mercredi 13 juin 2018

ALMA détecte ses trois premières planètes (naissantes)


ALMA vient encore de frapper, avec la découverte officielle de ses premières planètes. Elles sont au nombre de trois, tout juste naissantes, dans le disque protoplanétaire d'une étoile, naissante elle aussi, nommée HD 163296 âgée de seulement 4 millions d'années et située à 330 années-lumière.




Ce sont deux équipes indépendantes qui montrent dans le même numéro à paraître du journal The Astrophysical Journal Letters que ce sont bien trois planètes très jeunes qui seraient en orbite de cette étoile naissante. Pour en arriver à cette conclusion, ils ont utilisé les capacités de très haute résolution de l'Atacama Large Millimeter Submillimeter Array (ALMA), le réseau de radiotélescopes de l'ESO situé sur les hauts plateaux Chiliens. Les astrophysiciens ont identifié, à l'intérieur du disque de gaz entourant HD 163296, trois anomalies  caractéristiques de ce que produiraient des planètes de la taille de Jupiter. L'équipe de Christophe Pinte (Université de Grenoble-Alpes / CNRS) qui publie le premier article, a utilisé une nouvelle technique de détection fondée sur l'identification de perturbations dans les flux de gaz du disque protoplanétaire. Richard Teague (Université du Michigan) et ses collègues, de leur côté, ont utilisé une méthode très similaire, savoir l'étude des mouvements de gaz à petite échelle, ce qui est rendu accessible par ALMA en suivant les infimes variations de longueur d'ondes de la raie d'émission du monoxyde de carbone (CO) signant les mouvements du gaz par effet Doppler.
Ces mesures viennent s'ajouter à des observations antérieures de ALMA sur ce disque protoplanétaire qui avaient été focalisées sur la poussière et avaient montrer l'existence nette de trois interstices dans le disque, signes avant-coureurs de la présence d'objets en orbite.
L'équipe de l'astrophysicien français a réussi à identifier une planète sur les trois, située à 260 unités astronomiques de l'étoile, tandis que les américains, eux, ont trouvé les deux autres, localisées plus près de HD 163296, respectivement à 83 et 137 unités astronomiques.

Dans les deux études, les chercheurs ont identifié des régions du disque protoplanétaire où le flux de gaz était anormal par rapport à son voisinage proche. Les planètes modifient légèrement la densité locale du gaz autour d'elles, ce qui modifie alors sa pression et altère ensuite la vitesse d'écoulement du gaz.
La précision atteinte dans les différents cas par ALMA est impressionnante : alors que le disque de gaz a une vitesse de rotation de l'ordre de 5 km/s, ALMA a détecté des variations de vitesse de quelques m/s seulement...
Cette nouvelle technique de détection offre aux astrophysiciens une estimation plus précise de la masse des planètes que ce que peuvent fournir les autres méthodes de détection. Elle est également plus robuste car donnant moins de faux positifs. La plus éloignée aurait ainsi une masse 2 fois plus importante que celle de Jupiter.

Qu'on se le dise, il y a un nouveau chasseur d'exoplanètes à disposition de la communauté des astrophysiciens, il s'appelle ALMA. 


Sources

A Kinematical Detection of Two Embedded Jupiter Mass Planets in HD 163296
Richard Teague et al.
à paraître dans The Astrophysical Jounal Letters


Kinematic evidence for an embedded protoplanet in a circumstellar disc
C. Pinte et al.
à paraître dans The Astrophysical Jounal Letters



Illustrations

1) Image de ALMA montrant la présence d'une anomalie dans le flux de gaz signant la présence d'une planète (Credit: ESO, ALMA (ESO/NAOJ/NRAO); Pinte et al)

2) Image du disque protoplanétaire de HD 163296 obtenue par ALMA en 2016 en observant la longueur d'onde d'émission de la poussière (ESO/NAOJ/NRAO); A. Isella; B. Saxton (NRAO/AUI/NSF)

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