Vous reprendrez bien un peu de Planck ? A l'occasion de la publication par la collaboration exploitant le satellite Planck de sa toute dernière carte du fond diffus cosmologique, elle de la polarisation du rayonnement, le CNRS a produit cette vidéo qui explique à peu près tout sur ce qu'à mesuré le Planck, et comment. A regarder sans en perdre une miette...
En ce moment même, jusqu'au 5 décembre, a lieu la conférence Planck2014 à Ferrara en Italie. Les spécialistes du fond diffus cosmologique (CMB) y discutent des dernières données analysées du satellite Planck. Alors qu'on se serait attendu à y voir la tant attendue analyse conjointe Planck-BICEP2 sur les modes B du CMB, ce ne sera hélas pas pour cette fois, mais Planck nous sert d'autres résultats toujours aussi intéressants sur les paramètres du modèle cosmologique standard, et sur des caractéristiques de la matière noire...
Carte de 30 x 30° du signal du CMB polarisé à 353 GHz. Les couleurs tracent l’émission thermique de la poussière, les reliefs dessinent le champ magnétique galactique. (ESA- collaboration Planck, mise en relief par Marc-Antoine Miville-Deschenes)
Les résultats préliminaires qui avaient été délivrés jusque là par la collaboration Planck reposaient sur les 15 premiers mois de données accumulées par le satellite et ne contenaient que des données de fluctuations de températures du rayonnement fossile. La nouveauté avec ce nouveau jeu de données est qu'il incorpore aujourd'hui des données de polarisation du rayonnement, cette fameuse polarisation, qui a été à l'origine de cette annonce en fanfare du mois de mars dernier par la collaboration BICEP2.
En fait, Planck avait commencé a publier cette année quelques cartes de la polarisation produite par la poussière galactique (mais pas dans la zone scrutée par BICEP2). Aujourd'hui, c'est une carte quasi complète de la polarisation de la poussière galactique qu'a pu montrer l'astrophysicien Nazzareno Mandolesi, de l'Université de Ferrara.
Concernant le modèle cosmologique, on peut dire que Planck vient à nouveau confirmer ce modèle, avec plus de précision. Avec deux fois plus de données, associées à de nouvelles informations fournies par la polarisation, on obtient des résultats encore plus précis pour les valeurs des paramètres cosmologiques qui soutiennent le modèle.
Il ne suffit que de six paramètres dans le modèle cosmologique standard pour ajuster les 19 pics qui apparaissent dans les trois spectres observés par Planck : spectres de puissance angulaire en température (TT), en polarisation scalaire (TE) et spectre mixte température-polarisation (EE) (voir figures ci-dessous).
Spectres de puissance mesurés par Planck (données 2014) (Collaboration Planck)
Les nouvelles valeurs affinées des principaux paramètres cosmologiques concernant le contenu énergétique de l'Univers sont les suivantes :
Matière ordinaire : 4,9%
Matière Noire : 26,6%
Energie Noire : 68,5%
La matière noire, parlons-en, car Planck, avec ses nouvelles données apporte de nouvelles contraintes sur un certain type de matière noire, savoir les WIMPs qui ont le bon goût de s'annihiler entre elles comme le fait une vulgaire matière avec son antimatière quand elle en trouve...
Ce que vous voyez sur ce graphe ci dessous, ce sont les zones exclues par ces nouvelles données de Planck dans l'espace masse-section efficace des WIMPs (zone bleue).
Credit : ESA- collaboration Planck
Regardez-bien ce graphique, vous voyez le petit carré gris en haut à droite avec trois points dedans, et qui se retrouve dans le bleu ? Et bien il s'agit de la matière noire telle qu'imaginée par les expériences AMS-02 par sa détection de positrons excédentaires mystérieux, ainsi que par les expériences Fermi et Pamela avec des mesures du même type. Et bien, leur modèle de matière noire se retrouve donc dans le bleu... il est désormais exclu par les nouvelles données de Planck, qui permettent de dire qu'il n'a pas pu y avoir de grosses quantités d'annihilations de matière noire et surtout que ce taux d'annihilation n'a pas pu changer au cours du temps cosmologique.
Cette information n'est pas une défaite, car le signal de positrons excédentaires mesurés finement par AMS-02 est bien réel, et donc aujourd'hui toujours plus mystérieux...
