08/11/15

Les supernovas Ia sont bien diverses... mais encore plus standards

Une équipe menée par une doctorante de Saul Perlmutter, spécialiste des supernovas Ia, vient de trouver une technique infaillible pour améliorer leur mesure de distance en réduisant la dispersion de leur luminosité intrinsèque, qui était une grosse épine dans le pied des astrophysiciens depuis 15 ans.



Les supernovas de type Ia sont utilisées comme chandelles standards car elles produisent toutes presque la même quantité de lumière, ce qui permet de faire des mesures de distance assez précises des galaxies où elles apparaissent. Presque.., car il existe toujours une dispersion de luminosité d'environ 15% sur l'ensemble de la population des SN Ia, qui est mal maîtrisée par les astrophysiciens. 

Il se trouve que les supernovas de type Ia ne sont pas réellement standards, certaines d'entre elles peuvent être plus ou moins obscurcies par des nuages de gaz ou de poussières, et la physique en jeu diffère légèrement selon que la naine blanche à l'origine de l'explosion avait pour compagne une étoile "normale" ou bien une autre naine blanche. Ces différences qui apparaissent dans toute la population des supernovas Ia proches ou lointaines observées font que leur luminosité n'est pas rigoureusement identique mais fluctue avec un écart de l'ordre de 15%. 
Quand on se sert ensuite de la luminosité de ces "chandelles" pour évaluer leur distance comme par exemple dans les travaux de 1998 qui ont valu à Saul Perlmutter le prix Nobel en 2011 pour avoir démontré l'accélération de l'expansion cosmique (via des mesures de distance), on obtient évidemment des résultats entachés d'une incertitude qui peut devenir importante.
  
L'équipe americano-française de SNfactory a réussi à trouver une astuce pour réduire d'un facteur deux l'incertitude sur la luminosité des supernovas Ia. Hannah Fakhouri de Berkeley Lab, et ses collaborateurs, dont son directeur de thèse Saul Perlmutter et de nombreux français du CNRS, publient leurs travaux dans the Astrophysical Journal. Ils ont eu l'idée de regrouper les supernovas deux par deux, et en regardant non plus les courbes de lumière totales, mais en les décomposant dans leurs différentes longueurs d'ondes, en observant leur spectre.
Série temporelle de spectres d'une SN Ia
(SNfactory)
A partir du spectre d'une supernova (et de son évolution dans le temps), ils recherchent une autre supernova qui aurait exactement le même spectre. Les chercheurs montrent qu'en faisant des tests en aveugle, ils trouvent que les couples de SN Ia ainsi formés, dont les spectres se superposent le mieux, sont également des SN Ia dont la luminosité est similaire. 
L'équipe de SNfactory a exploité une population de 50 supernovas proches pour le développement de leur méthode. Ces supernovas ont été observées et enregistrées grâce au spectrographe SNIFS (SuperNova Integral Field Spectrograph) développé par les français du Centre de Recherche Astronomique de Lyon (CNRS/Université Lyon1) et monté sur le télescope de 2,2 m de l'Université de Hawaï au Mauna Kea. Ils parviennent en appliquant systématiquement cette méthode d'appariement spectral à réduire la dispersion globale de la luminosité de 15% à 8%. Il s'ensuit immédiatement que la précision sur la mesure de leur distance devient également améliorée d'un facteur 2.
Cela revient à mesurer la distance de la première SN puis d'en déduire celle de la SN appariée, dont on sait alors que la luminosité est quasi-exactement la même que la première.

Cette approche est très efficace même si elle est purement pragmatique et ne cherche pas quelle est la raison profonde de la dispersion de luminosité des supernovas. Elle revient en quelque sorte à comparer des pommes Golden avec des pommes Golden plutôt que des pommes avec des pommes.
Le projet SNfactory avait à sa fondation pour but de parvenir notamment à rassembler un échantillon de suffisamment bonne qualité (en termes de spectrophotométrie) pour tester cette méthode d'appariement spectral. C'est désormais chose faite, mais SNfactory ne compte pas s'arrêter là. De nouveaux échantillons de plusieurs centaines de supernovas devraient bientôt pouvoir être étudiés. Le but des astrophysiciens est bien sûr d'adapter leur nouvelle méthode sur les supernovas Ia les plus intéressantes, c'est à dire les plus lointaines. La NASA devrait à ce propos lancer vers 2025 le télescope WFIRST (Wide-Field Infrared Survey Telescope), qui pourra, entre autres, enregistrer les spectres de plusieurs milliers de supernovas distantes, et qui intéresseront donc particulièrement les équipes de SNfactory.

Un fait important qui apparaît quand on constate l'efficacité de la méthode décrite par Hannah Fakhouri est que la dispersion de 15% de la luminosité des SN Ia qui apparaissait n'est pas un effet statistique, mais bel et bien un effet systématique lié à la nature des supernovas. Il existe bien des différences entre les supernovas Ia elles-mêmes. La nouvelle méthode d'appariement spectral, par son efficacité à réduire la dispersion globale de luminosité des SN Ia, indique que les inconnues sur les processus physiques de l'explosion ont pu être drastiquement réduites en regardant les spectres de lumière au lieu de la quantité de lumière totale. Un grand pas en avant dans l'utilisation des SN Ia comme chandelles standard, maintenant encore un peu plus standards... malgré leur diversité. 


Source : 

Improving cosmological distance measurements using twin Type Ia supernovae
H. Fakhouri et al. 
Accepté pour publication dans the Astrophysical Journal

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