lundi 30 novembre 2015

Destruction d'une étoile par un trou noir supermassif observée "en direct"

Le déchirement gravitationnel d'une étoile par les effets de marée d'un trou noir supermassif conduit généralement à une brève éruption dite "thermique", appelée TDF en anglais (Tidal Disruption Flare). Aujourd'hui, une équipe présente pour la première fois l'observation d'un phénomène d'émission radio suivant un tel éclatement d'étoile auprès d'un trou noir supermassif, qu'ils interprètent par l'apparition d'un jet de matière au pôle du trou noir.



Vue d'artiste du phénomène de déchirement d'une étoile suivi par la
production d'un jet de plasma (Johns Hopkins University)
Malgré d'intenses recherches, une émission d'ondes radio qui suivrait tout juste l'apparition d'une explosion de type TDF n'avait encore jamais pu être observée. Celle que  Sjoert van Velzen, postdoc à l'Université Johns Hopkins et ses collaborateurs australiens, néerlandais, anglais et américains sont parvenus à mettre en évidence se trouve être variable et 10 fois moins intense que ce qu'étaient capables de détecter les instruments antérieurs. Ce type de jets de matière suivant la destruction d'une étoile par un trou noir supermassif pourrait ainsi être commun mais jusqu'ici passé inaperçu par manque de sensibilité.

C'est véritablement tout le processus de destruction d'une étoile par les forces de marées du trou noir que les chercheurs ont réussi à suivre, depuis l'apparition de l'éruption thermique signant l'écrasement de l'étoile jusqu'à son aplatissement dans le disque d'accrétion du trou noir et l'éjection consécutive de matière à une vitesse relativiste au niveau des pôles du trou noir, finissant par produire ces ondes radio caractéristiques. Sjort van Velzen précise "Ces événements sont extrêmement rares. C'est la première fois que nous voyons tout ce qui se passe depuis la destruction d'une étoile jusqu'à la projection d'un jet de matière, le tout sur plusieurs mois d'affilée".
C'est en décembre 2014 qu'une équipe de l'université de l'Ohio a signalé la présence d'une étoile en train de se faire déchirer par un "petit" trou noir supermassif de 1 million de masses solaires. Très vite, Van Velzen a contacté ses collègues britanniques pour suivre l'événement avec des radiotélescopes, puis ils ont pu ajouter des données dans de nombreuses autres longueurs d'ondes, du visible aux rayons X. La galaxie où se déroule l'action scrutée de près se situe à seulement 300 millions d'années-lumière.
A partir de ces riches observations, les astrophysiciens tirent la conclusion que des flots de débris stellaires peuvent produire un jet très rapidement, ce qui va leur permettre d'affiner encore d'avantage la physique sous-jacente à ces événements violents.

Pour la petite histoire, Sjoert van Velzen, seulement quelques mois avant cette découverte impromptue, terminait la rédaction de sa thèse en écrivant dans sa conclusion qu'il espérait pouvoir découvrir un tel événement dans les 4 années suivantes... Le temps semble s'être fortement accéléré pour lui, et il se retrouve publié aujourd'hui dans la prestigieuse revue Science... 


Source : 

A radio jet from the optical and X-ray bright stellar tidal disruption flare ASASSN-14li
S. van Velzen et al.
Science online (26 November 2015) 


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