La collaboration CHIME/FRB a détecté un FRB pas comme les autres le 21 décembre 2019. FRB 20191221A est ce qu'on appelle un FRB répétitif, montrant plusieurs sursauts, mais la nouveauté majeure avec cette source, c'est que chaque sursaut a une séparation périodique de 216,8 ms très exactement. Neuf sursauts ont été détectés pendant environ 3 secondes et puis plus rien. L'étude est publiée dans Nature.
FRB 20191221A est une aberration dans la population des FRB selon les chercheurs. Parmi les FRB répétitifs, la très grande majorité d'entre eux ne montre aucune cohérence dans la répartition temporelle de leurs sursauts. Certains ont montré un comportement de répétitions de sursauts par fenêtrage : il peut exister des périodes d'activité, au cours desquelles les sursauts se répètent aléatoirement, et des périodes de calme absolu, ces deux périodes activité/inactivité pouvant montrer une périodicité définie. Mais voir des sursauts rapides d'onde radio se suivant avec une période de moins de 0,3 seconde, à l'image de la période de rotation d'un pulsar classique, c'est du jamais vu.
Parmi les centaines de FRB que CHIME a pu détecter depuis 2018, moins de 0,5 % d'entre eux ont été répétitifs avec au moins cinq composantes distinctes en additionnant tous les canaux de fréquence. Et comme l'algorithme de détection de CHIME/FRB n'est pas optimisé pour trouver des sursauts répétés avec un écart de moins de 128 ms, les chercheurs précisent qu'il est possible que certains événements de durée comparable aient échappé à la détection. Selon les chercheurs de la collaboration CHIME/FRB, une périodicité aussi courte fournit des preuves solides pour une origine d'étoile à neutrons pour cet événement. Ils ajoutent que la détection favorise une émission provenant de la magnétosphère de l'étoile à neutrons, par opposition aux régions d'émission situées plus loin de l'étoile, comme le prédisent certains modèles.
Des périodicités de l'ordre de la milliseconde à la seconde peuvent suggérer que les sursauts sont générés par des pulsars radio galactiques qui auraient été identifiés à tort comme étant extragalactiques. Mais FRB 20191221A a une mesure de dispersion qui est environ quatre fois plus grande que la valeur maximale attendue par les modèles considérant un contenu électronique de la Voie Lactée. Les chercheurs de la collaboration CHIME ont cherché des preuves de la présence de régions ionisées ou de régions de formation d'étoiles dans la direction du FRB qui pourraient expliquer l'excès de mesure de dispersion, mais ils n'en ont trouvé aucune. Ils en concluent que la source est probablement extragalactique.
Et jusqu'à la date du 10 mars 2021 au moins, aucun autre sursaut radio n'a été observé en provenance de cette source à une position dans les limites de ΔRA = 2,2° cos-1(Dec) et ΔDec = 1° et CHIME/FRB continue de surveiller quotidiennement l'emplacement dans le ciel de ce FRB pour détecter d'autres sursauts éventuels. Ce qui est remarquable également, c'est que tous les composants formant FRB 20191221A présentent un spectre similaire. Ce phénomène est visible dans environ 5 % de la population de FRB répétitifs détectée par CHIME/FRB.
La modélisation du profil d'impulsion du FRB 20191221A montre que ses composantes ont une largeur relativement étroite de 4 ms en moyenne. Il est clair d'après le profil d'intensité des sursauts que l'émission du FRB a subi une forte diffusion, nettement supérieure à la contribution galactique attendue étant donné sa position dans le ciel, ce qui indique une propagation dans un plasma turbulent. Les chercheurs montrent que la largeur d'impulsion correspond à un rapport cyclique d'environ 1,8 %, ce qui est cohérent avec les pulsars radio galactiques.
Les principales théories sur l'origine des FRBs sont liées aux magnétars et sont divisées en modèles dans lesquels l'émission est soit générée dans la magnétosphère de l'étoile, soit déclenchée dans les régions de plasma par une éruption de l'étoile. La détection de la périodicité est naturellement expliquée par la première classe de modèles de magnétars, une émission générée dans la magnétosphère, et la deuxième classe de modèles ne prédit pas nécessairement une modulation milliseconde dans le signal émis...
Les chercheurs de CHIME précisent que les structures périodiques dans les sursauts pourraient être expliquées par une étoile à neutrons en rotation avec une émission par faisceau similaire aux pulsars galactiques dans lesquels, pour une raison inconnue, un train d'impulsions uniques a une luminosité anormalement élevée aurait existé pendant une courte période de temps. Par ailleurs, ils soulignent que les pulsars radio brillants et les magnétars présentent parfois des microstructures dans certaines de leurs impulsions uniques avec des profils similaires à ceux des FRBs rapportés précédemment. Mais ici, la largeur temporelle d'un sursaut est environ quatre fois plus grande que la composante la plus large jamais observée dans un pulsar radio.
Des théories récentes publiées en 2020 ont prédit la détection d'une périodicité dans les sursauts des FRB si les fréquences d'oscillation de la croûte du magnétar peuvent être directement reliées aux modes d'oscillation à la surface du magnétar pendant le sursaut. Une périodicité de 216,8 ms comme celle qui est rapportée ici correspond à une fréquence d'oscillation de surface de 4,6 Hz, ce qui est a priori dans la gamme observée précédemment dans les magnétars galactiques.
Les radioastronomes de CHIME, pour conclure, cherchent quelques scénarios alternatifs pour expliquer cette observation. Un premier scénario, jugé peu probable, pour expliquer la plus grande luminosité radio du FRB par rapport aux sources galactiques, est qu'il pourrait correspondre à l'observation d'un pulsar extragalactique, mais qui aurait subi une microlentille gravitationnelle. Une autre hypothèse, selon eux, serait que les sursauts périodiques pourraient être générés par l'interaction magnétosphérique entre deux étoiles à neutrons proches de la fusion... La quête de la nature de la source des sursauts rapides se poursuit...
Source
Sub-second periodicity in a fast radio burst
The CHIME/FRB Collaboration
Nature volume 607 (14 july 2022)
Illustration
Le radiotélescope CHIME (Collaboration CHIME)
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