C’est l’une des questions les plus énigmatiques qui reste sans réponse aujourd’hui dans la physique des trous noirs : que devient l’information sur l’état physique des particules qui sont absorbées par un trou noir ? La relativité générale dit que l’information est détruite, la mécanique quantique dit que toute information ne peut jamais être détruite. Il y a là une contradiction ou un paradoxe, c’est ce qu’on appelle le paradoxe de l’information. Stephen Hawking a beaucoup travaillé sur ce problème, seul ou avec des collègues théoriciens. Il vient de proposer il y a deux jours une nouvelle idée pour répondre à cette question lancinante.
A. Strominger, S. Hawking et M. Perry (photo A. Zytko) |
Hawking a proposé cette nouvelle idée mardi dernier à Stockholm au cours d’un séminaire organisé par la physicienne Laura Mersini-Houghton de l’Université de Caroline du Nord, et par le KTH Royal Institute of Technology et l’Université de Stockholm. Y sont réunis une trentaine de physiciens théoriciens parmi les meilleurs spécialistes des trous noirs. L’idée de Hawking, qu’il a étudiée et développée avec les théoriciens Malcolm Perry de Cambridge et Andrew Strominger de Harvard, indique que l’information serait en fait bien préservée mais qu’elle ne pénétrerait pas à l’intérieur de l’horizon du trou noir ; elle serait conservée (encodée) à sa surface sous la forme d’un hologramme à 3 dimensions. Rappelons que l’horizon d’un trou noir est l’endroit à partir duquel plus rien ne peut en sortir et qu’un hologramme est une représentation d’un objet de dimension N dans un objet de dimension N-1. L’idée d’un hologramme à la surface des trous noirs est issues de travaux en théorie des cordes où il avait montré que l’horizon d’un trou noir peut contenir un hologramme à 3 dimensions (deux dimensions spatiales et une de temps) qui représente parfaitement l’espace-temps à 4 dimensions de l’intérieur du trou noir. Par ailleurs, on se souvient des travaux pionniers de Jacob Bekenstein, récemment disparu, montrant que l’entropie d’un trou noir est proportionnelle à sa surface. Et entropie et information sont deux entités identiques à une constante près… (la constante de Boltzmann).
La théorie résumée par Stephen Hawking mardi stipule que l’information quantique est stockée sur l’horizon du trou noir sous la forme de ce qui sont appelées des « super translations ». Les super translations ont été conceptualisées en 1962, et seraient ici un hologramme des particules tombant dans le trou noir, elles en contiendraient donc toute l’information qui sinon serait définitivement perdue.
D’après Andrew Strominger, on peut se représenter ce processus par une sorte de surface de photons situés exactement sur la surface de l’horizon, ils sont juste en équilibre entre la chute dans le trou noir et l’échappement. Quelle que soit la taille du trou noir même lorsqu’il grossit, cette surface de lumière est toujours présente.
A chaque fois qu’une particule quelconque traverse l’horizon, elle laisse une empreinte sur cette surface, en modifiant légèrement l’ensemble de la surface de lumière qui se réarrange, produisant une « super-translation ».
Cette information pourra ensuite être renvoyée vers le reste de l’Univers bit par bit lorsque le trou noir rayonne en produisant des fluctuations quantiques (le rayonnement de Hawking), mais dans une forme chaotique. L’information est donc bien toujours là, mais, dans la pratique, comme l’a dit Hawking, c’est comme si elle était perdue car elle est inexploitable, où comment chercher la capitale du Minnesota dans une encyclopédie que l’on vient de réduire en cendres après l’avoir jetée dans la cheminée… Strominger précise que le grand challenge sera de démontrer que les super translations ont la capacité de stocker l’énorme quantité d’informations requise pour conserver non pas seulement une petite partie mais bien tout le contenu avalé par le trou noir.
Les physiciens espèrent bien que la résolution de ce paradoxe de l’information, si cette idée s’avère correcte, les aidera à comprendre comment fonctionne la gravitation aux échelles où la mécanique quantique gouverne.
Stephen Hawking a promis la publication de la théorie, avec tous ces détails, dans quelques semaines … Il est donc probable que nous en reparlions bientôt.
2 commentaires :
J'ai de la peine à comprendre ce que les physiciens considèrent comme de l'information si elle est indestructible, mémorisée, puis restituée mais sous une forme inutilisable.
A mes yeux d'informaticien naïf, l'information n'a de valeur que si on en conserve au moins la séquence (temporelle). 10110100 n'est pas égal à 11110000 même s'il y a le même nombre de 0 et de 1.
(pour une anecdote à ce sujet voir http://www.drgoulu.com/2010/01/30/tri-reversible/ )
Un petit lien pour tenter de comprendre ce que les physiciens considèrent comme l'information d'une particule ? Merci !
Le gros problème du paradoxe de l'information est que d'après la théorie de la relativité générale, absolument rien ne peut ressortir de l'horizon, donc toute connaissance sur l'état physique d'une particule qui a pénétré dans le trou noir est perdue à jamais. l'"information" définie comme "savoir quelque chose sur un objet" se retrouve détruite, ce qui n'est pas envisageable pour la mécanique quantique. La nouvelle idée de S. Hawking and co permet de dire que l'information n'a pas disparue dans le trou noir, mais il est vrai que cette information une fois récupérée ne permettrait plus de savoir grand chose sur l'état physique des particules entrantes. On pourrait dire qu'il s'agit d'une "information dégradée". C'est sûrement le prix à payer pour faire sauter ce paradoxe...
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