Ejnar Hertzsprung a été l'une des grandes figures de
l’astronomie du XXème siècle.
Son nom reste gravé dans le diagramme dont il partage la
paternité avec un certain Henry Russell, diagramme qui montre en un coup d’œil
l’évolution de toutes les classes d’étoiles existantes.
Dans sa carrière d’astronome, il est
arrivé à Hertzsprung de tomber sur un os, un problème incompréhensible, et qui
le poursuivit durant quelques années. Il fut confronté à ce qu’on a appelé une
étoile mystérieuse, l’étoile mystérieuse de Ejnar Hertzsprung.
Cette étoile mystérieuse n'a en fait jamais
été vue directement par
Hertzsprung, ni par personne d’autre, mais elle a été photographiée.
Voilà
l’histoire :
Le
15 décembre 1901, deux photographies,
prises à une heure d’intervalle ont été effectuées à l’Harvard
College Observatory (Cambridge, Massachussetts). Les plaques photographiques ont alors été stockées
dans les archives de l’Observatoire (qui en compte près de 500 000 aujourd’hui !).
Ce n’est que 27 ans plus tard que ces deux plaques ont été ressorties des archives.
Hertzsprung
ne connaissait rien de cette image stupéfiante avant de tomber dessus le 1er
avril 1927.
Il la découvre
en examinant méticuleusement des milliers de plaques photographiques de la collection
de Harvard à la recherche d’étoiles variables qu’il étudiait à cette époque.
L’objet si mystérieux qu’il découvre alors semble bien être un objet variable,
mais ne ressemble que très peu à une étoile…
Cet objet
est très brillant, trop… D’après l’intensité enregistrée sur la plaque photo,
cette « étoile » devait être visible à l’œil nu pour un observateur
aguerri et sous un bon ciel.
Autre chose
étonnante, sa dimension : l’étoile (appelons la ainsi) semble avoir une
taille définie, et non pas être ponctuelle comme c’est le cas pour une étoile
« normale », et, encore plus étonnant, son diamètre semble avoir augmenté
entre la première photo et la seconde prise une heure après…
S’il n’avait
eu qu’une seule image entre les mains, Herzsprung aurait tout de suite rejeté
cette donnée en l’attribuant à un défaut de la plaque photo, mais la
probabilité que deux plaques photo aient un défaut correspondant exactement au
même endroit dans le ciel lui apparut beaucoup trop faible pour être un pur
hasard.
Mais Hertzsprung
ne trouvait aucune explication valable pour expliquer cette étoile mystérieuse.
La variabilité suggérait que cet objet n’était pas à des distances stellaires,
il a donc imaginé qu’il s’agissait d’un objet du système solaire.
Hertzsprung
a tout de suite pensé à une comète. Mais assez vite l’idée de la comète ne lui
parut pas tenir car d’autres plaques photo des régions adjacentes du ciel
prises juste avant et juste après le 15 décembre 1901 ne montrent aucune trace
semblable, à moins que cette comète ne soit extrêmement rapide. Mais l’absence
de mouvement apparent entre les deux photos (prises à une heure d’intervalle,
rappelons-le) exclue cette hypothèse. S’il s’agissait d’un corps en mouvement,
ce dernier devrait être trop lent pour être perceptible sur une durée d’une
heure.
Hertzsprung commença
alors à imaginer d’autres hypothèses un peu plus singulières, comme la
possibilité qu’il s’agisse d’un nuage de débris libérés lors d'une collision
d'astéroïdes…. mais il estima finalement que la forme sur l'image était trop
ronde et trop régulière pour un tel cataclysme.
Alors
que Hertzsprung s’obstinait à voir dans son étoile mystérieuse un corps provenant
du système solaire, d’autres astronomes alertés
par les soucis grandissants de l’astronome danois restèrent sur la piste d’une
étoile variable. L’astronome allemand Richard Prager, par exemple, la répertoria en 1934 sous le numéro 122 dans
son catalogue d’étoiles présumées variables.
Le
célèbre couple d’astronomes Sergei Gaposchkin et Cecilia Payne-Gaposchkin ont quant
à eux suggéré dans leur monographie de 1938 sur les étoiles variables (Variable Stars) que l'objet mystérieux
pouvait être un exemple d'une classe jusque-là méconnue de novae très rapides.
Beaucoup
plus tard, en 1951, Dorrit Hoffleit, une experte des étoiles variables à
Harvard, suggéra qu’une étoile variable montrant une éruption de magnitude
extrêmement élevée pouvait être à l’origine des photos mystérieuses de
Hertzsprung. Hoffleit spécula que la lumière très rouge de l'étoile éruptive pouvait
être responsable de l’aspect nébuleux et de la forme arrondie apparaissant sur
les plaques photographiques utilisées en 1900….
Malheureusement,
aucune preuve de ces explications
spéculatives ne fut apportée.
Un
astronome amateur, Thomas Anderson, avait proposé à Hertzprung une approche différente
peu après l’annonce de sa découverte.
Dans
une lettre à Hertzsprung datée du 10 mai 1927, Anderson relance l’idée d’une comète,
mais avec une différence notable : il suggéra que l'objet était une comète
de faible luminosité mais photographiée par hasard exactement au moment d’une éruption,
de luminosité brève mais très forte, un peu similaire à ce qui arriva à la
comète Holmes en 1892.
