12/09/13

Des Orages Nucléaires

Le saviez-vous, lors des orages, les éclairs et la foudre qui parsèment le ciel sont la source de réactions nucléaires...
Des indices montrant que des neutrons seraient produits durant les orages étaient connus depuis les années 1980, mais cela n'avait encore jamais pu être réellement démontré expérimentalement. Il avait été constaté que lors de gros orages il apparaissait une augmentation significative du "bruit de fond" neutronique, normalement attribué au rayonnement cosmique.
Ce sont des physiciens russes qui ont enfin pu caractériser un peu mieux ces véritables petits canons à neutrons que sont les éclairs et la foudre et qui publient leur résultat cette semaine dans Physical Review Letters.

Pour cela, l'équipe russe a reproduit en laboratoire des grosses décharges électriques dans de l'air "normal", grâce à un vieil accélérateur d'électrons transformé pour l'occasion, pouvant créer un champ électrique de 1 MV/m pour une intensité de 10 kA.

En positionnant judicieusement différents détecteurs de neutrons (des détecteurs à traces et des scintillateurs plastiques) à différentes distances autour de l'éclair de décharge qui forme un canal de plasma, ils sont parvenus à mesurer un flux de l'ordre de 1 million de neutrons par cm² ayant une source spatialement étendue, et avec des neutrons d'énergie pouvant dépasser 10 MeV.

Ils observent également la création de rayons X en coïncidence avec ces neutrons énergétiques. Même si l'origine exacte de ces neutrons reste mal comprise, il est fort probable qu'ils soient dûs à des réactions photonucléaires, ayant justement pour origine les rayons X, qui sont, eux, produits par les électrons énergétiques du courant ionique de l'éclair.

Schéma imagé du processus de Bremsstrahlung
Reprenons. Le fort champ électrique appliqué produit un passage de charges électriques dans l'air qui se trouve ionisé : des électrons de plusieurs MeV d'énergie cinétique se déversent dans le canal qui forme l'éclair. L'ionisation locale associée à la chaleur générée par les interactions des charges produisent une émission de lumière (c'est l'éclair que nous voyons). 
Parallèlement, la forte chaleur très localisée dilate fortement une toute petite zone sur son passage. Il se créé alors une onde de choc acoustique, c'est le claquage caractéristique que l'on peut entendre, ou le tonnerre si vous préférez  Jusque là, rien de bien nouveau. 

Mais voilà que les électrons interagissent également au niveau du champ coulombien des noyaux d'atomes et peuvent être fortement ralentis. Ils émettent dans ce processus appelé Bremsstrahlung, des rayons X, dont l'énergie va se distribuer jusqu'à l'énergie maximale des électrons incidents.

Et c'est là que vont pouvoir apparaître nos neutrons : les photons X, qui sont émis préférentiellement dans la direction des électrons précurseurs, à leur tour, peuvent générer des réactions nucléaires sur les noyaux d'atomes composant l'air atmosphérique où ils se propagent, pour produire ce qu'on appelle des photoneutrons. Ces réactions sont nommées dans le jargon des physiciens nucléaires des réactions (gamma,n).

Il n'y a donc pas que les rayons cosmiques qui finissent par produire des neutrons en interagissant dans l'atmosphère. A bien plus basse altitude, les gros orages et leurs cumulonimbus monstrueux emmagasinent suffisamment d'énergie électrique pour eux aussi jouer avec le feu neutronique...

Les auteurs de cette étude souhaitent poursuivre leurs investigations pour déterminer où exactement sont produits les neutrons dans la décharge électrique. Ils doivent pour cela mesurer le "temps de vol" et la direction des neutrons, ce qui n'est pas si simple quand il s'agit de nanosecondes.

Référence :
Observation of Neutron Bursts Produced by Laboratory High-Voltage Atmospheric Discharge
A. V. Agafonov, et al.
Phys. Rev. Lett. 111, 115003 (2013)  September 12, 2013


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