27/11/11

Plus que quelques semaines à vivre pour le boson de Higgs ?


Le boson de Higgs n'a plus que quelques semaines devant lui soit pour se montrer ou soit pour disparaître à jamais.
Présentée comme la déesse des particules, celle qui contribue à conférer une masse à toutes les autres particules, et également la dernière pièce manquante du «modèle standard» de la physique des particules, le boson de Higgs devait, doit, devrait (?) être la grande découverte du Grand collisionneur de hadrons (Large Hadron Collider) du CERN (LHC), l'accélérateur de particules le plus puissant du monde. Mais jusqu'ici, les deux énormes détecteurs - ATLAS et CMS (Compact Muon Solenoid) qui sont entièrement dédiés à sa découverte n'ont encore vu aucun signaux convaincants signant la présence de cette particule...

Lors d'une conférence qui s'est tenu à Paris le 18 Novembre, les équipes des expériences ATLAS et CMS ont présenté une analyse combinée qui élimine une large bande de masse potentielle pour le boson de Higgs.
En effet, la façon de découvrir une particule est fondée en quelque sorte sur le scan de toutes les plages d'énergie (masse  = énergie je le rappelle) à la recherche d'un pic d'événements détecté une fois la masse reconstruite à partir de l'énergie des particules secondaires observées (oui, oui, on ne détecte pas le Higgs directement, ce serait trop simple, on détecte une foultitude de particules secondaires, électrons, muons, neutrinos, photons, et j'en passe), puis on déduit des masses par reconstruction des interactions entre particules.
Donc, nos amis physiciens nous disent désormais que toute la plage des énergies comprises entre 141 GeV et 476 GeV est exclue pour ce Higgs!...
Or il se trouve qu'auparavant, d'autres mesures faites au siècle dernier avec le prédécesseur du LHC (le LEP) et un autre accélérateur géant américain (le Tevatron), ont indiqué que toute la plage d'énergie (plage de masse) inférieure à 114 GeV était également exclue...
Toto et Titi sont dans un bateau, Titi tombe à l'eau, qui est-ce qui reste ? Et bien il ne reste qu'une petite peau de chagrin semble-t-il....
On sait maintenant (ou on croit savoir) que le Higgs, si il existe, aurait donc une masse comprise entre 114 GeV et 141 GeV.
Le LHC va être arrêté sous peu pour sa trêve hivernale, mais les données acquises cet automne sont en cours de dépouillement par les centaines de physiciens impliqués, et vous savez quoi ? Ces données de l'automne 2011 parcourent la plage d'énergie située entre 114 GeV et 141 GeV !

Ce qui signifie une chose simple : la course contre la montre est lancée, car le premier qui annoncera THE découverte entre ATLAS et CMS aura tous les lauriers...
On nous annonce déjà (dixit Guido Tonelli, porte-parole de CMS) que l'on aura la réponse avant... Noël !
 C'est dans 4 semaines !!
source : Nature

On peut rappeler que Peter Higgs a introduit cette idée de nouvelle particule en 1964 pour permettre d'expliquer la grande différence de masse existant entre les bosons W et Z d'une part et le photon, qui partagent pourtant ensemble l'interaction électrofaible. Et comme ce mécanisme de Higgs permettait en plus d'expliquer la masse d'autres particules fondamentales que sont les quarks (formant la matière, neutrons et protons), il était vite apparu comme central dans le modèle devenu "standard"de la physique des particules.

Alors..., et si d'ici à Noël on nous annonce qu'il n'y a RIEN à voir entre 114 GeV et 141 GeV ?
En fait certains physiciens des plus renommés commencent vraiment à douter de l'existence même du boson de Higgs. Steven Weinberg, prix Nobel en 1979 pour ces travaux sur l'unification électrofaible, estime par exemple qu'il y a une chance sur 2 pour que le LHC découvre le Higgs et annonce déjà qu'il existe d'autres possibilités théoriques...


Si pas de Higgs, que mettre à la place ?

Gian Giudice, théoricien au CERN, propose des sortes d'amas géants de bosons W qui pourraient jouer le même rôle qu'une particule unique de Higgs, mais il avoue quand même que ce serait très surprenant...
D'autres modèles fonctionnent sans recours à un boson de Higgs, mais imposent des dimensions supplémentaires d'espace. Cependant ces modèles doivent encore être développés avant de pouvoir être testés expérimentalement.

L'alternative la plus probable aux yeux des physiciens des particules est que le boson de Higgs ne serait pas une particule unique, mais plutôt une classe de particules qui, ensemble, permet de garantir l'unification des deux forces électromagnétique et faible.
Un tel concept pourrait être séduisant en théorie si un unique boson de Higgs n'est pas trouvé, mais ça deviendrait vite un véritable casse-tête pour le vérifier par les expérimentateurs. Les théoriciens estiment déjà que le boson de Higgs conventionnel ne laisserait qu'une trace subtile sur les détecteurs vu qu'il se désintègre en bosons W et Z, en photons et d'autres particules de haute énergie. S'il y avait disons deux pseudo-particules de Higgs au lieu d'une, le signal de chacune serait encore plus faible. Ça commencerait à devenir assez délicat pour analyser de telles données.

La réponse au problème du boson de Higgs se trouve dans les données étant dépouillées actuellement au CERN et dans de nombreuses autres institutions scientifiques réparties à travers le monde. Une alerte avait été donnée il y a quelques mois à partir d'un premier lot de plus de 70 000 milliards de collisions de protons-antiprotons, avec peut-être un signal à 140 GeV (Nature 475, 434, 2011), mais un second lot de données à quant à lui rien montré à cette énergie...
Si les données analysées actuellement indiquent un signal de désintégrations de Higgs, l'annonce sera faite probablement avant la fin de l'année, et sûrement par les deux équipes ensemble, mais dans tous les cas, ces résultats nécessiteront d'être renforcés par de nouvelles données l'année prochaine.

Bon, et puis si il n'y a rien, on commencera à réfléchir sérieusement aux alternatives théoriques bien sûr, mais le LHC continuera néanmoins sa quête, au moins jusqu'à la fin 2012, date à laquelle une mise à niveau devrait être effectuée...
Et comme le modèle standard de la physique des particules est incapable de prédire le comportement de certaines particules sans l'existence d'une force électrofaible unifiée, il sera toujours intéressant pour les physiciens de bien étudier tous les comportements observés pour avancer sur la théorie électrofaible, si besoin.
Des années d'études en perspectives donc, avec ou sans boson de Higgs...

Restez à l'écoute, dès l'annonce faite, je la relaierai...

source : Nature 479, 456–457 ()

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