jeudi 24 novembre 2011

Je ne sais rien, rien, rien !

Socrate (photo Eric Gaba)
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nous voulions tout savoir ?
Pourquoi voulons-nous étudier le monde qui nous entoure et l'Univers, aussi vaste soit-il ? 
Pourquoi ne restons-nous pas bien au chaud dans notre petite grotte à ignorer le monde extérieur?
Il doit y avoir au moins trois bonnes raisons, chacune ayant un caractère fondamentalement différent. 
La plus immédiate est que la connaissance du monde qui nous entoure nous permet d'améliorer notre vie quotidienne de nombreuses façons.
Par exemple la connaissance des plantes et des animaux de notre environnement nous a fourni des capacités alimentaires plus importantes et de meilleure qualité. La connaissance des métaux et du feu nous a aidé à vivre une vie plus confortable.

La compréhension de la météo est devenue vitale à un certain niveau. La connaissance des mouvements des étoiles et des planètes nous a ensuite permis de naviguer et de lire l'heure.
L'Univers est rempli d'objets étranges évoluant dans des conditions extrêmes, et une compréhension de ces éléments améliore sans conteste notre connaissance de la physique ici sur Terre, conduisant ensuite à une myriade d'applications pratiques. 
Les deux autres raisons ont à voir avec la culture dans son sens le plus large. La curiosité humaine nous pousse à vouloir comprendre comment fonctionne le monde, indépendamment des applications possibles, que ce soit au sujet de la vie sur Terre, des objets dans l'Univers ou des propriétés les plus fondamentales de la matière.
Nous voulons savoir tout ce qui nous est possible sur le contenu et le fonctionnement de l'Univers. Et pour faire cela, nous appliquons les lois de la physique que nous connaissons ici sur Terre pour comprendre ces objets parfois infiniment éloignés.
Le but profond est à relier à la tentative de compréhension de l'origine de tout, l'Univers entier, ce qui le compose, l'origine de la vie telle que celle qui se trouve ici, et notre origine, l'origine de notre conscience.
L'objectif est simplement la connaissance pour elle-même, et cet effort est sans conteste une part essentielle de ce qui nous rend humain.
Peut-on tout savoir? Peut-on atteindre une connaissance complète de tout ? La question peut être posée dans son principe. Que cela signifierait-il ?
En fait, cela soulève la question de savoir si nous pouvons vraiment connaître le monde sous-jacent au-delà de nos perceptions sensorielles - et est-ce que nous le réaliserions si c'était le cas ?

Pour aller à un niveau un peu moins fondamental, pourrait-on un jour avoir une connaissance si complète que nous pourrions répondre à toutes les questions imaginables et être capable de tout prévoir ?
Est-ce que le monde de la connaissance potentielle est quelque chose de fini ? En d'autres termes, y a-t-il une fin à la science ?

Dans le cas de la physique, est-ce que la connaissance ne fait que produire des formules permettant de prédire l'avenir ou bien est-ce quelque chose de plus fondamental ?
La machine d'Anticythère (wikipedia)
Et d'ailleurs, est-ce que la connaissance en physique devrait toujours n'être qu'une approximation ? Contrairement aux mathématiques dont la vérité au sens de Platon doit être parfaite et éternelle, la physique repose sur des observations, des expériences et des mesures, et est donc sujette à des approximations et des incertitudes, encore et toujours, aussi petites qu'elles soient...
Après tout, peut-être que la Physique n'est rien d'autre qu'une approximation de la vérité.

