09/08/22

Détection de la rémanence millimétrique d'un sursaut gamma court


Une équipe de chercheurs a observé pour la première fois la lumière rémanente d’une fusion d’étoiles à neutrons en ondes millimétriques, qui avait produit un sursaut gamma de courte durée. La découverte a été faite à l’aide du réseau de radiotélescopes ALMA et est publiée par The Astrophysical Journal Letters.

Tanmoy Laskar (université de Radboud aux Pays-Bas) et ses collaborateurs ont pointé ALMA dans la direction de GRB 211106A seulement 12 jours après sa détection en gamma par les télescopes gamma Swift et Fermi. Et c’était la première fois que ce type d’observation dans les longueurs d’ondes accessibles pour ALMA (97.5 GHz, soit 3 mm) était tentée sur un sursaut gamma. Les GRBs sont les explosions les plus puissantes connues, capables d'émettre plus d'énergie en quelques secondes que plusieurs milliards d’étoiles. GRB 211106A appartient à la sous-classe des GRB de courte durée qui correspondent à la fusion catastrophique de systèmes stellaires binaires contenant au moins une étoile à neutrons. Ce GRB est trop éloigné pour que les ondes gravitationnelles associées aient pu être détectables mais différentes longueurs d’ondes électromagnétiques l’étaient, des rayons X aux ondes millimétriques.
Le sursaut gamma ainsi que l’émission rémanente qui s’en suit sont produits par le jet relativiste qui apparaît lors de la fusion des étoiles à neutrons et la création d’un trou noir. En interagissant avec la coquille de matière qui entoure le couple d’étoiles à neutron devenu trou noir, les jets, s’ils sont dirigés dans la direction de la Terre, vont produire des rayons gamma focalisés qui vont nous parvenir sur une très courte durée de moins d’un seconde. Après son extinction, il existe une rémanence, une émission de lumière causée par l'interaction des jets avec le gaz environnant, une accélération d’électrons qui vont in fine produire des ondes radio et millimétriques par effet Synchrotron. Seule une demi-douzaine de GRB courts ont été détectés aux longueurs d'onde radio (ondes centimétriques) et, jusqu'à présent, aucun n'avait été détecté aux longueurs d'onde millimétriques. En revanche, quelques GRB longs, associés à des effondrements d’étoiles massives, ont été observés avec ALMA entre 2016 et 2019. Or, les longueurs d'onde millimétriques sont très intéressantes pour étudier la densité de l'environnement autour du GRB. Et, en les combinant aux rayons X, elles peuvent renseigner sur l'énergie réelle libérée lors de la fusion des deux étoiles à neutrons.
Comme l'émission aux longueurs d'ondes millimétriques peut être détectée plus longtemps que celle des rayons X, l'émission millimétrique peut également être utilisée pour déterminer la largeur du jet du GRB ou son angle d’ouverture. Les chercheurs déterminent un angle θ = (15,5 ± 1,4) degrés, qui est l’angle le plus grand détecté dans un tel GRB. Cette mesure est essentielle pour déduire les taux réels de GRB courts et les comparer aux taux de fusion d'étoiles à neutrons binaires ou d'étoiles à neutrons et de trous noirs. Et les astrophysiciens déterminent également l'énergie cinétique du jet, compte tenu de la correction induite par son angle d’ouverture : elle est comprise entre 2 × 1050 et 6 × 1051 erg, ce qui est parmi les plus grandes énergies déduites pour les GRB courts. La lumière était particulièrement faible, mais le télescope spatial Hubble a permis de détecter la lumière optique et infrarouge de la galaxie hôte du GRB qui s’est avérée être une galaxie peu lumineuse, très éloignée. GRB 211106A s'est produit lorsque l'univers n'avait que 40 % de son âge actuel (un redshift z d’environ 1,0), cela signifie que ce sursaut gamma de courte durée est encore plus puissant que ce que les chercheurs pensaient au départ. Il est en fait l'un des plus lumineux et des plus énergétiques jamais enregistrés, selon Laskar et son équipe.
L'absence d'une contrepartie optique implique un sursaut qui est obscurci par la poussière avec une extinction de 2,6 mag, ce qui est cohérent avec l'absorption élevée des rayons X qui est également relevée. 
Laskar et ses collaborateurs concluent en rappelant que c’est uniquement grâce à la combinaison d'une énergie élevée, d'une forte densité de la coquille de gaz, et de l'amélioration de la sensibilité offerte par ALMA, que la détection de cette rémanence dans la bande millimétrique a été possible. Ils estiment qu'une plus grande fraction (≈ 40%) de GRBs avec des redshifts connus sera détectable avec ALMA (comparé à environ 16% avec les autres radiotélescopes millimétriques), mais que la population sera probablement encore dominée par des événements énergétiques et à haute densité, même si des exceptions sont possibles pour les événements proches (z ~ 0,5). Ils soulignent aussi que c’est grâce au déclenchement et l'archivage rapides des données de Swift du sursaut gamma qu’une localisation rapide et un suivi de la rémanence de cet événement ont pu être effectués. La découverte de la contrepartie dans la bande millimétrique 12 jours après le déclenchement souligne l'importance d'un suivi radio soutenu et profond des GRB de courte durée. 

Source

The First Short GRB Millimeter Afterglow: The Wide-Angled Jet of the Extremely Energetic SGRB 211106A 
Tanmoy Laskar et al. 
À paraître dans The Astrophysical Journal Letters

Illustration 

Vue d’artiste de GRB 211106A (ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), M. Weiss (NRAO/AUI/NSF))

1 commentaire :

Claire a dit…

Bonjour, c'est vraiment incroyable ce que l'on arrive aujourd'hui à détecter grâce à des technologies toujours plus puissante et qui nous permette d'observer le passé ! Je trouve ça un peu magique ! Merci pour cette belle découverte!