09/11/20

Elegast : la première naine brune découverte par son émission radio


Les naines brunes sont des étoiles ratées, trop petites et trop froides pour avoir initié les réactions de fusion de l'hydrogène qui font briller les étoiles. Certaines naines brunes sont même trop froides pour pouvoir être détectées par leurs émissions infra-rouge. Mais elles peuvent être détectées autrement : pour la première fois, une équipe décrit la détection d'une naine brune par les émissions radio de ses aurores polaires. Une étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters.


Cette naine brune froide située à 65 parsecs est nommée BDR J1750+3809. Elle devient donc le premier objet substellaire détecté par son émission radio. Jusqu'à aujourd'hui, toutes les naines brunes connues avaient été trouvées grâce à leur émission infra-rouge thermique. Harish Vedantham (Netherlands Institute for Radio Astronomy) et son équipe ont décidé de donner un surnom à cette naine brune : Elegast. C'est avec le radiotélescope LOFAR (Low-Frequency Array) que les radioastronomes l'ont débusquée. Ils ont ensuite confirmé la nature de l'objet à l'origine de cette émission radio atypique avec les télescopes Hawaïens Gemini North et InfraRed Telescope Facility (IRTF)
Les naines brunes sont parfois aussi appelée des "super-planètes". Il faut dire qu'elles possèdent une atmosphère gazeuse qui ressemble à celle des planètes géantes gazeuses que nous connaissons. Et comme les planètes gazeuses, les naines brunes possèdent un puissant champ magnétique, suffisamment intense pour accélérer des électrons et les faire rayonner dans leur voisinage proche, voire même pour les faire interagir avec leur atmosphère et créer des aurores polaires. Plusieurs naines brunes avaient déjà été observées en train de produire de telles émissions radio, mais seulement après avoir été découvertes en infra-rouge. Ici c'est l'inverse qui s'est produit : Vedantham et ses collaborateurs ont découvert Elegast par son émission radio puis l'ont mieux caractérisée par la suite avec des instruments infra-rouge. 
Les chercheurs ont recherché un signal radio particulier autour de 144 MHz, propre aux émissions induites par des électrons accélérées dans un champ magnétique typique d'une naine brune : des ondes radio polarisées circulairement (une émission dite de "maser cyclotron").

Lorsqu'ils ont pointé le spectrographe de l'IRTF vers Elegast, Vedantham  et son équipe ont pu détecter la présence de méthane dans son atmosphère, une présence typique dans les naines brunes les plus froides (et que l'on retrouve chez les planètes géantes gazeuses). 
La luminosité radio spectrale est tout de même environ 100 fois plus élevée que ce qui est typiquement rencontré dans les naines brunes du même type (avec 5 × 1015 erg s−1 Hz−1). Les chercheurs attribuent cette valeur élevée à un alignement particulier ou bien à une interaction électrodynamique avec une compagne proche (non détectée). A partir des caractéristiques de l'émission radio, les astrophysiciens en déduisent la valeur minimum que doit avoir le champ magnétique de Elegast : 25 Gauss, une valeur de champ magnétique tout à fait comparable à des valeurs planétaires. 

Les relevés d'ondes radio à basse fréquence montrent ainsi tout leur potentiel pour découvrir toute une population d'objets substellaires qui sont trop froids et trop peu lumineux pour être détectés par les grands relevés infra-rouge.

unités astronomiques :
1 pc = 3,26 années-lumière
1 erg = 10-7 Joule
1 Gauss = 10-4 Tesla

Source

Direct Radio Discovery of a Cold Brown Dwarf
H. K. Vedantham et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 903, Number 2 (9 november 2020) 


Illustrations

1) Vue d'artiste de Elegast (ASTRON / Danielle Futselaar)

2) Vue aérienne de LOFAR (Pays Bas) (G B Gratton/STFC)

2 commentaires :

Pascal a dit…

Bonjour,

Je profite d'une petite coquille (1 erg = 10^-7 Joules) pour exprimer mon étonnement devant la pesanteur de certaines traditions dans la communauté scientifique, en particulier en matière d'unités. On comprend bien l'utilisation de grandes unités de longueur en astronomie (al ou pc), mais pas celles du système CGS au lieu du SI, alors qu'elles sont encore plus petites et plus disproportionnées aux valeurs généralement mesurées, comme dans le cas des ergs et ergs/sec. C'est juste source d'erreurs et complique inutilement les calculs. Sans parler des unités anglo-saxones...et des déboires astronautiques qui s'ensuivent.

Dr Eric Simon a dit…

Merci Pascal! Oui 10^-7, bien sûr... J'ai corrigé. Je suis bien d'accord que ça ne peut être que source d'erreurs...