samedi 24 septembre 2016

Pluton abriterait un profond océan d'eau liquide salée


Quelques jours après la publication de l'explication de la formation des couches de surface de Sputnik Planum, le cœur de Pluton, une nouvelle étude paraît aujourd'hui concernant sa structure interne sous-jacente et révèle la présence très probable d'un océan d'eau salée de 100 km de profondeur.



C'est en fait très peu de temps après l'obtention des premières données de New Horizons que l'idée d'un océan liquide de subsurface est apparue. C'est en modélisant le phénomène qui a pu créer le vaste bassin de Sputnik Planum, par un impact avec un petit corps d'au moins 200 km de diamètre qui aurait produit ce cratère, que les planétologues américains menés par Brandon Johnson de l'Université Brown, sont arrivés à nouveau à cette conclusion.
L'étude, qui est publiée dans le revue Geophysical Research Letters, trouve une grande probabilité de la présence d'un océan de plus de 100 km de profondeur. Les chercheurs estiment également la composition de cet océan qui aurait une très forte teneur en sel: 30%. Pour arriver à ces résultats, les planétologues se sont intéressés à la position de Sputnik Planum à la surface de Pluton par rapport au satellite Charon. Pluton et Charon sont verrouillés gravitationnellement, c'est à dire qu'ils présentent toujours la même face l'un à l'autre lors de leurs révolutions. Et Sputnik Planum se trouve exactement sur l'axe de marée liant les deux corps. Cette position suggère donc que le bassin possède ce qu'on appelle une anomalie de masse positive : il aurait plus de masse que la moyenne de la croûte glacée de Pluton. En effet, lorsque la gravité de Charon "tire" sur Pluton, elle le ferait proportionnellement plus au niveau de l'excès de masse , ce qui aurait fini, sur des centaines de millions d'années, par faire basculer Pluton sur son axe et aligner l'anomalie de masse positive sur l'axe de marée.

Vous vous dites maintenant : mais comment un impact faisant un cratère peut produire un surplus de masse, alors que cela produit normalement un trou soit une anomalie de masse négative? Une partie de la réponse, selon les chercheurs, est que après la formation du cratère, ce dernier s'est rempli partiellement de glace d'azote, qui apporte de la masse. Mais cet ajout de masse reste insuffisant pour expliquer l'anomalie de masse positive. 

Les études thermiques et tectoniques apportent la réponse : le reste de masse peut être généré par un liquide se trouvant en dessous. Imaginez que vous lancez un caillou à la surface d'une étendue liquide. En regardant de très près, on voit que l'impact produit tout d'abord un creux dans l'eau, puis aussitôt après à lieu un rebond, la surface liquide remontant et produisant des gouttes qui remontent exactement au centre de l'impact. Ce serait le même phénomène physique qui aurait eu lieu sur Pluton. Ce rebond aurait fait remonter des matériaux de couches profondes dans Pluton. Il suffit que la densité de la matière qui remonte soit plus importante que la densité de celle qui a été éjectée par l'impact pour qu'au final, une anomalie de masse positive apparaisse. Les géologues et planétologues appellent ce phénomène la compensation isostatique.
Et il se trouve que l'eau liquide est plus dense que la glace et possède les caractéristiques pour produire un rebond.
Brandon Johnson et son équipe ont effectué des simulations de l'impact pour vérifier si le scénario envisagé était bien ce qui se passait. Ils ont alors trouvé qu'une anomalie de masse positive apparaissait bien mais qu'elle était très sensible à la fois à la profondeur de la couche liquide et à sa salinité, qui affecte fortement sa densité.
Les chercheurs ont fait varier ces paramètres jusqu'à parvenir à la configuration la plus probable correspondant à l'aspect de Sputnik Planum. La profondeur de l'océan doit être d'au moins 100 km, avec une salinité d'environ 30%. Un océan très profond, et très salé... 
Les planétologues n'ont pas encore de réponse quant à l'origine de la chaleur nécessaire à la conservation de l'eau sous forme liquide sous la croûte glacée de Pluton, mais les données de New Horizons sont encore en cours d'analyse et pourraient apporter d'autres indices.

Hasard du calendrier, cette étude arrive quelques jours seulement avant l'annonce par la NASA le 26/09 d'observations par le télescope Hubble donnant de nouvelles preuves de la présence d'un océan liquide sur le satellite de Jupiter Europe. L'eau liquide est décidément très commune dans notre système solaire...


Source : 

Formation of the Sputnik Planum basin and the thickness of Pluto's subsurface ocean.
Brandon C. Johnson et al.
Geophysical Research Letters (19 September 2016)

Illustration : 

1) Sputnik Planum (image en fausses couleurs) (NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute)

2) Impact d'une goutte d'eau sur une surface liquide (Michael Melgar)

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