lundi 13 juillet 2015

Explication trouvée pour une bouffée de rayons gamma extraordinaire

Les bouffées de rayons gamma sont de brutales émissions de photons gamma très énergétiques qui arrivent sur Terre sporadiquement. Les premières bouffées de rayons gamma (appelées GRB en anglais pour Gamma-Ray Bursts) ont été détectées totalement par hasard à la fin des années 60 par un satellite militaire américain qui cherchait à détecter des explosions nucléaires soviétiques qui devaient produire de tels rayons gamma énergétiques. Et le 9 décembre 2011, une bouffée de rayons gamma pas comme les autres est arrivée sur Terre...



Vue d'artiste du phénomène de GRB (NASA/Swift/Cruz deWilde)
L'origine des bouffées de rayons gamma a été très longtemps mystérieuse, mais on commence à les comprendre de mieux en mieux depuis une décennie.  Depuis les années 1970, plusieurs générations de télescopes spécialisés dans les rayons gamma ont été lancés, chacun apportant plus de détails sur les sources de rayons gamma à l'origine de ces bouffées parfois très courtes. Les derniers en date et les plus efficaces à ce jour sont les télescopes spatiaux Fermi-LAT (spécialisé dans les rayons gamma) et Swift (chasseur de GRB), dont nous avons déjà parlé ici à de nombreuses reprises. Les GRB sont des phénomènes par définition transitoires, ils apparaissent avec une fréquence de l'ordre de 1 par jour (ils sont d'ailleurs nommés par leur date d'apparition suivie d'une lettre), ils ont été classés en deux catégories en fonction de leur durée. La première catégorie regroupe les GRB courts qui durent entre 0,1 et 1 seconde, et la deuxième catégorie est celle des GRB longs dont l'émission gamma dure entre 1 secondes et quelques minutes. 
L'explication qu'ont trouvée les astrophysiciens pour expliquer l'existence des GRB courts est la fusion violente d'un trou noir et d'une étoile à neutrons ou d'une paire d'étoiles à neutrons. Mais les GRB les plus communs sont les GRB longs (70% des GRB détectés par le satellite Swift sont du type long), ces GRB de plusieurs secondes sont expliqués actuellement par la création d'un trou noir stellaire lors de l'explosion d'une étoile (une supernova par effondrement). L'émission de photons gamma de ces objets serait associée au jet de matière relativiste apparaissant aux pôles du trou noir nouvellement formé qui accrète la matière résiduelle restant autour du résidu de l'étoile morte.
Mais à partir d'il y a quelques années, des GRB très atypiques ont été mis en évidence : ils duraient très longtemps, de plusieurs heures à plusieurs jours! Ils ont pour cela été appelés par les chercheurs des GRB ultra-longs. Certains d'entre eux ont pu  clairement être associés à un phénomène de destruction d'étoile par un trou noir supermassif par effets de marée dans le champ gravitationnel terrifiant du trou noir, mais d'autres ne correspondaient à aucun modèle connu de phénomène astrophysique. 
Une équipe d'astrophysiciens internationale vient de se pencher sur le cas du GRB ultra-long le plus proche de nous restant sans explication et propose enfin un mécanisme pour l'expliquer. Il s'agit de GRB 111209A, qui apparut dans le ciel le 9 décembre 2011 et qui dura près de 4 heures!

Vue d'artiste d'un magnétar (ESA/ATG medialab)
Jochen Greiner, de l'université de Munich, et ses collègues, en étudiant l'évolution de la lumière qui suivit l'émission gamma proprement dite, dans les longueurs d'onde visibles et proches infra-rouge, ont pu déterminer sans ambiguïté l'existence d'un signe caractéristique qu'on retrouve dans les supernovas. Mais pas les supernovas associées habituellement aux GRB longs, ici il s'agissait d'une supernova très lumineuse, du genre 10 fois plus lumineuse que la normale. Et en étudiant son spectre de lumière, les chercheurs ont également trouvé un spectre très atypique : on n'y retrouve pas les raies d'absorption  associées à la présence de fer comme c'est le cas dans les GRB longs typiques. En fait, le spectre obtenu par Greiner et ses collaborateurs ressemble beaucoup au spectre d'un nouveau type de supernova qui a été découvert la même année que ce GRB : une supernova super-lumineuse. Les supernovas super-lumineuses montrent une luminosité entre 10 et 100 fois plus forte que les supernovas classiques et évoluent plus lentement.
Les meilleurs modèles physiques permettant d'expliquer l'existence de ces supernovas impliquent la présence d'une étoile à neutrons en rotation rapide, même très rapide, et possédant en outre un très fort champ magnétique. C'est leur très grande énergie rotationnelle associée à ce champ magnétique très intense qui permet à ces étoiles à neutrons produites lors du phénomène de supernova de transférer une grande partie de leur énergie rotationnelle et produire indirectement une bouffée de rayons gamma énergétique de longue durée. Ces étoiles à neutrons particulières sont ce qu'on appelle des magnétars, il s'agit de pulsars ayant une période de rotation inférieure à 10 ms (ils font plus de 100 tours sur eux-mêmes en 1 s) et arborant un champ magnétique de l'ordre de 10 milliards de Teslas...

Même si Jochen Greiner et ses collaborateurs semblent convaincus du lien entre GRB ultra-long et supernovas super-lumineuses alimentées par un magnétar, leur proposition n'en est qu'au stade de l'hypothèse, le modèle utilisé impliquant encore plusieurs paramètres libres comme la masse de l'éjecta de la supernova, la vitesse de rotation du magnétar et l'intensité de son champ magnétique. GRB 111209A est pour le moment un cas unique et ces événements de GRB ultra-longs sont des phénomènes rares, ce qui rend difficile toute affirmation. De nouvelles observations sont nécessaires pour confirmer cette nouvelle hypothèse et les futurs détecteurs d'ondes gravitationnelles, associés aux télescopes spatiaux gamma pourront probablement apporter de précieuses informations aux chercheurs.


Source : 
A very luminous magnetar-powered supernova associated with an ultra-long gamma-ray burst
J. Greiner et al,
Nature 523 , 189-192 (july 2015)

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