16/07/15

Intense émission de rayonnement gamma en provenance d'un blazar il y a 1 mois

Entre le 14 et le 18 juin dernier, vous, moi, nous tous, avons été bombardés par une intense source de rayons gamma éloignée de 5 milliards d'années-lumière. C'était la source de rayons gamma la plus intense jamais observée depuis que nous possédons des instruments pouvant les mesurer.



Représentation de l'arrivée des photons gamma de 3C 279 dans le détecteur de
Fermi-LAT entre le 14 et le 18 juin 2015. L'énergie des photons gamma est
 figurée par la taille des cercles et leur couleur, du blanc au violet, de la plus
faible à la plus haute énergie (NASA/DOE/Fermi-LAT collaboration)
Cette pluie de rayons gamma de haute énergie est venue d'une galaxie active déjà connue : 3C 279. Les chercheurs ont pu avoir le temps d'étudier la source pendant qu'elle était encore brillante, son intensité a augmenté brutalement le 14 juin, pour atteindre son maximum le 16 puis a décru lentement pour disparaître tout à fait le 18 juin. 

Il aura fallu à peine un mois aux astrophysiciens pour qu'ils trouvent une explication à cette brutale émission de rayonnement gamma. 3C 279 est une galaxie active, c'est à dire que son trou noir supermassif est en train de grossir en avalant de la matière. Se faisant, le disque d'accrétion de la matière qui lui tourne autour s'échauffe à des températures extrêmes et produit des rayons X. Mais un tel trou noir supermassif entouré par un disque de matière émet également des jets de matière le long de son axe de rotation de part et d'autre de ses pôles. Et ces jets de matière projetés à des vitesses relativistes sont le lieu idéal pour la production et la montée en énergie de photons gamma. 

3C 279 est ce qu'on appelle un quasar, une galaxie très brillante. Mais c'est aussi ce qu'on appelle un blazar. Un blazar est un quasar qui est extrêmement lumineux. Les chercheurs ont maintenant compris que galaxie à noyau actif, quasar et blazar étaient en fait la même chose. La seule différence entre ces trois variantes est juste l'angle de vue sous lequel on voit le noyau de la galaxie active.
Le ciel en rayons gamma imagé par Fermi-LAT entre le 11 juin et le 17 juin 2015,
 énergie comprise entre 100 MeV et 100 GeV (projection stéréographique)
 (NASA/DOE/Fermi-LAT)
Alors qu'un "noyau actif", caractérisé par une forte luminosité dans le visible et en radio correspond à la galaxie vue de 3/4, le quasar, caractérisé par une forte émission X, serait la galaxie vue par la tranche, et enfin, le blazar, plus rare et caractérisé par une énorme luminosité variable et des bouffées de rayons gamma, serait la galaxie vue exactement dans l'axe de rotation du trou noir (et de la galaxie). L'émission du blazar n'est donc rien d'autre que le jet de matière et de rayonnement du trou noir supermassif, et c'est ce que nous avons reçu sur la tête durant 4 jours à la mi-juin.

C'est le satellite italien AGILE qui le premier a détecté l'éruption gamma, très vite suivi par le télescope Fermi-LAT de la NASA. Puis le télescope Swift à continué la poursuite pendant que le satellite européen INTEGRAL se mettait en branle pour lui aussi prendre de précieuses données sur cette éruption surpuissante. Puis ce fut le tour de télescopes terrestres de se joindre à cette fête qu'il ne fallait manquer sous aucun prétexte.
Le photon gamma le plus énergétique détecté au cours de ces 4 jours avait une énergie de près de 52 GeV (c'est 4 fois plus que l'énergie maximale produite au LHC pour donner un ordre de grandeur). L'éruption gamma de 3C 279 a eu une intensité 4 fois plus grande que l'intensité gamma du pulsar de Vela, qui est pourtant la source gamma permanente la plus intense observée (et située à 1000 années-lumière, soit 5 millions de fois plus près de nous que 3C 279...).

En fait 3C 279 n'en est pas à son coup d'essai. Il était déjà connu des spécialistes, car il détenait déjà un petit record : celui de la source gamma la plus intense et lointaine détectée. C'était en 1991 et un télescope gamma (Compton Gamma Ray Observatory) venait tout juste d'être lancé par la NASA. La détection eut lieu miraculeusement quelques jours seulement après la mise en service du télescope et put être suivie durant une dizaine de jours.

Les astronomes pensent qu'un changement brutal dans le jet du trou noir de 3C 279 a dû être à l'origine de cette éruption gamma impressionnante du mois dernier, mais ils n'ont encore aucune idée de ce qui a pu le provoquer. Les données recueillies par nos meilleurs télescopes et détecteurs sont bien plus fournies qu'en 1991 et devraient donner aux astrophysiciens pas mal de travail dans les semaines et mois qui viennent. La zone du ciel où se situe 3C 279 va désormais être surveillée comme le lait sur le feu...


Source : 
communiqué NASA

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