Carte de 30 x 30° du signal du CMB polarisé à 353 GHz. Les couleurs tracent l’émission thermique de la poussière, les reliefs dessinent le champ magnétique galactique. (ESA- collaboration Planck, mise en relief par Marc-Antoine Miville-Deschenes)
Bien sûr, Planck ne ferme pas du tout la porte à l'existence de matière noire (rappelons qu'il prédit qu'elle existe pour 26,6% de l'Univers), mais ces résultats permettent de faire le tri entre plusieurs modèles de matière noire, et la grosse nouvelle est qu'il ne s'agit visiblement pas de particules qui s'annihilent entre elles...
Et il y a un autre paramètre cosmologique que Planck a permis d'encore mieux cerner qu'auparavant, il s'agit du nombre de familles de neutrinos. Et là je peux dire que ce résultat me désespère quelque peu. Oui, Planck affirme qu'il n'y a que 3 neutrinos, et pas 4 et encore moins 5. En un mot comme en cent, les données de Planck montrent que le neutrino stérile est très très très improbable.
C'est avec une marge d'erreur 30% plus faible que précédemment qu'ils parviennent à cette valeur de 3. Par ailleurs, on peut déduire de cette valeur la masse maximale des trois neutrinos (la somme des trois masses), elle vaut 0,21 eV. L'inexistence d'un quatrième neutrino, stérile et massif, élimine également un candidat plutôt sympathique pour constituer la matière noire...
Pour finir, momentanément, on peut également évoquer un autre point qu'ont permis de préciser ces nouvelles données, il s'agit de l'époque de formation des premières étoiles. Il existait une contradiction entre ce que donnait l'ancêtre de Planck, le satellite WMAP et des observations astrophysiques de quasars notamment, BigBang+400 millions d'années pour le premier, BigBang +700 millions d'années pour les secondes. Planck vient de trancher : les quasars ont raison : c'est plutôt entre 700 millions et 800 millions d'années après la singularité initiale que seraient apparues les premières étoiles.
On n'aura peut-être pas eu notre réponse définitive sur l'existence des ondes gravitationnelles primordiales par l'analyse conjointe Planck-BICEP, mais la moisson de ces nouveaux résultats aura tout de même été fort riche.
L'anayse conjointe Planck-BICEP semble prévue pour être rendue publique en janvier 2015, aux dernières nouvelles. Quant à tous ces résultats 2014 de Planck, il seront publiés dès le 22 décembre dans Astronomy & Astrophysics. Un beau cadeau de Noël avant l'heure.
Sources :
European probe shoots down dark-matter claims
Ron Cowen& Davide Castelvecchi
Nature News, 02 december
Planck éclaire la matière noire : combien, quoi, où ?
Deux anomalies du fond diffus cosmologique observées par le prédécesseur du satellite Planck, WMAP, ont été confirmées au printemps dernier par les données de Planck, excluant de fait un biais de mesure.
L'une d'elle est une asymétrie de la température moyenne dans les hémisphères opposés du ciel (indiqués par la ligne courbe sur la figure ci-dessous, où les anomalies sont renforcées par la coloration rouge-bleu pour les rendre mieux visibles). Les températures sont légèrement plus élevées au sud de l'écliptique qu'au nord. Cela va à l'encontre des prédictions du modèle standard cosmologique qui dit que le fond diffus doit être homogène et isotrope. La seconde anomalie visible dans les données de WMAP et de Planck est un point froid qui s'étend sur une zone du ciel de l'hémisphère sud bien plus importante qu'une simple fluctuation (zone entourée ci-dessous).
Carte du CMB (ESA/Planck Collaboration)
Le rayonnement diffus cosmologique (CMB en anglais), est l'une des meilleures sondes pour explorer les très grandes structures de l'Univers. D'après le modèle de Big Bang actuelle, le fond diffus cosmologique est apparu lorsque la soupe primordiale s'est suffisamment refroidie dans l'expansion pour que les protons et les électrons puissent se combiner pour former des atomes d'hydrogène neutre et ainsi "libérer" les photons. C'était 380000 ans après l'instant initial. Si l'Univers était parfaitement homogène et isotrope, le CMB serait exactement identique partout dans toutes les directions du ciel. Mais il n'y aurait alors jamais eu de galaxies, d'étoiles et encore moins de planètes, et de grands singes bipèdes se posant des questions...
