Il n'y a pas que les trous noirs supermassifs qui peuvent éjecter des étoiles à grande vitesse, c'est la conclusion à laquelle une équipe de chercheurs américains vient d'arriver en retraçant la trajectoire passée d'une des étoiles les plus véloces qui est en train de quitter le disque de notre galaxie...
Kohei Hattori (Université du Michigan) et ses collaborateurs se sont intéressés à une étoile massive (8,3 masses solaires) qualifiée d'hypervéloce, dont la vitesse (568 km/s) avait été mesurée par Gaia. LAMOST-HVS1 fait en effet partie de la petite trentaine d'étoiles qui montrent une vitesse supérieure à 400 km/s. C'est en 2005 qu'ont été observées les premières étoiles hypervéloces, qui ont une vitesse plus de deux fois plus élevée que la vitesse moyenne.
L'origine de ces étoiles étonnantes, qui sont suffisamment rapides pour ne plus être retenues gravitationnellement par la Galaxie, était jusqu'à aujourd'hui expliquée par une interaction avec un gros trou noir. En effet, lorsque qu'un système binaire d'étoiles passe trop près d'un trou noir, ce dernier peut capturer l'une des deux compagnes mais dans ce cas, la seconde se retrouve violemment éjectée comme par une fronde gravitationnelle. Mais la vitesse de l'étoile éjectée est proportionnelle à la masse du trou noir et pour atteindre une vitesse de l'ordre de 500 km/s, le trou noir doit nécessairement être du type supermassif. Et comme notre galaxie abrite un tel trou noir en son centre, Sgr A*, les astrophysiciens estimaient que les étoiles hypervéloces devaient forcément provenir de la région très centrale de la Galaxie.
Kohei Hattori et ses collègues ont ainsi voulu retracer la trajectoire passée de LAMOST-HVS1, qui se trouve être l'étoile hypervéloce la plus proche du Soleil. En plus des données de position et de vitesse de Gaia, les astronomes ont également exploité celles d'un des télescopes chiliens Magellan. A leur grande surprise, la trajectoire de LAMOST-HVS1 ne passe pas par le centre de la Galaxie, mais au contraire, provient du disque galactique avec une éjection datant de 33 millions d'années.
Ce constat impose de trouver une autre solution que Sgr A* comme source d'accélération pour cette étoile. Hattori et ses collègues proposent donc deux scénarios. L'étoile aurait rencontré soit un trou noir de masse intermédiaire (100 000 masses solaires maximum) à l'intérieur d'un amas d'étoiles , soit un groupe d'étoiles massives.
Des étoiles massives éjectées d'amas ont déjà été observées depuis de nombreuses années mais toujours avec des vitesses d'au maximum 100 km/s, de plus, les modèles théoriques décrivant les éjections d'étoiles induites par un groupe d'étoiles massives ne produisent que rarement des vitesses élevées. C'est donc la solution plus exotique impliquant un trou noir intermédiaire que semblent privilégier les chercheurs.
La trajectoire calculée montre une origine dans le bras spiral "Norma", où pourtant aucun amas d'étoiles massives n'est connu. Mais il se pourrait qu'il y en ait tout de même un, qui serait caché derrière la poussière du disque galactique. Sa découverte pourrait alors mener vers la mise en évidence de la présence d'un très gros trou noir non plus vers le centre galactique mais dans le disque.
Sachant que notre galaxie possède quelques amas d'étoiles massives, il est tentant d'essayer de les relier avec les étoiles hypervéloces connues aujourd'hui. Cela pourrait notamment conduire à mieux comprendre les interactions entre étoiles et la possible formation de trous noirs intermédiaires au sein des amas d'étoiles.
Source
Origin of a Massive Hyper-runaway Subgiant Star LAMOST-HVS1: Implication from Gaia and Follow-up Spectroscopy
Kohei Hattori et al.
The Astrophysical Journal, Volume 873, Number 2 (12 March 2019)
Illustrations
1) Vue d'artiste de deux étoiles hypervéloces éjectées du centre de la Galaxie
2) Trajectoire calculée de LAMOST-HVS1 depuis son éjection il y a 33 millions d'années (Kohei Hattori)
2 commentaires :
Bonjour Eric,
"...les éjections d'étoiles induites par un groupe d'étoiles massives ne produisent que rarement des vitesses élevées."
Oui. C'est ce qu'on observe: Ces étoiles sont rares.
N'avez-vous pas l'impression qu'ils cherchent systématiquement à trouver une explication tarabiscotée? Alors que la loi de Murfy l'explique déjà bien plus prosaïquement.
Evidemment, la publication serait moins sexy!
Les vagues scélérates ne devraient pas exister, normalement.
Pourtant, de temps en temps...
les vagues scélérates ont une explication elles aussi...
Enregistrer un commentaire