mardi 23 février 2016

Le couple de trous noirs de LIGO aurait pu naître au sein d'une seule et même étoile

Le couple de trous noirs détecté par LIGO grâce à ses ondes gravitationnelles aurait pu avoir une origine très particulière: issu d'une seule et même étoile hypermassive. Cette hypothèse fait l'objet d'une publication dans the Astrophysical Journal Letters



Les interprétations commencent à apparaître autour du couple de trous noirs d'une trentaine de masses solaires observé par LIGO et qui a formé l'événement gravitationnel GW150914. L'interprétation publiée aujourd'hui est issue d'une observation par le télescope gamma Fermi-LAT. Fermi-LAT a en effet détecté une bouffée de rayons gamma 0,4 seconde après l’événement détecté par LIGO qui a duré environ 1 seconde, et situé dans une région du ciel compatible avec la direction déterminée grossièrement par LIGO. Alors que lors de la fusion de deux trous noirs isolés on ne s'attend pas à voir un rayonnement gamma accompagnant le phénomène,  l'astrophysicien américain Abraham Loeb propose un cas où les deux événements peuvent avoir lieu simultanément. Il s'agit du cas d'une étoile hypermassive en fin de vie qui s'effondre pour former un trou noir. Et Abraham Loeb (Harvard Smithonian Center for Astrophysics) utilise volontiers l'image d'une femme enceinte de jumeaux. Il montre qu'une supernova produite par ce type d'étoile aurait pu engendrer non pas un seul trou noir mais deux. Un tel processus est théoriquement possible dans un cas très particulier : si l'étoile qui s'effondre possédait une très grande vitesse de rotation. Dans ce cas, le cœur de l'étoile peut prendre la forme d'une haltère et finir par se fragmenter rapidement en deux morceaux de masse semblable au cours de l'effondrement, qui forment alors irrémédiablement deux trous noirs quasi identiques très rapprochés l'un de l'autre (cohérent avec les déductions des données de LIGO).

Vue d'artiste du couples d'étoiles massives MY Cameleopardis (38 et 32 masses
solaires respectivement, orbitant l'une autour de l'autre en 1,2 jours)
similaire au système qui aurait pu donner naissance finalement à GW150914
(Javier Lorenzo, Universidad de Alicante)
Les étoiles qui montrent des rotations extrêmes sont le plus souvent des étoiles résultant de la fusion de deux étoiles plus petites. Comme les deux étoiles auraient spiralé l'une vers l'autre de plus en plus vite avant de fusionner, l'étoile résultante aurait récupéré toute l'énergie de rotation du système (le moment cinétique). Pour que le cœur de cette étoile énorme fasse au moins 65 masses solaires (la somme des masses des deux trous noirs), l'étoile entière aurait dû faire plus de 100 masses solaires. Ce type d'événement de fusion d'étoiles générant des étoiles hypermassives peut se rencontrer au sein d'amas d'étoiles jeunes et denses.  

Les deux trous noirs qui se seraient formés au cours de l'explosion de cette étoile en rotation rapide n'auraient été séparés que par une distance très faible, estimée par l'astrophysicien américain à environ le diamètre de la Terre seulement. Ils auraient alors très vite fusionnés à leur tour en quelques minutes, fournissant le beau signal gravitationnel désormais mondialement connu.
Le nouveau trou noir issu de la fusion aurait absorbé ensuite du gaz résiduel de l'étoile à raison d'une masse solaire par seconde en produisant un jet de matière le long de son axe de rotation créant alors indirectement la bouffée de rayons gamma observée. Le télescope Fermi a détecté cette bouffée de rayons gamma juste 0,4 secondes après les ondes gravitationnelles GW150914 dans LIGO avec une probabilité de fausse alarme de 0,22%. Malheureusement, un autre télescope gamma, l'européen INTEGRAL, n'a pas enregistré de signal au même moment et ne confirme pas la bouffée de Fermi-LAT.

Même si cette explication n'est pas la bonne en réalité pour GW 150914, il n'en reste pas moins qu'elle est tout à fait plausible sur l'objet considéré comme hypothèse ici, et l'observation future de bouffées de rayons gamma en coïncidence avec des ondes gravitationnelles sur un seul et même événement astrophysique pourrait permettre d'évaluer la distance de l'événement par le décalage spectral de la lumière en même temps que directement à l'aide de l'amplitude des ondes gravitationnelles. Cela permettrait une nouvelle approche pour une mesure précise des distances cosmologiques en fonction du redshift.


Source : 

Electromagnetic Counterparts to Black Hole Mergers Detected by LIGO
Abraham Loeb (Harvard)
accepté pour publication par Astrophysical Journal Letters

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