En 2006, une forte éruption de rayons X provenant d'une source nommée 3XMM J215022.4−055108 a été observée et attribuée soit à une destruction maréale d'étoile par un trou noir de quelques dizaines de milliers de masses solaires situé dans une galaxie lointaine ou soit à l'éruption d'une étoile à neutrons dans notre galaxie. Aujourd’hui, une équipe américano-française fait de nouvelles observations et conclue sur la première hypothèse, faisant de cette détection la première sans équivoque d'un trou noir de masse intermédiaire. Une étude à paraître dans The Astrophyscical Journal Letters.
Les astrophysiciens ont observé la source 3XMM J215022.4−055108 (J2150−0551) à la fois dans le visible avec le télescope Hubble et en rayons X avec les télescopes spatiaux XMM-Newton et Chandra. Ce sont les images de Hubble qui permettent de distinguer la présence d'une galaxie lenticulaire distante de 247 millions d'années à l'emplacement de la source de rayons X. La source de rayons X se situe à la périphérie de cette galaxie dans un amas dense d'étoiles de 10 millions de masses solaires. L'origine dans la Voie Lactée par une étoile à neutrons est donc définitivement abandonnée. Et les données de XMM-Newton montrent une décroissance de la luminosité (mesurée sur une période de 12 ans) qui correspond à ce qui est attendu dans le cas d'un événement de destruction maréale, avec un disque de gaz résiduel qui serait encore dans un état "thermique", c'est à dire avec une luminosité qui évolue comme la température à la puissance 4. Ce type d'évolution est ce que les chercheurs appellent un "smoking gun" d'un trou noir accrétant de la matière.
Dacheng Lin (Université du New Hampshire) et ses collaborateurs américains et français (de l'IRAP à Toulouse) viennent donc d'identifier formellement un trou noir dit de masse intermédiaire, ni stellaire (inférieur à 100 masses solaires) ni supermassif (supérieur à 100 000 masses solaires). Car la masse qui est déduite des caractéristiques de l'émission de rayons X observée est de l'ordre de 50 000 masses solaires et ce trou noir ne se trouve par ailleurs pas du tout au centre de sa galaxie hôte.
Jusqu'à aujourd'hui, seulement une poignée de trous noirs de masse intermédiaire ont été observés mais tous rangés au rang de "candidats". Cette classe de trous noirs est activement recherchée, car forme une pièce manquante de la grande famille des trous noirs. Ils sont surtout recherchés au sein des amas d'étoiles ou des galaxies naines mais sont très difficiles à détecter tant qu'aucune matière ne passe à leur proximité... La destruction d'une étoile qui passe trop près est le meilleur signal détectable de la présence d'un tel trou noir.
Lin et ses collaborateurs pensent que le groupe d'étoiles dense entourant le trou noir massif J2150−0551, plutôt qu'un amas globulaire, serait le résidu du coeur d'une galaxie naine qui aurait été disloquée après avoir interagi gravitationnellement avec la grosse galaxie qui est désormais son hôte.
Il est très important de mettre en évidence les trous noirs de masse intermédiaires car ils permettent de mieux comprendre comment les trous noirs supermassifs ont pu grossir de la sorte jusqu'à des millions ou des milliards de masse solaires. Les trous noirs de masse intermédiaires peuvent être des résidus des graines de trous noirs qui ont donné les premiers trous noirs supermassifs. Il faut donc comprendre comment se forment ces trous noirs de masse intermédiaire et si ceux que l'on peut observer aujourd'hui évoluent dans un environnement bien déterminé, comme des amas denses d'étoiles ou des résidus de galaxies naines, ce qui fournira des indices précieux sur l'histoire plus générale de l'évolution des trous noirs géants.
Source
Multiwavelength Follow-up of the Hyperluminous Intermediate-mass Black Hole Candidate 3XMM J215022.4-055108
Dacheng Lin et al
accepté pour publication dans The Astrophysical Journal Letters
Illustration
Image de la galaxie hôte de J2150−0551, l'amas d'étoile abritant le trou noir de masse intermédiaire est repéré par le cercle (NASA, ESA, and D. Lin (University of New Hampshire)
2 commentaires :
Sauf résultats numériques ou théoriques faits depuis, on ne sait toujours pas quourpoi le nuage qui est passé près de notre trou noir central n'a pas été disloqué comme prévu dans les simulations.
Est-ce que les chercheurs ont utilisés les mêmes hypothèses et/ou simulations?
D'autre part cette détection sous entend que ce genre de trou noir grossit peu à peu et donc ne peut être un résultat intermédiaire de trou noir central: premièrement, on observerait un maximum de ce genre d'émission X parceque, bon, pour grossir de 50.000 à 10.000.000.000, ou même juste 100.000, il faudrait que ce genre d'émission soit courant; deuxièmement, on lie les quasars (une seule grosse explosion) aux trous noirs galactiques; troisièmement, les quasars sont supposés émettre dans une seul direction alors qu'un disque radiatif émet dans toutes les directions (émission synchrotron de la matière ionisée qui tourne et subit de la friction au moins électromagnétique), alors que l'on voit d'avantage de quasars que ce genre de disque
Ma foi, de l'article, on comprend que ces trous noirs intermédiaires n'ont rien à voir avec les trous noirs centraux
le grossissement pour passer d'une taille de trou noir intermédiaire pour donner un trou noir supermassif peut se faire par simple accrétion de gaz en moins d'un milliard d'année. On estime que c'est une voie très probable dans le premier milliard d'année après le big bang. Pour rappel, un quasar est l'émission d'un disque d'accrétion, à ne pas confondre avec une émission de blazar qui elle n'est que dans une direction très collimatée.
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