On ne soupçonne pas le pouvoir que peuvent avoir les trous noirs supermassifs. Une toute nouvelle analyse de 13 supernovas très inhabituelles, des explosions qui n'auraient pas dues avoir lieu et en des endroits peu communs, montre qu'un trou noir supermassif n'y serait pas pour rien.
Cette histoire a commencé en 2000 lorsque des astrophysiciens découvrirent des supernovas qui avaient explosé en dehors de galaxies, et qui plus est il s'agissait d'étoiles jeunes qui n'auraient pas encore dû atteindre le stade de supernova. C'était depuis lors devenu un vrai petit mystère insoluble. Ryan Foley de l'Université d'Illinois a émis l'idée que ces étoiles avaient dûes migrer en dehors de leur galaxie avant d'exploser et que peut-être que le mécanisme à l'origine de cette éjection était aussi à l'origine de l'explosion prématurée...
Exemples de supernovas riches en calcium éloignées de leur galaxie d'origine (NASA, ESA, and R. Foley, University of Illinois) |
Afin de tester son idée, l'astronome, seul aux commandes, s'est intéressé à la vitesse de ces étoiles avant qu'elles n'explosent en fouillant les archives de trois grands télescopes, celui du Lick Observatory en Californie et les hawaïens Keck et Subaru.
Ce qu'il a découvert c'est que ces étoiles se déplaçaient à très grandes vitesses, semblables à celles des étoiles qui sont éjectées de notre Galaxie par notre trou noir supermassif. Pour donner un chiffre, disons 7 millions de kilomètres par heure (ça calme).
Ryan Foley s'est ensuite intéressé aux galaxies qui étaient les plus proches de ces supernovas si particulières, classées sous le terme "supernovas riches en calcium". Il a pour cela utilisé les données de Hubble, et ce qu'il a vu était que dans tous les cas, il s'agissait de grosses galaxies en train de fusionner ou de galaxies elliptiques ayant récemment fusionné. Et d'autres indices allaient dans le même sens, comme par exemple la présence dans de nombreux cas d'un ou plusieurs trous noirs supermassifs très actifs, nourris par de la matière fraîche issue de la collision galactique.
Par ailleurs, un point commun de ces différents cas est que ces galaxies se trouvent dans un environnement dense au cœur d'amas de galaxies, le lieu privilégié pour des fusions de galaxies...
A partir de ces différents indices, le scénario élaboré par Foley est le suivant : deux vieilles galaxies contenant donc pas mal d'étoiles doubles se rapprochent l'une de l'autre et fusionnent. Lors de la fusion, les deux trous noirs supermassifs se rapprochent inéluctablement l'un de l'autre en spiralant l'un vers l'autre. Se faisant, ils emportent avec eux tout un cortège d'étoiles qui se trouvent suffisamment près d'eux pour être piégées gravitationnellement. Mais lorsque les deux trous noirs se retrouvent vraiment très près l'un de l'autre, une étoile binaire en orbite autour du premier peut se retrouver très près aussi du second, et les effets gravitationnels à trois ou quatre corps, dont deux supermassifs, étant ce qu'ils sont, il peut tout simplement arriver une violente éjection de l'étoile binaire à grande vitesse en dehors du plan de la galaxie.
Et le scénario n'est pas fini, ce faisant, le couple d'étoiles est également déstabilisé, ce qui induit que les deux étoiles se rapprochent aussi l'une de l'autre au cours de leur éjection de la galaxie. Et au bout d'un moment, les deux étoiles, dont une naine blanche préférentiellement, sont trop proches et fusionnent à leur tour, et la naine blanche ne le supporte pas, c'est l'explosion, la supernova.
La durée écoulée entre l'éjection et l'explosion est de l'ordre de 50 millions d'années, alors qu'un couple de naines blanches tranquille peut théoriquement durer plusieurs milliards d'années.
Des éjections d'étoiles peuvent avoir lieu aussi avec un seul trou noir supermassif comme je l'ai déjà mentionné avec par exemple Sgr A*. On estime que notre trou noir supermassif éjecte ainsi une étoile par siècle. Mais avec deux trous noirs supermassifs en interaction gravitationnelle, la probabilité se retrouve multipliée par 100 !
Mais ces supernovas très particulières cachent semble-t-il encore quelques mystères... Elles ont une luminosité systématiquement plus faible que leurs congénères plus classiques, et par ailleurs elles semblent stopper leur fusion thermonucléaire à la production du calcium au lieu de continuer jusqu'au fer comme les supernovas "normales". Elles éjectent également moins de matière lors de l'explosion. Des questions à même de donner encore un peu de travail aux meilleurs scénaristes de l'astrophysique.
Source :
Kinematics and host-galaxy properties suggest a nuclear origin for calcium-rich supernova progenitors
Ryan J. Foley
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society 452, 2463–2478 (2015)
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