La masse totale de notre galaxie vient d'être mesurée avec une bonne précision grâce aux télescopes spatiaux Gaia et Hubble : 1540 milliards de masses solaires, pour une quantité de 200 milliards d'étoiles.
Mesurer la masse totale de notre galaxie est une tâche très difficile. Diverses études menées depuis plusieurs décennies ont trouvé des valeurs très disparates, allant de 500 milliards et 3000 milliards de masses solaires. Or la connaissance la plus précise possible de la masse de notre galaxie est importante pour pouvoir la remettre dans un contexte cosmologique plus global, notamment pour connaître son évolution et la nature de ses constituants.
Les galaxies les moins massives que nous connaissons font environ 1 milliard de masses solaires, alors que les plus massives atteignent 30 000 milliards de masses solaires. Notre bonne vieille Voie Lactée, avec ses 1540 milliards de masses solaires, se trouve donc avoir une masse tout à fait moyenne.
Cette nouvelle valeur précise de la masse de notre galaxie a été obtenue par la mesure du mouvement d'amas globulaires en trois dimensions. Les amas globulaire sont, rappelons-le, des amas sphériques de dizaines voire centaines de milliers d'étoiles, qui sont en orbite autour du centre de la galaxie. Plus une galaxie est massive, plus les amas globulaires se déplacent vite sur leur orbite, sous son influence gravitationnelle.
Jusqu'à présent, les astrophysiciens connaissaient surtout bien la vitesse des amas globulaires dans l'axe de visée, c'est à dire leur vitesse radiale. Mais grâce au télescope astrométrique Gaia, qui a cartographié les positions et vitesses de milliards d'étoiles, ainsi qu'au télescope Hubble, des données de vitesse tangentielle de grande précision sont devenues accessibles, ce qui permet de reconstruire le mouvement propre, autrement dit le vecteur vitesse exact de nombreuses étoiles et même d'amas entiers.
Gaia a permis à Laura Watkins (ESO) et ses collaborateurs de mesurer la vitesse de 34 amas globulaires se distribuant jusqu'à 65 000 années-lumière, alors que Hubble a poussé plus loin pour 12 autres amas globulaires, jusqu'à 130 000 années-lumière (des objets observés à 10 ans d'intervalle).
La distribution de la masse de notre Galaxie a ainsi pu être déterminée par les chercheurs sur une région couvrant un peu plus de 100 000 années-lumière autour du Soleil. Or, les simulations cosmologiques nous disent à quoi doit ressembler la distribution totale de masse d'une galaxie comme la nôtre. Ainsi, à partir des mesures et des simulations galactiques, Laura Watkins et ses collègues peuvent extrapoler la masse de la galaxie entière, comme ils le montrent dans leur article qui vient d'être accepté pour publication dans The Astrophysical Journal. Lorsqu'ils ne prennent en compte que les 34 amas globulaires mesurés par Gaia, ils trouvent au final une masse totale de 1280 (+970/- 480)
milliards de masses solaires, et lorsqu'ils ajoutent les 12 amas mesurés avec Hubble, la masse totale obtenue est un peu plus élevée, mais aussi plus précise : 1540 (+750/-440) milliards de masses solaires.
La source dominante d'incertitude va maintenant venir de biais systématiques dans les échantillons étudiés. Mais d'après les chercheurs, des progrès pourront encore être obtenus en augmentant la taille des échantillons d'amas globulaires. Pour le moment, Gaia a mesuré en tout les mouvements propres de seulement 75 amas globulaires sur les 157 connus à ce jour. Il paraît quasi sûr que les mouvements propres et la vitesse galactocentrique de très nombreux autres amas globulaires pourront être mesurés dans un futur proche, de quoi raffiner encore la valeur de la masse de notre Galaxie, dont la grande majorité est formée par son halo de matière noire dans lequel baignent le disque galactique peuplé d'étoiles et de gaz.
Source
Evidence for an Intermediate-Mass Milky Way from Gaia DR2 Halo Globular Cluster Motions
Laura Watkins et al.
Accepté pour publication dans The Astrophysical Journal
Illustrations
1) Vue d'artiste de notre galaxie entourée de nombreux amas globulaires parcourant le halo (NASA, ESA, and A. Feild (STScI))
2) Images de l'amas globulaire 5466 par le télescope Hubble à 10 ans d'intervalle : les étoiles bougent par rapport aux deux galaxies très lointaines en arrière plan, qui paraissent immobiles (NASA, ESA, and S.T. Sohn and J. DePasquale (STScI))
2 commentaires :
Bonjour Eric,
Je suppose qu'il a fallu observer un bon nombre d'étoiles pour chaque amas globulaire, question de faire une moyenne convenable, vu qu'elles ont un mouvement propre au sein de l'amas.
Quel boulot!
Et maintenant, est-ce qu'on peut dire quelle est la proportion entre la masse des étoiles de la galaxie et sa masse totale?
Et quelle est la répartition de la masse invisible?
Bonjour Youx,
La masse totale étant de 1540 milliards de masses solaires, le nombre d'étoiles étant d'environ 200 milliards et en considérant que la masse moyenne d'une étoile de notre galaxie est d'environ 0,25 masses solaire (il y a surtout des étoiles naines), la masse en étoiles est de l'ordre de 50 milliards de masses solaires. Le gaz correspond à environ 10% de la masse en étoiles (environ 5 milliards de masses solaires). On a donc 55 milliards de masses solaires bien connue (baryonique), et 1485 milliards de masses solaires de matière invisible (noire) pour faire le compte. La matière baryonique représente donc 3,5% du total... soit un peu moins qu'au niveau cosmologique où on a 15% (matière baryonique/baryonique+noire). Les modèles de matière noire prédisent que celle-ci se distribue en halo sphérique, avec un profil de densité particulier en fonction du rayon.
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