Il existe une solution simple pour permettrait d'être certain que notre connaissance ne puisse jamais être complète : c'est le cas où nous vivrions dans un Univers dans lequel les lois de la Physique pourraient changer aléatoirement n'importe quand et n'importe où. Nous ne pourrions alors jamais rien modéliser et jamais rien comprendre...
Heureusement (!?), nous avons de fortes limites sur les variations de nos constantes physiques dans le temps et l'espace.
Mais il y a aussi des limites beaucoup plus fondamentales : nous ne pouvons pas savoir ce qui se trouve dans un trou noir, même en principe, car aucune lumière, et aucune information ne peut s'en échapper, nous ne pouvons pas voir à l'intérieur de son «horizon des événements». 
Nous ne pouvons pas non plus savoir ce qui se passe dans les régions de notre Univers qui sont si éloignées de nous dans l'espace-temps que la lumière en provenant n'a pas encore eu le temps de nous arriver : notre "observabilité" de l'Univers est limitée à notre «cône de lumière».
Et nous ne pourrons jamais observer d'autres Univers, même si ils peuvent exister en grand nombre.  Ils ont peut-être des lois physiques très différentes des nôtres, mais nous ne le saurons jamais!
Pour noircir encore le tableau, selon la définition d'une théorie scientifique qu'avait développée Karl Popper, et qui est largement acceptée, nous ne pourrons jamais avoir une connaissance complète, ou en tous cas, si nous l'avions atteinte, nous ne le saurions pas.

Dans cette perspective, une théorie scientifique est quelque chose qui est réfutable, c'est à dire capable de faire des prédictions qui peuvent être testées par l'expérience puis rejetée si elle est fausse. Une théorie peut seulement être réfutée, elle ne peut jamais être démontrée être vraie, peu importe le nombre d'expériences qui ont donné des résultats positifs.
Cette vision paraît quelque peu sombre, mais tentons un rayon d'espoir : Les trous noirs ne sont pas réellement entièrement noirs, puisqu'ils finissent par s'évaporer croit-on savoir depuis Stephen Hawking, même si il faut beaucoup de temps pour les trous noirs massifs....
Quant à notre cône de lumière, il est en train de s'élargir grâce à l'expansion de l'Univers, et de plus en plus vite semble-t-il... nous voyons donc plus loin, plus le temps passe...
Et le principe d'incertitude a peut-être aussi un avenir incertain au vu des évolutions possibles de la physique quantique, qui sait ? (pas moi).
Il est possible que l'on doive restreindre notre ambition d'une connaissance complète seulement à notre environnement proche, par exemple 5 milliards d'années, pourquoi pas ?

Ou bien les progrès de la science rendront tous les obstacles cités absolument ridicules. On ne sait pas.
Nous sommes accros au progrès. Que penser d'une machine comme la machine d'Anticythère, système mécanique construit en Grèce en 87 av. JC pour calculer les éclipses et les positions astronomiques et qui ne fut surpassée techniquement que 1500 ans plus tard ?
Aujourd'hui nous sommes tellement habitués à des progrès rapides en science et technologie qu'il nous semble impensable que ces progrès pourraient cesser,et que nous pourrions réellement revenir en arrière.
Et pourtant... Qui sait ?
Les scientifiques peuvent réagir de différentes façons au progrès de la science.Considérons un grand édifice scientifique qui a été laborieusement construit et est un énorme succès en ce qu'il explique de nombreuses choses et est capable de beaucoup de prédictions précises (au hasard, le modèle standard de la cosmologie ou encore le modèle standard de la physique des particules).

Supposons qu'un nouveau résultat d'observation ou d'expérimentation ahurissant apparaisse soudainement et détruise d'un coup ce bel édifice...
Pour répondre à ce cataclysme, certains scientifiques réagiront avec effroi et les autres avec joie. Les uns choqués de devoir détruire quelque chose qui avait été si soigneusement construit, les autres ravis d'apprendre enfin des choses nouvelles en cessant de confirmer encore et toujours une vieille théorie. Attention, dans les deux cas, ils veulent faire avancer la science (la connaissance), mais avec des points de vue quelque peu opposés.
Voudriez-vous tout savoir si vous pouviez ? A cette question, les gens réagissent de manière différente. Les scientifiques n'aiment pas forcément l'idée qu'un jour ils puissent tout savoir. Beaucoup pensent que la science n'a pas de limite, qu'elle continuera toujours, sans fin. Ils sont très hostiles à cette idée de fin de la science. Non pas parce que ça signifierait pour eux une période de chômage prolongé, mais peut-être parce qu'ils voient la science comme une suite de progression des connaissances qui ne peut pas s'arrêter.

A la question de savoir si la science est finie ou infinie, le plus judicieux serait sans doute de répondre simplement "je ne sais pas". Parce que personne ne sait.



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