vendredi 23 octobre 2015

Quand deux étoiles sont si grosses qu'elles se touchent

Ce couple d'étoiles hors norme est appelé VFTS 352. Il est hors norme car ces deux étoiles sont massives, très chaudes, très grosses, et se tournent l'une autour de l'autre si près qu'elles se touchent et échangent leur matière. Un tel système d'étoiles est appelé dans le jargon astronomique une binaire en surcontact.



Vue d'artiste de VFTS 352 (ESO/L. Calçada)
Les binaires en surcontact sont extrêmement rares à observer, ce qui s'explique par leur durée de vie relativement courte. Les deux étoiles de VFTS 352 éloignée de nous de 160000 années-lumière, ne sont distantes entre elles (entre leurs centres respectifs) que de 12 millions de kilomètres, soit environ 5 fois moins que la distance séparant le Soleil de Mercure. Ce spécimen est exceptionnel à plus d'un titre : il s'agit de la binaire en surcontact la plus massive jamais trouvée, mais aussi la plus chaude. Et chose étonnante, les deux étoiles sont quasi identiques, en terme de masse (28,6 et 28,8 masses solaires) et de température (42500 et 41100 K).
Cette double étoile a été découverte par une équipe internationale menée par un astronome brésilien grâce au Very Large Telescope de l'ESO.
Ils ont pu observer la période orbitale des deux monstres qui ne vaut qu'environ 1 jour ! (on peut rappeler à titre de comparaison que Mercure met 88 jours pour faire une révolution autour du Soleil). Cette période orbitale permet de déduire leur distance et celle-ci s'avère si proche qu'elle se trouve inférieure au diamètre de chaque protagoniste : les étoiles se touchent via un grand pont de matière. Comme les deux étoiles sont très similaire, on n'est pas ici en présence d'une étoile en train de cannibaliser l'autre comme c'est le cas dans nombre de systèmes binaires ou une petite naine blanche accapare du gaz d'une compagne géante. Ici, les deux étoiles étant identiques, leur gravité est semblable et aucune des deux n'a le dessus sur l'autre.
Ce que Leonardo Almeida et ses collaborateurs démontrent c'est que ce partage de matière entre les deux étoiles produit un mélange d'éléments chimiques de l'une vers l'autre, qui se trouve augmenté par les forces de marées qu'elles produisent l'une sur l'autre. Ils estiment que pas moins de 30% de la matière d'une des deux membres se retrouve partagés avec l'autre. C'est la première fois qu'un tel mélange de matière interne est observé sur de telles étoiles massives.
Comme je le disais, de tels systèmes d'étoiles massives ont une durée de vie courte. Le futur de VFTS 352 n'est pas certain. Il existe de fait deux scénarios possibles selon les chercheurs. Le premier scénario prédit que les étoiles vont continuer à se rapprocher encore d'avantage pour finir par entièrement fusionner. Ce processus serait à l'origine, au passage, d'une longue bouffée de rayons gamma. L'étoile résultante aura une masse environ égale à la somme des deux composantes initiales, soit 57 masses solaires. Mais surtout, cette énorme étoile sera alors dotée d'une vitesse de rotation gigantesque, car récupérant la totalité du moment cinétique qui était celui des deux étoiles se tournant l'une autour de l'autre plus la somme des moments cinétiques propres de chacune des deux étoiles... (pensez à l'image du patineur qui tourne sur lui-même bras écartés puis colle brusque ses bras contre son corps). Le destin d'une étoile de ce type est forcément tragique, elle ne pourrait survivre guère plus de quelques millions d'années et finirait en supernova en s'effondrant à terme gravitationnellement sur elle-même pour former un trou noir.

Nébuleuse de la Tarentule avec la localisation de VFTS 352 (croix rouge au centre)
(ESO/M.-R. Cioni/VISTA Magellanic Cloud survey)
Le seconde scénario envisageable, plus intéressant pour les astrophysiciens, serait que les deux étoiles continuent à se tourner autour sans trop se rapprocher, mais tout en continuant de consommer leur carburant mis en commun, jusqu'à l'épuiser. Comme les deux étoiles ont la même masse et la même composition chimique, on peut penser qu'elles parviendront à peu de chose près à rupture de combustible nucléaire au même moment. Et c'est alors à une double explosion de supernova que l'on assisterait... Etant très massives (plus de 20 masses solaires), il s'agirait toujours de supernovas de type II avec production de trou noir en résidu. Nous serions alors en présence finalement d'un couple de trous noirs qui continueraient à se tourner autour (mais sans se toucher, eux, car étant beaucoup plus compacts). 
Et ces deux trous noirs, même si ils ne se touchent pas au départ, interagiraient fortement entre eux, et commenceraient à spiraler l'un vers l'autre en perdant de l'énergie gravitationnelle par émission d'ondes gravitationnelles, pour finir par fusionner en un unique trou noir dont la masse devrait être assez semblable à celle qui serait obtenue dans le premier scénario.
Le résultat final est le même mais le chemin pour y arriver est différent. Les astrophysiciens préfèrent largement le second scénario, qui permettrait de détecter ces fameuses ondes gravitationnelles prédites par Einstein il y a un siècle et toujours pas détectées directement.
La découverte d'étoiles double extrêmement proches comme cette binaire en surcontact est donc très importante pour les astrophysiciens, qui comptent bien en trouver d'autres encore plus proches de l'explosion ou de la double explosion.


Source : 


Discovery of the Massive Overcontact Binary VFTS 352 : Evidence for Enhanced Internal Mixing 
L. A. Almeida et al.
The Astrophysical Journal, Volume 812, Number 2

2 commentaires :

Youx a dit…

La deuxième hypothèse n'est pas un peu bizarre?

Est-ce que la première supernova ne soufflerait pas les couches extérieures de l'autre étoile?
Ou le premier t.n. goberait-il pas en deux temps trois mouvements la matière de la compagne, les échanges ne se faisant alors que dans un seul sens?

Merci

Dr Eric Simon a dit…

Effectivement, on peut penser qu'au vu de le grande proximité c'est un peu comme si on avait une seule grosse enveloppe qui serait asymétrique...