Cette
dernière passa d’une magnitude très faible à une visibilité à l'œil nu en quelques
heures et afficha une apparence remarquablement symétrique, qui n’est pas sans
rappeler les fameuses images trouvées par Hertzsprung.
Cette
proposition n’arrangea pas l’état de notre Hertzsprung qui fut bien sûr conquis
par cette idée et demanda aux astronomes de Harvard d'examiner attentivement toutes
les plaques photo prises pendant les nuits avant et après le 15 Décembre 1901, à
la recherche d’une telle comète. Mais bien sûr, rien ne fut trouvé.
L’absence
d’objet suspect sur les plaques photo prises immédiatement après le 15 décembre
n’allait pas dans le sens de l’explication de Anderson, en effet, une comète
comme Holmes a certes surgit de l’obscurité très rapidement mais a ensuite
décliné assez lentement, pendant plusieurs semaines, et d’autres comètes
éruptives ont également subi ce même scénario. Elles ne peuvent ainsi pas
expliquer l’absence d’objet dans les nuits tout juste suivantes le 15 décembre.
Certes
des éruptions cométaires rapides avaient déjà été observées, mais avec des
intensités vraiment très faibles et s’il s’agissait de cela sur la photo de
Herzsprung, la comète aurait dû être visible avant et après le phénomène…
Par
ailleurs, un tel grossissement de la taille apparente de l’objet à une heure
d’intervalle est difficilement compatible avec ce type d’explication, et en
tous cas serait sans précédent.
Ejnar Hertzsprung finit par abandonner sa quête après de longues années, à moins que ce ne soit sa quête qui finit par l'abandonner, mais la
question demeure : Qu’était donc l’étoile mystérieuse de Hertzsprung ?
Il se trouve
en fait qu’il est plus facile de dire ce qu’elle n’était probablement pas.
Ce n’était
assurément pas un météore, de manière évidente. Ce n’était
probablement pas non plus une nova rapide ou autre étoile variable. Il n’existe
en effet aucun exemple à ce jour de novae montrant une variation de luminosité
aussi importante et rapide. Des étoiles éruptives rapides existent mais aucune
étoile appropriée n’apparaît à l’emplacement de l’étoile mystérieuse. La
contrepartie visible d’un très gros sursaut gamma ? La durée longue de
l’événement disqualifie hélas cette suggestion. Une comète
(éruptive) c’est vrai permettrait d’expliquer l’aspect diffus de l’objet, mais on
l’a vu la variation trop rapide et l’absence d’observation avant et après
amènent à l’exclusion.
Reste alors une possibilité : et s’il s’agissait d’un phénomène rare qui n’est pas encore connu ? On parlait des sursauts gamma, rappelons-nous que ce phénomène n’existait pas aux yeux de Hertzsprung et des scientifiques de son époque…
L’étoile
mystérieuse de Hertzsprung serait-elle la manifestation d’un
phénomène astrophysique nouveau dont on a absolument aucune idée ?
C’est
évidemment la solution la plus intéressante, mais il faut avouer une chose,
c’est que c’est quand même très peu crédible... Pourquoi ?
Pour une raison simple : parce que depuis cet exemple qui a déjà plus de
100 ans, on a beaucoup beaucoup (et de plus en plus) regardé le ciel, et on n’a
simplement jamais revu un tel phénomène !... Jamais ! On aurait dû
revoir, au moins une fois, un tel phénomène… même s’il est très rare, avec tous
ces télescopes scrutant aujourd’hui nos cieux noirs…
Alors,
quoi ?
Puisqu’il
semble que l’on doive rejeter la solution pourtant passionnante d’un phénomène encore
inconnu, il faut peut-être se pencher, au contraire, vers les phénomènes les
plus banals, ceux auxquels on n’aime pas penser tellement ils sont communs….
Après
tout, et si l’étoile mystérieuse de Hertzsprung n’était pas réelle, mais juste
une vraie coïncidence incroyable, l’existence de deux défauts exactement au
même endroit sur les deux plaques photo ?
Hertzsprung
y avait pensé mais avait rejeté d’emblée cette solution. Mais finalement, si
rien d’autre ne peut résoudre l’énigme, l’improbable devient l’ultime recours.
Cette explication peu excitante astronomiquement le devient en revanche si on étudie les statistiques.
Il
faut toujours se rappeler que des événements à très faible probabilité arrivent
quand même parfois. Sans parler des gagnants du loto dont certains ont gagné
deux fois, souvenons-nous de cette histoire incroyable qui arriva pendant le
bombardement de Londres durant la seconde guerre mondiale : une bombe est
tombée à travers le toit d’une maison et n’a pas explosé. Ce fait est déjà
assez rare. Mais peu de temps après, une seconde bombe est tombée par le trou
dans le toit laissé par la première… je vous laisse calculer la
probabilité…mais il y a mieux, cette seconde bombe n’a pas explosé non
plus !... Aucun mort dans la maison…
Quelle
est la probabilité qu’un tel événement arrive ? Est-ce qu’il serait moins
probable que les deux plaques photo de Hertzsprung aient eu un défaut au même
endroit, expliquant ainsi son étoile mystérieuse ?
source :
Weird Astronomy: Tales of Unusual, Bizarre, and
Other Hard to Explain Observations
David A.J. Seargent
Springer-Verlag New York Inc. (2010)
David A.J. Seargent
Springer-Verlag New York Inc. (2010)
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