vendredi 13 octobre 2017

Une observation détaillée de l'autre côté de notre Galaxie


Une région de formation d’étoiles de l’autre côté de notre Galaxie vient d’être observée et sa distance mesurée très précisément pour la première fois. C’est la mesure de parallaxe à la plus grande distance jamais effectuée à ce jour : 66 000 années-lumière. Elle met en lumière comment se distribuent les bras spiraux de notre galaxie.




Les mesures de parallaxe sont fondées sur les mouvements apparents d’objets sur la voûte céleste lorsque la Terre parcours une rotation autour du Soleil. Lorsque l’on connaît le diamètre de l’orbite terrestre, le mouvement apparent de l’objet observé à 6 mois d’intervalle fournit immédiatement sa distance par un simple calcul trigonométrique.  C’est ce qui a donné la définition de l’unité de distance utilisée en astronomie : le parsec, qui correspond à un mouvement apparent de 1 seconde d’arc à 6 mois d’intervalle, et qui est égal à 3,26 années-lumière.
La méthode fonctionne très bien pour les étoiles relativement proches, impliquant des mouvements angulaires pas trop faibles, mais devient de plus en plus délicate à mettre en œuvre lorsque la distance augmente.  Faire de telles mesures sur les étoiles qui se situent de l’autre côté de notre Galaxie par rapport à son centre, c’est-à-dire à plus de 8000 parsecs, devient quasi impossible, non seulement du fait des très petits mouvements angulaires à détecter, mais aussi du fait de la très forte absorption de la lumière, surtout dans le domaine visible, qui est produite par de grandes quantités de gaz et de poussière. L’idée qu’ont eue Alberto Sanna (Max Planck Institut für RadioAstronomie) et son équipe pour tenter cette mesure le plus loin possible à travers notre Galaxie a été d’une part d’observer dans la longueur d’onde qui est la moins absorbée par la matière interstellaire, et d’autre part, d’utiliser un instrument à même de déceler les plus petits mouvements angulaires, donc ayant une excellente résolution spatiale. Ils se sont donc tourné vers l’interférométrie radio à très longue base en privilégiant la longueur d’onde maser de la molécule d’H20 à 22,2 GHz, qui traverse très bien la poussière, et qui se trouve être émise fréquemment dans les zones de formation d’étoiles, des zones que l’on trouve généralement dans les bras des galaxies spirales comme la nôtre.

Le réseau de radiotélescopes qui a été utilisé par les chercheurs est le VLBA américain (Very Long Baseline Array), au sein du projet BeSSeL (Bar and Spiral Structure Legacy). Le but est de mesurer à la fois des parallaxes et des vitesses propres d’étoiles pour cartographier les structures de notre galaxie. Plusieurs centaines de régions de formation d’étoiles émettant dans les longueurs d’onde maser du méthanol et de l’eau ont été observées et le projet s’est récemment focalisé sur les régions les plus éloignées possibles pour localiser les ramifications des bras galactiques distants. Parmi ces sources d’ondes radio à 22,2 GHz, la région dénommée G007.47+00.05 a été scrutée pendant un an entre mars 2014 et mars 2015.
G007.47+00.05 a donc été mesurée à une distance de 20 400 parsecs (66 500 années-lumière) de nous, de l’autre côté du disque galactique, et elle apparaît appartenir au bras spiral Scutum-Centaurus. Ce bras spiral peut ainsi être mieux caractérisé et les astronomes apportent donc la preuve qu’il fait bien presqu’un tour entier de la galaxie.
Alberto Sanna et ses collègues ont également testé une nouvelle méthode de détermination de la vitesse propre des étoiles qui se situent à l’opposé de nous par rapport au centre galactique et qui de ce fait ont une vitesse radiale quasi-nulle, leur vitesse apparaissant orthogonale à la ligne de visée. La détermination de cette vitesse propre permet d’une manière indirecte la détermination de la distance de l’étoile considérée. Concernant G007.47+00.05, les astrophysiciens montrent que la distance qu’ils obtiennent par ce moyen est tout à fait cohérente avec la distance trouvée par la mesure de parallaxe.
Les astronomes ont produit les premières cartographies de la Voie Lactée dans les années 1950, en détectant les émissions de nuages de gaz. Leurs vitesses permettaient de déduire leur distance par rapport au centre galactique et donc la distance des bras spiraux, avec des incertitudes énormes. Aujourd’hui, on sait que notre galaxie possède quatre grands bras spiraux et une petite barre dans sa région centrale. Et on sait aussi maintenant voir ce qui se passe très loin de l’autre côté du disque galactique, avec une très bonne précision.

En avril prochain, les données du télescope Gaia fourniront les positions et vitesses précises de plus d’un milliard d’étoiles de notre galaxie, offrant une nouvelle cartographie inédite, mais celle-ci ne dira rien de la zone située derrière le centre galactique pour laquelle il reste aveugle.


Source
Mapping spiral structure on the far side of the Milky Way
Alberto Sanna, Mark J. Reid, Thomas M. Dame, Karl M. Menten, Andreas Brunthaler
Science  Vol. 358, Issue 6360, pp. 227-230 (13 Oct 2017)

Illustrations
1) Schéma de la zone de formation d'étoile située de l'autre côté de la Galaxie dont la distance a été mesurée dans cette étude (NASA/JPL-CALTECH/R. Hurt adapté par G. Grullon/Science)
2) Les différents radiotélescopes formant le réseau du Very Long Basine Array (NRAO).

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