Ce sont de très petites inhomogénéités dans l'Univers primordial qui ont fini par former toutes ces structures. Et ces inhomogénéités apparaissent dans le rayonnement du fond diffus, sous forme de très petites variations de température. La température moyenne de ce rayonnement vaut 2.735 kelvins, et les plus grosses fluctuations valent environ un dix millième de kelvin.
Modèle de Bianchi de type VIIh
Ces fluctuations devraient être distribuées statistiquement de façon uniforme dans toutes les directions (on parle d'isotropie).
Mais ni WMAP ni Planck n'ont réussi à démontrer la parfaite isotropie des fluctuations du CMB, au contraire. Leurs données sont cohérentes, il existe bel et bien une anisotropie aux grandes échelles angulaires, comme si il existait une direction privilégiée.
Or, il existe des modèles dynamiques qui proposent une structure à la fois homogène, mais anisotrope. Ces modèles qui incluent une expansion anisotrope associée à une rotation globale sont appelés des modèles de Bianchi de type VIIh, d'après le mathématicien du 19ème siècle Luigi Bianchi qui a imaginé ces premiers modèles mathématiques.
Dans un modèle de Bianchi de type VIIh, c'est comme si les photons du CMB se propagent le long de géodésiques qui seraient en rotation autour d'un axe de symétrie et décalés vers le rouge du fait d'une expansion additionnelle. On aurait alors affaire à l'addition d'un cisaillement et d'une vorticité des géodésiques.
Appliqué au CMB, le modèle de Bianchi de type VIIh donne une structure extrêmement proche de la distribution observée par le satellite Planck (voir la comparaison des deux cartes ci-dessus).
Lorsqu'on soustrait la composante anisotrope du Bianchi VIIh dans la carte du CMB de Planck, on retrouve une répartition tout à fait homogène et isotrope...
Tout cela semble vraiment très séduisant, mais il y a un petit problème... Il se trouve que ce type de modèle n'est pas cohérent ni avec la théorie de l'inflation, ni avec les valeurs mesurées de la densité d'énergie de l'Univers, qui sont par ailleurs validées par les données de Planck. Alors que penser ?
Une certitude est qu'il faut très probablement abandonner le dogme de l'isotropie cosmologique. L'autre certitude est qu'il y a encore de nombreux points à creuser pour en connaître la nature et l'origine. Les données du CMB et les anomalies observées doivent en être le point d'entrée. La ressemblance troublante de la carte du modèle de Bianchi de type VIIh avec la carte de Planck n'est sans doute pas à prendre à la légère malgré les tensions qu'elle induit. C'est dans les tensions que peuvent jaillir de nouvelles idées.
Les résultats de PLANCK, ce ne sont pas qu'une très jolie carte du ciel et une non moins belle courbe du spectre de puissance des fluctuations de températures, c'est aussi, et surtout, 29 articles scientifiques exploitant les données acquises par le satellite durant ses 15 premiers mois de fonctionnement.
Ces recherches, outre le fond diffus cosmologique bien sûr, couvrent des aspects technologiques sur les détecteurs HFI et LFI, ainsi que des domaines annexes à la pure cosmologie observationnelle. On y trouve par exemple une étude sur l'émission galactique du monoxyde de carbone, sur l'émission zodiacale, les effets de lentilles gravitationnelles par les structures à grande échelle, ou encore sur la topologie de l'Univers, ou des catalogues de sources compactes....
Un travail qui a concerné plusieurs centaines de chercheurs partout dans le monde. Une mine de connaissances nouvelles... Et qui est encore en cours.
Tous ces articles sont soumis depuis le 20 mars 2013 à Astronomy&Astrophysics et sont d'ores et déjà accessibles en preprints, dont voici les liens :
Sortez vos agendas! Les premières images durayonnement de fond cosmologique du satellite PLANCK couvrant l’ensemble du ciel seront présentées lors d’une conférence de presse au siège de l'ESA demain, le 21 mars. A ne pas rater si vous pouvez la suivre!
La conférence de pressese tiendra de 10h à 12h.
Deuxséances d'informationsont accessibles en streaming : - La matinéesera accessible en directsur le portailprincipal de l'ESA : www.esa.int - L'après-midi,via le portailscientifique de l'ESA : http://www.esa.int/Our_Activities/Space_Science
D'autre part, un séminaire sspécialement dédié aux résultats de cette cartographie unique du CMB aura lieu