lundi 19 août 2013

Indices Indirects de Matière Noire dans les Bulles de Fermi

Il y a presque un an, je vous racontais ce qu’étaient les bulles de Fermi, ces vastes zones du ciel situées de part et d’autre du plan de notre galaxie, et qui ont la particularité de former des sortes de lobes, des bulles, d’où sont émis une quantité de rayons gamma, ainsi que du rayonnement micro-onde.
Ces bulles s’étendent environ jusqu’à une latitude de 50 degrés au-dessus et en dessous du plan galactique. L’énergie des rayons gamma que l’on y trouve s’étend entre 1 GeV et 100 GeV et est bien plus grande que l’émission gamma qu’on peut trouver dans le disque de notre galaxie.

La question de l’origine de ces bulles émissives a suscité de longs débats depuis quelques années maintenant. Le modèle qui semble le plus à même d’expliquer ce que l’on voit est basé sur le  phénomène de diffusion Compton inverse : des électrons très énergétiques diffusent sur des photons de faible énergie (typiquement des photons du domaine visible ou infra-rouge) en leur fournissant une grande part de leur énergie cinétique. Les photons sont ainsi boostés vers des hautes énergies,  devenant des photons gamma.

Schéma des bulles de Fermi.
Une étude venant de paraître dans Physics of the Dark Universe s’est penchée à nouveau sur les caractéristiques des photons gamma en provenance de ces bulles de Fermi, notamment en découpant les zones par tranches de latitude. Et des surprises sont apparues...
Aux latitudes supérieures à 30 degrés, tout se passe comme prévu par le modèle de diffusion Compton inverse, le spectre en énergie reflète très bien le modèle impliquant des électrons de l’ordre du GeV ou du TeV diffusant sur les photons du fond diffus ainsi que sur des photons de lumière stellaire.

En revanche, pour des latitudes plus basses, plus près du centre galactique donc, une telle origine leptonique pour le rayonnement gamma observé ne peut plus l’expliquer à elle seule. Un pic dans le spectre en énergie apparaît à quelques GeV. Et aucune solution fondée sur des interactions de rayons cosmiques de types protons ne permet non plus de produire un tel spectre gamma…

Il se trouve qu’il y a un autre endroit où un spectre similaire est observé, c’est dans la région entourant de très près le centre galactique. Les différentes solutions qui avaient été proposées pour expliquer cet excès de photons gamma sont d’une part de l’annihilation de matière noire, d’autre part une population de pulsars millisecondes ou encore des interactions de rayonnement cosmique avec le gaz interstellaire. 
Dans leur article, les chercheurs américains montrent que ce qui est observé à basse latitude jusque 20 degrés n’est rien d’autre que la continuité de ce qui est vu au niveau du centre galactique. Les caractéristiques sont extrêmement proches.
Diagramme de l'annihilation des WIMPs (Columbia University)
Il s’agit d’une émission qui s’étend donc jusqu’à environ 10000 années-lumière du centre de notre galaxie. Et la morphologie du signal est cohérente avec une origine d’annihilation de matière noire distribuée selon un certain profil (un profil de Navarro-Frenk-White généralisé, mais passons…).

La forme spectrale du signal est quant à elle conforme à une annihilation de WIMPs de 10 GeV en deux leptons tau-antitau, ces deux leptons produisant ensuite les photons gamma observés secondairement. Mais elle est aussi conforme avec une WIMP de 50 GeV qui s’annihilerait en deux quarks. Dans les deux cas, le calcul de la section efficace d’annihilation que font les auteurs d’après le nombre de photons gamma observés donne une valeur qui est tout à fait comparable avec celle qui est couramment admise pour une relique thermique du Big Bang comme les WIMPs sont sensées l’être…

Quant aux deux autres solutions ? Et bien les physiciens états-uniens indiquent qu’il serait très étonnant de trouver des myriades de pulsars milliseconde aux hautes latitudes, étant donné qu’il n’existe pas de population stellaire correspondante, quant aux interactions de rayonnement cosmique sur le gaz, on peut l’oublier aussi, trop loin, trop peu… Il n'y aurait donc plus qu'une seule et unique solution, mais au choix : 10 GeV ou 50 GeV...


Source : 
Two emission mechanisms in the Fermi Bubbles: A possible signal of annihilating dark matter
D. Hooper et al.
Physics of the Dark Universe Volume 2, Issue 3, September 2013, Pages 118–138

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