus petites échelles, est toujours une inconnue. Il serait tentant de penser que l'espace-temps devient quantique comme la matière lorsque les distances deviennent proches de l'échelle de Planck, ce qui pourrait former une sorte d'écume quantique où l'espace-temps serait agité de fluctuations incessantes, un terme introduit par John Wheeler en 1963 et depuis lors sujet de nombreuses théories de gravitation quantique...


Aujourd'hui, aux plus petites échelles que l'on puisse observer, l'espace-temps nous apparaît totalement homogène, sans aucune structure. L'écume quantique pourrait exister à des échelles vraiment très très petites. On peut se représenter le concept aisément en imaginant que l'on survole un océan à haute altitude, il a l'air totalement plat, sans remous, et plus on descend en altitude, plus on voit apparaître des vagues, des fluctuations, puis toujours plus près, de l'écume, puis des bulles, dans un bouillonnement constant. 
Pour l'espace-temps, les dimensions en jeu sont de l'ordre d'un dix milliardième du diamètre d'un proton...

Vue d'artiste de l'écume de l'espace-temps (NASA/CXC/M.Weiss)
Pour essayer de cerner si l'espace-temps ressemble bien à cette image, des expériences sont possibles, et c'est à très grande échelle que cela se passe, grâce à l'observation d'objets astrophysiques très lointains qu'on appelle des quasars. 
Une équipe de chercheurs est parvenue à fixer des limites sur les propriétés d'une éventuelle écume quantique de l'espace-temps en étudiant le rayonnement X et gamma provenant de quasars avec pas moins de deux télescopes spatiaux (Chandra pour les rayons X et Fermi pour les rayons gamma) et un réseau de télescopes terrestres, VERITAS (Very Energetic Radiation Imaging Telescope Array) constitué de 4 réflecteurs de 12 m installé en Arizona, qui traque la lumière Cherenkov produite par les photons gamma dans l'atmosphère et qui complète Fermi à merveille. 

En effet, si l'espace-temps possède cette structure d'écume, il doit exister une limite sur la précision avec laquelle nous pouvons mesurer des distances, du fait que la lumière traverserait des "bulles" d'espace-temps aux dimensions fluctuantes. Et quand la lumière fait un très long voyage de plusieurs milliards d'années-lumière, ces incertitudes doivent s'accumuler le long du trajet et finalement pouvoir être mesurées. Différents modèles d'espace-temps doivent alors donner différentes valeurs de l'incertitude sur la distance parcourue par un photon.

On comprend aisément pourquoi les astrophysiciens se sont intéressés aux quasars pour faire cette étude : plus le trajet de la lumière est long, plus l'effet peut être facilement observable. Les quasars, ces noyaux de galaxies très actifs sont parmi les objets visibles les plus lointains, pouvant atteindre 10 milliards d'années-lumière. 
Selon les modèles d'écume d'espace-temps utilisés, l'image des quasars pourrait être complètement brouillée, voire devenir indétectable à partir d'une certaine longueur d'onde, lorsque la fluctuation d'espace atteint la longueur d'onde qui se propage.

Le réseau de télescope Cherenkov VERITAS (VERITAS/Univerity of Arizona)
Ce qu'ont réussi à démontrer l'équipe américaine grâce à leurs observations de quasars situés à plusieurs milliards d'années-lumière, c'est qu'un certain modèle d'écume quantique peut être tout de suite rejeté, le modèle caractérisé par le paramètre alpha=1/2, qui stipule que les photons de lumière diffusent aléatoirement dans l'écume spatio-temporelle un peu à la manière de ce que fait la lumière dans un brouillard.
Et les astrophysiciens arrivent également à montrer qu'un deuxième modèle, appelé le modèle holographique, qui est appelé ainsi car il est compatible avec les modèles d'univers dits "holographiques", et caractérisé par le paramètre alpha=2/3, peut également être rejeté. Ce modèle avait notamment pour caractéristique que la lumière devait moins diffuser que dans le premier modèle d'écume quantique. Mais le rejet de ce second modèle en alpha =2/3 a une portée plus grande, car ce modèle d'écume quantique est relié au fait qu'un effondrement gravitationnel (un trou noir) est censé produire un horizon apparent et non pas un horizon des événements.
Le rejet observationnel du modèle d'écume en alpha =2/3 peut alors être interprété, selon les auteurs, comme une première preuve indirecte de l'affirmation qu'avait faite le physicien anglais Stephen Hawking en 2014, qu'un effondrement gravitationnel ne produit pas nécessairement un horizon des événements.

En termes plus concrets, Eric Perlman et son équipe permettent au final d'affirmer que l'espace-temps est homogène jusqu'à des distances d'au moins un millième du diamètre d'un proton. L'exclusion de modèles quantiques de l'espace-temps n'en est qu'à ces débuts...


Source : 
New Constraints on Quantum Gravity from X-ray and Gamma-Ray Observations
Eric S. Perlman et al.
The Astrophysical Journal 805 10 (May 20th) 


2 commentaires :

Anonyme a dit…

Juste de passage... Votre blog a l'air intéressant. Dommage qu'il ait peu de commentaires...
Je me permets de commenter le titre 'L'espace-temps mieux cerné' A mon avis, on est très loin du compte... En effet, nous ne connaissons que très peu sur l'univers en général, et l'espace-temps en particulier... Nos observations et calculs sont tous très relatifs, ils dépendent et sont en fonction de qui nous sommes et où nous sommes... Ceci est la raison principale pour laquelle nous rencontrons des limites infranchissables telles que le mur de Planck,la vitesse de la lumière, l'avant Big Bang - et que nos calculs finissent souvent en paradoxes... Prenons pour exemple l'une de nos constantes, la plus connue : la vitesse de la lumière... La vitesse mesurée par l'Homme n'est que constante dans notre univers spécifique, notre réalité ; une réalité toute relative où toute chose observable bouge et change l'une par rapport à l'autre... Il n'existe aucun point de référence, aucun repère, rien n'est fixe... la valeur calculée de la vitesse de la lumière risque de n'être uniquement valable que dans le cadre très spécifique d'une réalité humaine - cad dans l'univers particulier de l'homme... D'autres "univers" particuliers existent (l'univers quantique...) dont nous pouvons soupçonner l'existence au sein de l'univers "général", où la vitesse de la lumière (et même la notion de distance) n'existe pas ou a d'autres valeurs.... Bien que nous pourrions découvrir l'existence de certains de ces univers particuliers à cause de l'influence qu'ils ont sur les nôtres (énergie noire, effets quantiques, etc.), nous ne saurons jamais vraiment les atteindre ou les définir à partir de notre univers spécifique... C'est un peu comme vouloir comprendre le chinois à partir et en connaissant uniquement le français : c'est impossible...

Anonyme a dit…

Le blog est pas mal effectivement, mais a notre stade nous ne savons que 10% sur l'univers les 90% autre pourcents étant la matière noir et l'énergie noir donc a notre stade les choses que nous pouvons affirmer ne sont que affirmative. Nous ne sommes même pas encore une civilisation de niveau I donc rien n'est sûr.